Martha Desrumaux, une vie d’engagements

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Martha Desrumaux, une vie d’engagements

Fille du Nord, fille du peuple, ouvrière, syndicaliste, militante politique, Martha Desrumeaux fut la seule femme à participer aux négociations des accords Matignon qui mirent un terme aux grandes grèves de 1936, celles qui suivirent la victoire électorale du Front Populaire. Elle fut déportée à Ravensbruck en 1942.

Les femmes sont souvent été oubliées des historiens, et plus encore les femmes issues des milieux populaires. Martha Desrumaux fut une pionnière et son parcours, qui est celui d’une autodidacte, illustre le double combat des femmes pour leur émancipation et des syndicalistes pour lutter contre l’exploitation du monde ouvrier.

Maryse Dumas, secrétaire de la CGT, a pu souligner le parcours exceptionnel de cette femme qui était bonne d’enfants à 10 ans et accéda à des responsabilités nationales sur le plan syndical avant de s’engager dans la Résistance et d’être déportée.

Ne jamais se laisser faire

Née dans un milieu modeste en 1897 à Comines, Martha Desrumaux est très vite orpheline de son père, pompier volontaire qui décède en 1906 des suites d’un accident survenu à l’occasion d’un incendie. La vie est difficile au foyer Desrumaux : la maman de Matha est handicapée et son frère aîné très malade. Bientôt Martha se retrouve à 9 ans placée comme bonne à tout faire dans une maison bourgeoise de Faches-Thumesnil. A 10 ans, elle fuit ses patrons, revient à Comines et décide qu’elle sera ouvrière dans le textile.

Puis à 12 ans, elle se syndique à la CGT… En 1912, elle adhère à la Section Socialiste de Comines. Puis la Première mondiale éclate après l’assassinat de Jean-Jaurès. C’est l’exode. Martha est évacuée à Lyon où elle travaille dans une usine textile. C’est en 1917 qu’elle organise sa première grève victorieuse aux usines Hassebroucq. Elle n’a que 20 ans et est alors illettrée mais c’est elle qui signe le protocole d’accord qui met un terme à ce conflit qui se solde par une victoire.

De sa première grande expérience de syndicaliste, elle en retient une leçon : la lutte peut payer lorsque l’on est organisé. La lutte contre l’exploitation de la classe ouvrière et pour son émancipation passe donc par un renforcement de l’organisation syndicale et politique qui défend les intérêts de la classe ouvrière. Martha participe au comité pour l’adhésion à la Troisième Internationale et devient membre du Parti Communiste naissant dès 1921.

Un engagement durable

Revenue dans le Nord à partir de 1921, avec les usines Hassebroucq, elle participe à de nombreuses luttes et prend des responsabilités au sein de la CGTU et du Parti Communiste. En 1925, Maurice Thorez lui confit la rédaction d’un télégramme au Président de la République, dénonçant la guerre coloniale faite au Maroc et les sur-impôts Caillaux.

En 1928, elle entre à la Direction de l’Union Régionale Unitaire de la CGTU. Avec une délégation de femmes, elle se rend à Moscou en 1927. Dans la foulée, elle est élue au Comité Central du Parti Communiste en 1929.

Comme dirigeante de la CGTU, elle joue un rôle important dans l’agglomération lilloise et est au cœur de l’action. Durant toute la période de l’entre-deux guerres, elle organise la lutte des travailleurs du Nord du Textile et en particulier celle des ouvrières.

Une ouvrière féministe et communiste

Le combat de Martha s’inscrit dans les luttes pour l’émancipation des ouvrières et des femmes qu’elle n’oppose pas à celles de l’ensemble des travailleurs : Combat pour les revendications des femmes ouvrières : à travail égal, salaire égal – droit concernant le travail pénible. Combat pour le respect dû aux Femmes sur le lieu de travail, dans la vie domestique. Combat pour que les femmes puissent accéder, comme les hommes, à des postes à responsabilités au sein des organisations politiques et syndicales. Combat pour que les femmes puissent avoir toute leur place dans les assemblées délibératives.

Elle part à Moscou se former dans l’une des écoles internationales du mouvement communiste. C’est à cette occasion qu’elle retrouve Louis Manguine, un métallo dont elle a pu apprécier le dévouement militant à Roubaix.

De retour en France elle participe activement aux grèves alors que les technologies progressent et que le chômage frappe de plus en plus de travailleurs.

Martha Desrumaux joue un rôle central dans les grands mouvements sociaux de mai – juin1936. Elle sera la seule femme présente lors de la signature des accords de Matignon en 1936 aux côtés de Benoît Frachon et de Léon Jouhaud.

Elle a alors des responsabilités confédérales au sein de la CGT qui vient de se réunifier. Premiers congés payés. Martha et Louis se reposent au bord de la mer. Neuf mois plus tard, en avril 1937, Martha donnera naissance à Luis., leur fils.

Déportée à Ravensbrück

De 1936 à 1938, elle organise la solidarité avec l’Espagne Républicaine et en1939 elle entre dans la clandestinité. Sous l’occupation elle sera un des fers de lance de la Résistance dans le Nord - Pas-de-Calais et organisera plusieurs grèves patriotiques. Elle verra malheureusement nombre de ses camarades massacrés par les nazis.

De 1939 à 1941, elle réorganisera le Parti Communiste dans le Nord - Pas-de-Calais et la liaison entre Bruxelles et Paris. Arrêtée en août 1941, sur dénonciation du Préfet Carles qui avait fourni une liste de plusieurs dizaines de dirigeants communistes, elle est déportée à Ravensbrück où elle participe à la direction de la Résistance dans le camp au côté de Marie-Claude Vaillant - Couturier et de Geneviève Antonioz de Gaulle.

Revenue à Lille à la Libération, et affaiblie par le typhus, une maladie contractée dans les camps, elle reprend des responsabilités au sein de la CGT du Nord. Elle est élue en 1945 au conseil municipal de Lille où elle devient très vite adjointe au maire. Puis elle sera élue Députée du Nord.

En 1954, elle quitte ses responsabilités syndicales et s’occupe en particulier, au sein de la FNIDRP (Fédération nationale des internés, déportés, résistants et patriotes) de la défense des déportés.

Elle meurt le 30 novembre 1982, le même jour que son compagnon et époux, Louis Manguine, qui fut un dirigeant important de la métallurgie et de l’UD du Nord

Une vie solidaire

L’histoire de Martha Desrumaux est une histoire à bien des égards exemplaire. Son parcours est marqué par ses choix, de dignité humaine et de justice sociale.

Pour Martha, c’est par la lutte, la solidarité et l’entraide que l’on finit par avancer et à faire céder ceux qui s’opposent à l’émancipation du plus grand nombre. Martha a toujours eu la solidarité chevillée au corps, y compris dans les camps lorsque l’adversité est la plus dure et la plus violente et à un moment où la maladie l’avait considérablement affaiblie.

Elle portait haut les valeurs de solidarité du monde du travail lorsqu’elle s’engage aux côtés des ouvrières, dans l’agglomération lilloise ou avec les travailleurs frontaliers de Belgique ou les Républicains espagnols. Féministe avant l’heure, elle s’est battue pour que les femmes touchent le même salaire que les hommes avec comme fil rouge, les droits des femmes ne sauraient être indépendante des droits de l’ensemble des salariés.

La conclusion revient à Pierre Outteryck, « toute sa vie n’a été que luttes pour un monde meilleur et juste ».

source http://www.nord-social.info/_front/Pages/article.php?art=554

Publié dans La Résistance

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