Attentas de Paris, l'opinion de Maurice Revelli
Ce vendredi 13 novembre a été un jour contrasté. Je me découvre en grand-père pour la première fois en milieu d'après-midi, et puis le soir ... Je me suis donc trouvé partagé entre la joie, le bonheur, ... et la colère, la haine. Ces deux dernières étant mauvaises conseillères, j'avais besoin de temps pour réfléchir.
Et puis lorsque j'ai vu les motivations de nos agresseurs j'ai compris qu'il ne fallait pas tomber dans leur piège. Ils nous ont agressé parce que nous tuons d'après eux des musulmans en Syrie.
Alors analysons simplement les choses. Il est donc légitime, si je suis leur logique de tuer ceux qui tuent des musulmans. A ce jour, je veux bien admettre cette évidence : nos bombes tuent en Syrie, en Irak et elles tuent des musulmans. C'est un fait. Mais celui qui a, à ce jour, tué le plus de musulmans, c'est l'ordonnateur de ce crime parisien. Car la guerre que mène Daesh en Syrie, en Irak, en Egypte, et ailleurs, cette guerre là tue essentiellement des musulmans. Parmi les victimes parisienne de ce samedi, il y avait des gens de toutes confessions dont des musulmans.
Les dirigeants de Daesh seraient-ils les seuls à pouvoir désigner qui est un bon musulman sur cette terre ? A moins qu'ils ne pensent comme le Prélat Amaury lors du siège de Béziers, pendant les guerres Cathares : "tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens" ?
Si l'on suit Daesh dans sa logique, il est donc légitime de tuer qui tue des musulmans. Il est donc en conséquence légitime de tuer en priorité ceux qui suivent ce monstre, puisqu'il est le premier des meurtriers de musulmans. Cruel dilemme car ce faisant, nous allons tuer des musulmans, puisque les dirigeants de ce groupe prétendent être de cette confession. Pire encore, en nous poussant à le faire, Daesh devient le premier ordonnateur du meurtre de musulmans : ceux-là même qui constituent ses propres troupes.
C'est un cercle vicieux dans lequel on nous pousse à glisser, la violence y appelant à encore plus de violence. Il est donc clair, que ce que veut ce groupe n'a rien à voir avec la religion. Ils se posent en défenseur d'une religion, alors que c'est parmi leurs frères que ce trouvent l'essentiel des victimes. Ils se parent d'un manteau dont ils sont indignes, au point qu'ils font porter sur le front de ceux qui sont les véritables croyants la honte de leur crime.
Il suffisait de constater dans les magasins ce samedi, qu'on y voyait peu de musulman, pour comprendre à quel point ceux-ci se sont senti dans la crainte de l'amalgame.
Alors ? N'entrons pas dans le jeu de Daesh, qui ne cherche au travers de ces attaques qu'à ouvrir un deuxième front, chez nous. Montrons une solidarité sans faille, quelles que soient les confessions des uns et des autres. Nous n'avons pas affaire à une guerre de religion. Ne cédons pas à cette tentation, car elle ferait le jeu de ceux qui nous ont agressé.
Nos dirigeants politiques vont avoir une lourde responsabilité, qui va bien au-delà des discours de va-en-guerre que nous avons entendu. Il vont devoir faire en sorte de donner une vraie force à une cohésion sociale qu'ils ont négligée depuis des années, et qui fait le lit de ceux qui poussent à l'agression chez-nous.
C'est la seule réponse possible pour couper court à toutes les vocations de martyrs.