Régionales, la France sous le choc !
La France s'est réveillé lundi sous "le choc" de la percée historique du Front national au 1er tour des régionales, le FN arrivant en tête dans six régions et le PS se retirant en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Paca tout en se divisant sur le cas de l'Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine.
"Le choc", titrent à l'unisson et de manière tout à fait exceptionnelle Le Figaro et L'Humanité, deux quotidiens de bords opposés. Dans une France encore traumatisée par les attentats du 13 novembre et toujours marquée par un chômage de masse, le parti de la famille Le Pen a capté environ 28% des suffrages devançant la droite (27%) et le PS (23,5%), selon les dernières estimations du ministère de l'Intérieur.
Les listes FN, qui ont battu les précédents records des européennes et départementales, arrivent en tête dans six des 13 nouvelles régions: Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Bourgogne-Franche-Comté, Centre. En dépassant les 6 millions de voix, elles s'approchent du record de Marine Le Pen (6,4 millions de voix à la présidentielle de 2012).
En cas de duels droite/FN au second tour des régionales, 59% des Français voteraient pour les listes Les Républicains-UDI-MoDem, contre 41% pour celles du Front national, selon un sondage Odoxa pour Le Parisien-Aujourd'hui de lundi.
Appelant à un "barrage républicain", le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a annoncé un retrait de ses listes en NPDC-Picardie et PACA, synonyme de "sacrifice" pour les socialistes qui ne siégeront pas dans ces régions pendant près de six ans. Lundi, sur RTL, M. Cambadélis a également enjoint Jean-Pierre Masseret, tête de liste nettement distancée en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, de se retirer, au profit de Philippe Richert (LR-UDI) qui affrontera le FN Florian Philippot. "C'est une décision du Bureau national (du PS de dimanche soir, ndlr). Il devra la respecter. Point", a tranché le patron du PS. Mais dans la foulée, M. Masseret faisait savoir qu'il refusait de se retirer.
Les listes pour le second tour doivent être déposées d'ici mardi 18 heures. Loin de la vague "bleue" espérée à droite, l'alliance LR-UDI-MoDem est ressortie en tête dans seulement quatre régions (Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France, Normandie de très peu) et se voit même menacée par la gauche dans certaines régions. Quant au PS, il se classait premier en Bretagne, emmené par un Jean-Yves Le Drian qui restera quoi qu'il arrive ministre de la Défense, ainsi qu'en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, derrière Alain Rousset.
Face à ce vote FN massif, interprété par les ténors LR comme la traduction d'une "colère" envers le gouvernement et d'une "peur", Nicolas Sarkozy s'est livré à un réquisitoire contre l'exécutif et a refusé "toute fusion et tout retrait" pour contrer l'extrême droite au second tour, dans les régions où la droite est troisième.
La tête de liste LR en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon Dominique Reynié n'a pas tardé à annoncer son maintien alors qu'il est distancé par la socialiste Carole Delga, elle-même deuxième derrière le FN Louis Aliot. Une stratégie aussitôt critiquée à gauche. "Le message de la droite fait preuve d'une grande irresponsabilité", a-t-on aussi estimé dans l'entourage de Manuel Valls. Le Premier ministre s'exprimera lundi soir sur TF1.
A droite aussi, la donne FN n'était pas sans secousses. Dans deux régions où le score du parti de Marine Le Pen dépasse les 40%, les têtes de liste LR comme Xavier Bertrand et Christian Estrosi, qui avaient fait des campagnes très marquées à droite, ont fait des appels du pied aux électeurs de gauche. Les Républicains tiennent un bureau politique exceptionnel lundi matin, qui pourrait être agité. Alain Juppé, qui s'y rendra finalement, a appelé à arrêter "une ligne de conduite commune" pour le second tour. L'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a appelé lundi au retrait des listes arrivées troisième à l'issue du premier tour des régionales pour faire barrage au Front national, ce qui est le cas pour la droite dans la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. "Quand on est troisième on se retire, on fait le front contre les déconstructeurs parce que c'est aujourd'hui qu'il faut reconstruire", a dit le sénateur de la Vienne sur France Inter. "Ce qui compte c'est la reconstruction", a-t-il ajouté. "La République est en train de s'effondrer, et donc au lieu d'apporter des logiques politiciennes, il faut apporter des solutions de refondation.
C'est pour ça qu'il faut des messages clairs, des messages, nets, des messages sans ambiguïtés", a poursuivi le sénateur de la Vienne. Faisant entendre leur différence, les centristes, par la voix du président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde, ont appelé au "retrait des listes en troisième position", "partout où le FN peut gagner". Le président du MoDem, François Bayrou, réclame aussi un tel "ressaisissement démocratique". Le spectaculaire sursaut de popularité de François Hollande au lendemain des attentats ne s'est pas traduit dans les urnes dimanche soir.
Certaines voix socialistes ont toutefois insisté sur la "bonne résistance" de leur parti et espéraient notamment conserver la symbolique présidence de l'Ile-de-France, avec Claude Bartolone. A la gauche du PS, les écologistes de toutes tendances se sont accordés pour demander "un rassemblement de la gauche", sur la même ligne que le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent.