Tous en grève et dans la rue le 12 mai contre la Loi Travail

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Tous en grève et dans la rue le 12 mai contre la Loi Travail

Sous toutes ses formes, la lutte contre la loi El Khomri dure maintenant depuis deux mois.

Acculé, le gouvernement manie la violence et la répression. Alors que le débat s'ouvre à l'Assemblée nationale, l'enjeu est désormais d'aller au-delà des limites auxquelles se heurte la mobilisation et de bâtir sur des colères encore dispersées une force unie avec un objectif commun : gagner le retrait.

Révélé par la presse le 17 février, l'avant-projet de loi El Khomri a attisé les colères. Primauté des accords d'entreprise sur ceux de branche et sur la loi, dérégulation maximale du temps de travail, facilitation du licenciement économique, barème préétabli des indemnités prud'homales en cas de licenciement illégal, référendum d'entreprise pour contourner l'avis des syndicats majoritaires... Une véritable provocation pour ceux qui vivent ­ ou voudraient vivre ­ de leur travail, pour tous les jeunes qui voudront le faire demain.

En quelques jours, la contestation s'est organisée, multiforme et bouillonnante.

  • Une pétition en ligne a dépassé rapidement le million de signataires.
  • Sur YouTube, un collectif met en ligne les témoignages de jeunes salariés sur la dureté de leurs conditions de travail et l'arbitraire qu'ils subissent de la part de débat sur le modèle d'emploi à promouvoir. Tous clament : « On vaut mieux que ça ! »
  • Des lycées et des universités sont entrés rapidement en action.
  • Une intersyndicale, alliant organisations de salariés (CFT, FO, FSU, Solidaires) et de jeunesse (UNEF, UNL, FIDL), s'est constituée, appelant à quatre reprises déjà à des manifestations et grèves dans tout le pays (9 mars, 31 mars, 9 avril, 28 avril) pour le retrait du texte. La même intersyndicale a porté les cortèges du 1er Mai (70 000 manifestants à Paris selon la CGT, 4 à 5 fois plus qu'en 2015). Et prévoyait un rassemblement devant l'Assemblée nationale le 3 mai, date de début d'examen du proj et de loi (de son côté, la CFE-CGC appelait également à un rassemblement).
  • Enfin, depuis la fin de la manifestation du 31 mars, la place de la République, à Paris, est occupée chaque jour par le mouvement Nuit debout, l'idée a essaimé ensuite dans plusieurs villes de France.

À l'occasion des mobilisations interprofessionnelles contre le projet de loi, se sont retrouvés des salariés de tous secteurs et de tous âges, du privé comme du public, ceux qui ont déjà servi de cobayes aux déréglementations que le projet de loi entend banaliser et généraliser, ceux qui savent que demain viendra leur tour : femmes de chambre des hôtels payées à la tâche, salariés de PSA et Renault sous pression des accords de compétitivité, employés du commerce priés de bosser le dimanche et de l'approuver gentiment par référendum, employés de banque confrontés aux fermetures d'agences, cheminots promis à la libéralisation totale du rail, hospitaliers et enseignants harassés, précaires, intermittents, chômeurs...

Les combats en cours, ici et là, en sont devenus pour tous plus visibles.

Sous toutes ses formes, la lutte dure depuis deux mois. « La mobilisation est désormais ancrée dans le pays », constate un communiqué de la Confédération CGT.

L'idée de grève reconductible, très débattue au dernier congrès de la CGT (du 18 au 22 avril) commence à l'être dans les entreprises bien que cela ne soit pas si simple dans les PME et TPE. Pour beaucoup, après trop de reculs sociaux, le plus dur peut-être est d'imaginer qu'une victoire est possible.

Malgrè cette mobilisation exceptionnelle et durable, tous les verrous n'ont pas encore sautés.

Entre salariés, privés d'emploi, étudiants... plus de 30 millions de personnes sont très directement concernées par la loi. Et les enquêtes d'opinion montrent inlassablement qu'une majorité des sondés sont hostiles à la loi et favorables aux manifestants.

Les participants aux différentes formes de mobilisation, ne se comprennent pas toujours. En témoignent les relations entre les participants à Nuit debout et les organisations syndicales et politiques. Les choses progressent, le petit groupe, baptisé Convergence des luttes prône maintenant un rapprochement avec les syndicats et des appels à la grève générale. Et un recentrage, dans l'immédiat, sur la lutte contre la loi El Khomri.

Plus profondément, comme le remarque le sociologue Geoffroy de Lagasnerie (« le Monde », 28 avril), Nuit debout utilise « la rhétorique des "citoyens", parle de "peuple" » ­ les mêmes concepts qu'utilisent les politiques que certains rejettent, estimant que face au néolibéralisme qui atomiserait, il faudrait reconstruire du « commun ».

Les syndicats en pointe aujourd'hui dans la lutte contre la loi El Khomri, et tout particulièrement la CGT, ont en revanche une grille de lecture du système capitaliste reposant sur les classes sociales et leur affrontement, tout en ne sous-estimant pas la bataille nécessaire pour l'union et l'unité incontournables pour gagner!

Le gouvernement et les médias libéraux se sont empressés de monter en épingle les violences émaillant les manifestations, afin de discréditer le mouvement social. Le « Parisien » n'a pas hésité à parler de « guérilla » urbaine dans un dossier de « une » paru le 29 avril, racoleur à souhait.

Pour eux, cette violence témoigne d'une « radicalisation » du mouvement social dans son ensemble, proportionnelle à son incapacité à faire plier le gouvernement. Une analyse d'autant plus absurde que, de l'aveu même des fonctionnaires de police interrogés par ces mêmes médias, les motivations des casseurs n'ont rien à voir avec la loi travail... Le gouvernement saute quant à lui sur l'occasion pour criminaliser l'action syndicale.

La CGT est particulièrement visée, en raison d'une affiche publiée par un de ses syndicats (Info'com) sur son site Internet qui dénonce les violences policières avec une formule choc (« La police doit protéger les citoyens et non les frapper »).

On n'a pas vu, en revanche, le gouvernement monter au créneau lorsque les CRS ont dispersé les participants de Nuit debout place de la République, le soir du 28 avril, à grands coups de matraque et de lacrymo... Ni contre les méthodes musclées utilisées le 1er mai à Paris contre un cortège pacifique et familial. Cette criminalisation du mouvement social ne se reflète pas uniquement dans les déclarations de membres du gouvernement. Elle transparaît dans le pilonnage judiciaire subi par les militants partout en France depuis plusieurs mois. Sept salariés de PSA Rennes viennent d'être condamnés à de la prison (l'un d'entre eux écope même de deux mois ferme) dans le cadre de leur participation à la manifestation du 31 mars. Lors de la journée d'action du 28 avril, deux syndicalistes ont été arrêtés à Saint-Denis, dont le sociologue Nicolas Jounin (auteur, notamment de « Chantier interdit au public »).

Les attaques contre le monde du travail ne datent pas de la mobilisation contre la loi El Khomri.

Le quinquennat de François Hollande a été riche en condamnations de salariés, entre le refus d'une loi d'amnystie, le fameux procès de la chemise arrachée à Air France et la condamnation à deux ans de prison des huit anciens de chez Goodyear Amiens. 

Confronté à une répression accrue, le mouvement anti-loi travail a néanmoins plusieurs cartes à jouer. Il marque des points. Le gouvernement a dû lâcher du lest sur des mesures symboliques, telles que le déverrouillage total du temps de travail ou le plafonnement des indemnités prud'homales (qui ne serait plus qu'indicatif) auxquels il faut rajouer les premières mesures concernant les jeunes ou l'accord positif arraché par les intermittents.

Pour tenter de contenir l'incendie, l'Élysée a également cédé à quelques revendications portées depuis longtemps par les syndicats, l'inscription dans la loi du principe d'une taxation des CDD de courte durée a été actée. Bien sûr, cette dernière relève en partie de la poudre aux yeux, puisque le montant précis de la taxation est renvoyé à la négociation entre syndicats et patronat.

Mais cela prouve d'une part que le mouvement est fort et d'autre part que le gouvernement cherche à calmer la colère, l'élargissement en visant le pourrissement. Pour l'instant, cela n'a pas bien fonctionné. Les miettes lâchées sur la loi travail ont suffi à satisfaire la direction de la CFDT, partenaire privilégié de l'Élysée depuis le début du quinquennat. Mais elles n'ont pas calmé l'ardeur des militants CFDTistes les plus hostiles au projet, qui continuent de participer aux défilés au grand dam de leurs dirigeants.

Surtout, l'intersyndicale mise en place au début du mouvement tient toujours le choc, structurée autour du couple CGT FO. Les deux syndicats ont défilé côte à côte le 1er mai dernier, une grande première depuis 2009... et le mouvement est toujours soutenu par une opinion publique majoritairement hostile à la casse du Code du travail.

  • 56 % des sondés approuvaient par exemple la mobilisation du 31 mars, dont une majorité écra sante d'ouvriers (70 %) et de personnes peu diplômées (65 %).
  • Plus de 7 Français sur 10 restent opposés au texte de la loi travail.

Cette opposition transcende d'ailleurs les clivages générationnels et sociaux, en dépit de toutes les tentatives visant à diviser le monde du travail en clans rivaux.

Il faut remonter au CPE pour retrouver une telle unanimité sur une question liée au travail. À l'époque, le mouvement social avait eu raison du projet de loi défendu par le gouvernement Villepin...

Certains ressorts de la victoire d'hier (une colère massive et transgénérationnelle, des syndicats fortement mobilisés et unis, etc.) sont réunis aujourd'hui. La mobilisation devra franchir un cap supplémentaire pour l'emporter. Le 12 mai et les jours qui viennent ont cet objectif, continuer d'enfoncer le clou jusqu'à gagner ! Nous ne lâcherons rien !

Publié dans Luttes sociales

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