Témoignage sur la Résistance : Claudius Poux

Publié le par Michel Etiévent

Témoignage sur la Résistance : Claudius Poux

Un été de sang…

Aux lisières de juin, un jour d’anniversaire devant une stèle. Des drapeaux qui tombent dans le silence. La douleur ne se mesure pas :Un martyre: celui de Claudius Poux.

C’était une aube comme une promesse d’été. Une aurore de juin 1944 où la nuit semblait vouloir enfin s’achever pour donner au jour l’espoir d’un autre temps. La haine suait entre silences coupables et les mots complices. La botte allemande et les matraques de la milice fasciste guettaient les ombres de la vallée. Elle rôdait dans les campagnes enflées du secret de ceux qui n’avaient jamais plié. Ce jour là, il y eut des coups à la porte, des cris, des crachats sur le visage de Claudius arraché à la douceur d’un petit village.

Ils l’ont poussé à coups de crosses vers la Kommandantur. Ils l’ont battu pour qu’il donne des noms. Il n’a donné aucun autre nom que le sien. Il n’a rien dit, parce qu’il n’attendait rien. Rien d’autre que d’en finir avec l’atrocité du calvaire. La nuit, ce jour là, tomba dès l’aube. Fallait-il qu’ils aient peur pour mutiler ainsi le visage du jeune résistant. Plus ils frappaient plus le visage s’éclairait. Après les coups, on l’attacha à l’affût d’un canon ; on l’exposa aux regards atterrés sur la place du hameau.

Par moments, dans le répit des violences, revenaient les ombres des regards amis, l’engagement déjà lointain dans l’armée des ombres au sein des FTP, le feu des embuscades sur les sentiers, les pylônes sciés à la main au hasard des nuits et les fours des usines explosées. Il se souvenait de la locomotive ennemie les roues levées vers le ciel, bavant sous les vapeurs. Il revoyait entre les brumes de sang les fusillades du matin, les jeunes copains arrêtés au cœur des maquis, entassés dans les camions qui allaient se perdre définitivement au fond des barbelés lointains des pays de nuits et de brouillard. Il entendait encore par bribes, le serment juré dans la clandestinité des crépuscules. On se le répétait partout, dans les ateliers, dans les campagnes. C’était comme un chant qui montait à l’assaut du ciel : «Amis, nous refuserons la haine, à tout jamais la barbarie. Frères, ne songeons qu’au bonheur. Nous bâtions une France à l’ambition de nos mains et de nos rêves ».

Le visage de l’adolescent était blanc. La lumière maintenant tombait aux lisières. Dans les yeux vides du jeune résistant disparaissaient lentement les couleurs du pays. Cette terre aimée. Les parents trimant sous l’araire aux sillons gonflés de promesses. Les enfants qu’il n’aurait jamais. Une lente descente vers le territoire des songes, cet autre côté du miroir où reposaient déjà ceux qui comme lui croyaient en des futurs libres. Il y eut le crépitement de la mitrailleuse. Le silence enfin.

Il s’appelait Claudius Poux. Il avait l’âge d’espérer. C’était en juin 1944, à une heure du matin. Quelques semaines plus tard, la Libération sonnait aux clochers des Savoie…

Michel Etiévent

Publié dans La Résistance

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article