Il y a une haine irrationnelle contre Alexis Tsipras
Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes, revient d'un séjour en Grèce. Elle livre son ipnion.
La présidente de la commission des Affaires européennes à l'Assemblée revient, pour LCP.fr, sur sa mission en Grèce, détaille la situation sur place et pointe du doigt la responsabilité du FMI. Interview.
Danielle Auroi est la présidente de la commission des Affaires européennes. Elle revient de Grèce où elle a passé quelques jours avec son homologue du Sénat et plusieurs parlementaires. Avant la publication du compte rendu de cette mission et en pleines négociations européennes sur le sort de la Grèce, la députée écologiste du Puy-de-Dôme revient sur ces deux jours pour LCP.fr.
LCP.fr - Comment est née l’idée de ce déplacement en Grèce ?
Danielle Auroi - Dès que l’on a commencé à entendre que l’équipe Syriza étaient d’’affreux gauchistes’, j’ai pris l’initiative de ce voyage. J’observe une détestation individuelle par rapport à Tsipras qui est irrationnelle. Notamment chez Les Républicains, le seul nom de Tsipras leur donne des boutons. C’est de l’ordre de la haine ! Mon homologue au Sénat, s’il pouvait le tuer, il le ferait… Je vais peut-être un peu loin, mais ce qu’on entend, c’est un petit peu sur le mode "ces gens-là ne vont pas nous apprendre à nous les puissants comment tout cela fonctionne".
LCP.fr - Comment s’est déroulée cette mission ?
Danielle Auroi - Très bien. C’est la première fois que l’on organisait une mission commune avec le Sénat, et cela a très bien marché. L’ambassade nous a préparé un très bon programme. Nous avons rencontré des parlementaires de Syriza, du Pasok (parti socialiste grec) et de Nouvelle Démocratie (parti conservateur). Mais aussi le ministre du Budget et celui de la Réforme administrative. Nous n’avons pas vu Tsipras qui était à Bruxelles. Des rencontres étaient organisées également avec des entreprises françaises, grecques, des ONG dans le social, des fondations, un écrivain, des diplomates. On n’a pas chômé !
LCP.fr - Comment avez-vous trouvé l’ambiance générale sur place ?
Danielle Auroi - Les Grecs sont tétanisés et dans l’attente. Ils se sentent tous les mal-aimés de l’Europe. Le leitmotiv qu’on entend en Europe c’est "Les Grecs sont débutants", mais François Hollande aussi a été débutant à un moment ! On les condamne avant de les laisser agir, je le regrette.
"Un FMI schizophrène"
LCP.fr - Les discussions actuelles entre la Grèce et l’Union européenne peuvent-elles aboutir ?
Danielle Auroi - Les Grecs ont fait un pas en avant, l’Europe aussi. Le problème, c’est le FMI, qui dit à l’Europe de ne pas faire trop d’austérité, et, dans le même temps, demande à la Grèce des mesures d’austérité. Il y a une sorte de schizophrénie.
LCP.fr - Que préconisez-vous pour sortir de cette crise ?
Danielle Auroi - Il faut accompagner les Grecs, on discutera de la dette et de son échelonnement un petit peu plus tard, cela évitera le château de cartes ou l’effet domino. Si la Grèce sort de l’euro, les prochains seront l’Espagne et le Portugal. Et la France et l’Italie ne sont pas très loin derrière… On peut alors s’interroger sur l’avenir de la zone euro.
Il faut se souvenir que depuis quarante ans, on a fait en sorte que les Grecs achètent du matériel militaire français ou allemand, les banques françaises aussi se sont bien servies lors de négociations avec la Grèce. Ils sont mouillés. On savait que la Grèce n’avait pas les moyens de payer. Au mieux l’Europe a fermé les yeux, au pire elle a encouragé…
"Que tout le monde sauve la face"
LCP.fr - Selon vous, comment vont aboutir ces négociations ?
Danielle Auroi - Maintenant il faut que tout le monde sauve la face. Les Grecs ont montré qu’ils ne voulaient pas sortir de l’euro et ils restent cohérents avec leur programme. C’est un jeu d’échec. Pendant plusieurs mois, chacun a montré ses muscles. La France et l’Allemagne qui suivent le dossier de près, souhaitent que tout le monde s’en sorte. On a en tout cas plus d’espoir que vendredi dernier, au début des négociations.
LCP.fr - On va donc sauver la Grèce ?
Danielle Auroi - C’est mon vœu.
Propos recueillis par Astrid de Villaines