Une Europe contre les peuples et la démocratie

Publié le par Souce Médiapart

LA COALITION AU POUVOIR EN GRÈCE DÉNONCE LES CONCESSIONS PROPOSÉES AUX CRÉANCIERS DU PAYS

Très dur week-end pour le peuple grec et pour tous les peuples d'Europe. L'euro a accouché d'un monstre politique.

L'humiliant accord imposé à Alexis Tsipras le démontre une fois encore : il n'est pas de marges de manœuvre politiques possibles dans une zone monétaire devenue l'otage des idéologues de l'orthodoxie ultralibérale.

Depuis dimanche matin et la connaissance de l'accord européen censé régler la crise grecque les commentaires vont bon train sur le contenu politique de cet accord et es effets en Grèce et dans toute l'Europe. De l'économiste Prix Nobel Paul Krugman à l'ancien ministre grec Yanis Varoufakis, en passant par Jacques Sapir et Joseph Stiglitz ce sont des indignationsn qui dominent contre l'accord imposé par les Européens à la Grèce en échange d'un possible sauvetage financier.

Les méthodes répugnantes utilisées, le chantage pratiqué à l'encontre du 1er ministre grec qui a permis aux charognards de l'Europe du fric d'arraché un ignoble accord est-il un vrai Coup d'État ? L'expression est jugée trop lourde par certains mais une chose n'est guère contestable : les « institutions européennes » ont bel et bien décidé de prendre le pouvoir en Grèce.

La proposition du socialiste allemand Martin Schulz, président du Parlement européen, d'installer « un gouvernement de technocrates » à Athènes s'est ainsi réalisée de fait, au terme d'un week-end de négociations qui a vu l'Allemagne imposer de bout en bout sa ligne dure.

La démonstration a été faite ce week-end : la zone euro et ses présumés critères de gestion ont accouché d'un monstre politique. Et ce monstre est en train de dévorer ce qui est au cœur même du projet européen : l'approndissement démocratique.

La zone euro n'est plus l'Europe, elle est devenue une machine à balayer les peuples et à écraser la démocratie. Nous l'avions déjà expérimenté à l'automne 2011, quand deux chefs de gouvernement furent renversés sous les pressions des marchés et du duo Merkel/Sarkozy. Il s'agissait alors de Silvio Berlusconi et Georges Papandréou.

Cette fois, la démonstration est encore plus violente car elle s'est faite de bout en bout sous les yeux des citoyens européens.

Le premier ministre grec Alexis Tsipras se trouve de fait démis de ses fonctions, de la principale au moins, celle de conduire une politique économique décidée par son peuple par deux fois le 25 janvier et le dimanche 5 juillet avec la formidable victoire du NON !

Le contenu du texte de l'accord obtenu à l'arraché à l'issue de dix-sept heures de négociations est sans ambiguïté.

Tsipras et la Grèce ne sont pas seulement humiliés, le premier ministre est brisé politiquement tant il a été contraint d'abdiquer et de mettre en veilleuse la plupart de ses demandes, il est vrai avec le révolver sur la tempe. Il est fort risqué que dans les semaines à venir cela débouche sur une nouvelle crise politique.

À Bruxelles, de nombreux dirigeants européens suggèrent déjà un remaniement, la mise en place d'un gouvernement d'union nationale, la démission des ministres jugés les plus radicaux…

Donald Tusk, président du Conseil, Alexis Tsipras et son ministre des finances, Euclide Tsakalotos.Donald Tusk, président du Conseil, Alexis Tsipras et son ministre des finances, Euclide Tsakalotos. © (CE)

 

« Ils l'ont crucifié sur place », disait dimanche de Tsipras un responsable européen au Guardian. Un autre décrivait ainsi l'aparté Hollande-Merkel-Tsipras dans la nuit de dimanche à lundi : « Ils lui font du waterboarding psychologique », waterboarding, comme cette technique de torture utilisée par la CIA en Irak…

Arrivé au sommet de la zone euro, Alexis Tsipras s'est trouvé pris dans un traquenard dont il n'a pu sortir qu'épuisé, livide et contraint d'accepter une reddition sans condition, malgrè qu'il ait mené bataille croyant être à égalité avec tous les autres. L'agneau était lâché au milieu d'une meute de loups qui ne rechignent devant aucune méthode pour faire aboutir leurs objectifs.

Cela donne la mesure de la puissance du monstre politique « Euro ». Car en moins d'une semaine, Alexis Tsipras venait de réussir un triple exploit politique pour renforcer et élargir encore sa légitimité : un référendum largement gagné, le dimanche ; une déclaration politique commune de tous les partis grecs (à l'exception des néo-nazis d'Aube dorée), le lundi ; un mandat de négociation clair validé à une très large majorité par le Parlement grec, le vendredi.

Cette légitimité politique, dont pourraient rêver bien des dirigeants européens, a été méthodiquement brisée en seulement deux jours de réunions de l'Eurogroupe puis du sommet des chefs d'état de la zone euro.

Il est aussitôt apparu que les conditions techniques d'un éventuel sauvetage financier de la Grèce n'étaient pas l'objectif à l'ordre du jour. Il s'agissait bien d'en découdre avec Alexis Tsipras et le nouveau pouvoir grec élu en janvier. Il s'agissait de mettre à genoux le seul gouvernement de gauche radicale en Europe. Démonstration d'autant plus nécessaire qu'en Espagne, Podemos apparaît toujours en mesure de devenir incontournable à l'issue des prochaines élections générales de l'automne. C'est aussi à sa manière ce qu'explique Yanis Varoufakis dans un entretien à la revue Newstatesman (à lire traduit en français ici).

Publié dans Grèce

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