Une semaine de grève victorieuse dans le BTP Ile de France

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Chantier du stade Arena 92 à Nanterre

Chantier du stade Arena 92 à Nanterre

Une grève massive, qui déjoue la division en filiales du géant du BTP Vinci. Du jamais-vu depuis plus de trente ans en Ile-de-France et dans le bâtiment : près de 700 travailleurs en grève, 5 grands chantiers bloqués et près de 2.000 ouvriers qui se croisent les bras.

Extrait du récit de cette grève par un militant

"Après la grève de l’an passé chez Vinci qui avait démontré la capacité de mobilisation des travailleurs pour leurs revendications, le collectif CGT-Vinci Ile-de-France a décidé, avant que la négociation annuelle obligatoire (NAO) commence, d’organiser un rassemblement devant le siège de Vinci à Rueil-Malmaison, le 6 novembre 2014. Plus de 500 salariés ont répondu à l’appel. Cette forte mobilisation a encouragé plusieurs délégués de divers syndicats (CGT et CFDT) à envisager un prolongement à cette action.

Le 7 janvier des délégués de 15 entreprises se réunissaient à Rungis, en intersyndicale [1]. Il fut décidé qu’aucune NAO ne serait signée séparément dans chaque filiale avant d’avoir obtenu une négociation globale avec la maison-mère.

Une deuxième réunion de l’intersyndicale fut fixée au 4 février 2015. Ce jour-là, le constat fut fait que Vinci manœuvrait pour diviser. Mais Vinci n’a pas réussi à diviser l’intersyndicale. Dans aucune entreprise, aucun accord NAO n’a été signé. Jamais auparavant, autant d’entreprises n’avaient mené une telle action collective concertée.

Pour enrayer le mouvement collectif naissant, Vinci, dans certaines entreprises, a proposé des augmentations pour empêcher la grève. Chez Sogea, où le syndicalisme est fort, elle a proposé 1,5% d’augmentation générale pour les ouvriers qui touchent moins de 2.500 euros brut, avec comme argument : « Pour 0,5% de moins que ce que vous demandez cela ne vaut pas le coup de faire grève ».

Les salariés ont répondu. Ils se sont massivement mis en grève pour des augmentations de salaire et d’autres revendications annexes sur la base d’une revendication de 2% d’augmentation générale des salaires pour tous au minimum.

Les propositions des directions des entreprises Vinci (entre 0,3 et 0,5% en moyenne d’augmentation de la masse salariale) ont été majoritairement refusées par les syndicats. Alors que le Groupe Vinci annonce 2,5 milliards de résultats en 2014, et bénéficie de toutes les mesures gouvernementales (crédit d’impôt compétitivité-emploi, pacte de responsabilité…), c’est l’austérité salariale pour les salariés !

Le premier jour de grève, seul le blocage de la circulation des marchandises et des camions de béton fut organisé. Le deuxième jour, le blocage fut total. A l’exception de tout ce qui concernait la sécurité et la santé. Citons parmi les chantiers touchés par la grève :

  • celui de la station de traitement des eaux d’Achères ;
  • le chantier de la Canopée aux Halles-Châtelet ;
  • celui du stade Arena à Nanterre ;
  • le chantier Smarov à Saint-Cyr-l’Ecole ;
  • le chantier Veolia à Aubervilliers.

Cette grève a été massive, du jamais vu depuis plus de trente ans en Ile-de-France et dans le bâtiment : plusieurs centaines de travailleurs en grève (près de 700), 5 grands chantiers bloqués ainsi que plusieurs autres chantiers des entreprises Bateg, Dumez, GTM, Sicra, Sogea-IDF, TPI, CBC…

Sur l’ensemble de l’Ile-de-France, sur les grands chantiers ce sont près de 2.000 ouvriers qui n’ont pas travaillé. Ce mouvement a même suscité une autre grève pour une prime de chantier chez NGE-Gantoli.

Après quatre jours, la grève s’est achevée victorieusement. Le mouvement, démarré simultanément sur la plupart des grands chantiers, s’est terminé tout aussi simultanément, sans qu’il s’effiloche. C’est une réussite de la mobilisation collective.

Le silence des médias a été assourdissant sur cette grève massive d’une semaine.

L’esprit de solidarité et la ténacité dans l’organisation de la grève fut incroyablement élevé.

Il faut aussi remercier les ouvriers non grévistes de certaines entreprises qui n’ont pu travailler du fait des blocages des chantiers, et qui ont manifesté leur solidarité avec nous.

Les négociations NAO chez Dodin se sont déroulées sur le lieu de la grève, sous le contrôle des travailleurs en grève.

La fédération CGT de la Construction-Bois-Ameublement a manifesté sa solidarité. Plusieurs secrétaires fédéraux ont apporté leur soutien aux grévistes. Certains patrons de Vinci ont osé envoyer le SMS suivant aux élus du personnel : « N’écoutez pas les personnes extérieures à l’entreprise. »

Génial ! Aucune entreprise de Vinci ne peut prendre seule de décisions sans l’aval du « pouvoir central » extérieur, mais on nous demande de ne pas écouter nos camarades de l’extérieur ! Mais là aussi, Vinci a échoué.

C'est une grande victoire régionale qui n’a pas de précédent et qui permet d’espérer d’autres mobilisations plus importantes, seules garantes de succès plus importants.

Penser que l’on peut s’en sortir seul est une illusion. Le patron nous accuse de refuser des augmentations individualisées. Mais pourquoi se fait-il tirer l’oreille pour augmenter l’ensemble des salariés ? C’est qu’il sait lui, qu’il y a une contradiction totale entre son intérêt de patron (gagner le plus possible sur le dos des ouvriers) et augmenter les salaires.

Ce que les ouvriers gagnent en plus, c’est ce qu’il gagne en moins !

Notre grève et sa réussite ont servi d’exemple à d’autres grèves comme sur le chantier d’Achères, chez NGE où les travailleurs ont obtenu 150 euros par mois de prime que leurs patrons leur refusaient depuis juillet.

C’est dans la lutte que se révèlent les positions de chaque organisation et leur tactique. Grâce la lutte on peut également savoir à qui on a à faire. La lutte est à la fois sélective et unificatrice. Elle permet de savoir qui a vraiment envie de se battre.

Une anecdote : un ouvrier de chez Eiffage a été solidaire de la grève sur le chantier d’Achères. Son patron a aussitôt décidé de le muter ailleurs. Lors du dernier jour de grève, les grévistes ont rendu hommage à cet acte de solidarité et ont demandé la réintégration de ce camarade sur le chantier en menaçant de poursuivre la grève. Finalement ce travailleur est revenu sur le chantier. C’est la solidarité entre les travailleurs qui l’a permis. Belle illustration d’une prise de conscience d’appartenir à une même classe."

Notes

[1Y étaient représentées les fédérations CGT, CFDT, FO et CFTC, et des délégués des entreprises suivantes : Sogea-TPI, Sogea-IDF, GTM-Bâtiment, GTM-TP, Dumez, Chantiers modernes, Bateg, Sicra, CBC, Botte Fondation, EMCC, Dodin CB, Petit, Delair-CFD, Lainé-Delau, Solumat.

Publié dans Luttes sociales

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