Après l'épisode Air France, la CGT va boycotter la conférence sociale du 19 octobre
La CGT a décidé de boycotter la conférence sociale organisée par le gouvernemenrt.
Réunie mercredi soir à Limoges, à l’occasion des 120 ans de la CGT, la commission exécutive a ainsi décidé de sécher l’ensemble de la conférence. Philippe Martinez, n’ira pas au discours de Hollande en ouverture.
Cette décision est en phase avec le climat social de ces derniers jours qui ont vu se multiplier les luttes mais aussi les provocations et actes inadmissibles du gouvernement contre les libertés et les militants syndicaux.
«Il y a Air France, décrypte un membre de la CE. La base militante est remontée et l’a fait savoir à la direction. Ils n’ont pas apprécié la façon dont le gouvernement a condamné la colère des salariés face à leur direction qui veut supprimer des milliers d'emplois.»
Pour un autre responsable, «c’est clair que l’état d’esprit des militants se tend, notamment avec l’affaire Air France. Mais il y a aussi le fait qu’on n’a plus d’illusions sur ce gouvernement, qui est aujourd’hui totalement à l’ouest». «Il y a Air France, mais pas uniquement : des plans sociaux sont annoncés de manière brutale. Dans le pays, il y en a plein, abonde Eric Aubin, responsable de la fédération CGT construction. Le gouvernement est incapable d’apporter des réponses, il propose seulement des régressions sociales. Pas étonnant, dans ces conditions, que la radicalité monte.»
Plusieurs journalistes notent dans la période que la résignation s'est transformée en colère qui maintenant tend peu à peu à s'exprimer. Les actes du gouvernement à l'encontre des libertés plutôt que de faire peur comme le croient Hollande et Valls, risquent d'être la goutte qui va faire déborder le vase.
Et de fait, dans les entreprises les choses commencent à bouillir. «Traités comme des bandits de grand chemin», les militants se sentent aggressés par les sorties du duo Valls-Macron à l’occasion d'Air France, estime Jean-Claude Garault, délégué CGT de PSA Saint-Ouen. «C’est allé trop loin, et ils ne veulent pas laisser passer ça.»
Mais si les arrestations, comme les discours politiques, ont été «un choc», les propos des ministres n’ont pas surpris les militants. «Cela fait des mois que ce gouvernement remet en cause le droit du travail. Ici, chez PSA, plus personne ne compte sur Hollande. On a l’impression d’avoir un pouvoir de droite. Les salariés ont le sentiment que les réformes se font contre eux, et surtout pour les patrons. C’est le Medef qui écrit la loi !» explique le syndicaliste du constructeur automobile.
«Le gouvernement est de plus en plus violent vis-à-vis de l’action syndicale. Sans oublier le comportement méprisant de certains ministres, Macron en tête. Résultat, les militants estiment de ne plus être entendus», ajoute Céline Carlen, de la CGT commerce.
Un sentiment que l’on retrouve aussi dans le public. «Les salariés sont désespérés par toutes ces lois qui sont votées contre eux, et qui réduisent leurs droits petit à petit, témoigne Béatrice Barbier, responsable CGT santé dans la Loire. D’autant qu’à l’hôpital, on va encore subir 22 000 suppressions d’emplois.»
La déception est encore plus grande chez ceux qui ont voté Hollande. «Ils n’y croyaient déjà pas beaucoup, mais ils se disaient que ce serait moins pire. Et là, c’est la grande désillusion». Et pour cause, depuis l’élection présidentielle, «l’usine [PSA Saint-Ouen] a perdu près de 200 salariés». Même discours, évidemment, chez Air France : «Hollande, on y a cru, un peu, au début, mais là, on n’en attend plus rien, note un cégétiste salarié de la compagnie. Ce qui me révolte, c’est que ce soit un gouvernement de gauche qui appuie la direction et dise bravo aux licenciements.»
Alors certes, «la CGT avait appelé à voter Hollande en 2012, mais c’était pour sortir Sarko, car nous, on n’a jamais baissé la garde», explique Michel Lavastrou, délégué à la raffinerie Total de Feysin, dans le Rhône.
Le conflit au sein de la compagnie aérienne pourrait-il enflammer les salariés ailleurs ? «Difficile à dire, mais ça peut aller vite. Cela fait quatre ans qu’on dit aux salariés qu’il faut faire des efforts. Là ils n’en peuvent plus», répond le délégué de PSA.
«On est passés de la résignation à la colère, note de son côté Céline Carlen. Ça se tend sur le terrain, car on se prend coup sur coup depuis quelque temps. Alors la révolte Air France fait du bien, ça donne envie de se battre.» «La colère sociale est là et si le gouvernement a réagi si rapidement à ce qui s’est passé chez Air France, c’est qu’il a peur de la contagion», analyse Michel Lavastrou.
Reste que sur le terrain, la mobilisation a encore besoin d'explications et d'initiatives qui permettent aux salariés de se solidariser dans l'action collective et les aident à dépasser leur peur qui est grande surtout quand il y a 6 millions de privés d'emplois dans le pays, la répression syndicale et la division syndicale.
«Les gens mesurent que le gouvernement ne lâche rien pour eux. Du coup, certains durcissent le ton. Mais ce sont parfois les mêmes qui traînent des pieds quand il s’agit de se mobiliser», reconnaît Denis Gravouil, de la CGT spectacle.
D’où l’appel des militants cégétistes aux représentants nationaux pour une réponse plus ferme. «Ils veulent une CGT plus contestataire, qui sachent construire des alternatives mais qui soit moins dans le train-train afin d'être à la hauteur de la gravité de la situation et des attentes des militants et des salariés.