Panama papers. Les « petits » mensonges des gros banquiers

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Frédéric Oudéa, patron de la Société générale, devant la commission des finances du Sénat, tente de s'expliquer sur ses déclarations de 2012, infirmées par les révélations des Panama papers AFP

Frédéric Oudéa, patron de la Société générale, devant la commission des finances du Sénat, tente de s'expliquer sur ses déclarations de 2012, infirmées par les révélations des Panama papers AFP

Un mois après les premières révélations des Panama papers, deux autres banques françaises sont sur le gril, accusées d’avoir elles aussi ouvert des centaines de comptes et de filiales dans des paradis fiscaux. BNP Parisbas et le Crédit Agricole.

Le patron de la Société générale pourrait bien rendre des comptes devant la justice quant à ses arrangements avec la vérité lors de son audition devant le Sénat. à moins que ses amis politiques ne le couvrent encore.

«Il ne faut pas stigmatiser. » Ces mots sont ceux du ministre du Budget, Christian Eckert, à propos du Crédit agri­cole et de BNP Paribas. Une phrase qui en dit long sur le degré d’impunité des fraudeurs fiscaux, alors que le journal « le Monde », avec l’aide du Consortium des journalistes d’investigation, a publié de nouveaux éléments issus de la fameuse liste de 214 000 sociétés offshore de Mossack Fonseca.

M. Eckert parlait bien des trois grandes banques impliquées dans le scandale des Panama papers : après la Société générale et son patron, Frédéric Oudéa, c’est au tour de BNP Paribas et du Crédit agricole d’être visées. Les deux banques ont ouvert pas moins de 1 129 sociétés rien qu’au cabinet Mossack Fonseca, dont sont issus les Panama Papers.

Plusieurs de ces sociétés étaient encore actives en 2012, alors que le Crédit agricole, notamment, assurait du contraire. Comme pour la Société générale (lire l’« HD » du 14 avril), les banques jouent sur les mots. Souvent, elles n’ouvrent plus de filiales en leur nom propre : trop risqué. Mais elles continuent à ouvrir des comptes pour leurs riches clients, sans trop s’attarder sur l’origine des fonds ou une éventuelle fraude fiscale. Autre astuce : « externaliser » ces sociétés, en clair, les faire détenir par d’autres sociétés ou cabinets spécialisés dans ces manœuvres. L’enquête des Panama papers montre que la BNP et le Crédit agricole ont procédé ainsi.

Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord et spécialiste des questions d’évasion et de fraude fiscales, souhaite que le Sénat auditionne à nouveau Baudoin Prot, PDG de BNP Paribas : lui aussi avait été auditionné en 2012, le même jour que Frédéric Oudéa, et ses propos, à la lumière des nouveaux éléments, pourraient tout autant lui valoir un renvoi devant les tribunaux pour faux témoignage. Là encore, le bureau du Sénat tranchera.

Pour montrer à l’opinion publique qu’il fait quelque chose, le gouvernement a donc annoncé la mise en place d’un registre des trusts (structures économiques anglo-saxonnes où le nom du propriétaire est anonyme). « Une bonne mesure, décrypte Éric Bocquet, mais c’est une déclaration d’in­tention. Il va y avoir des résistances… »

En réalité, comme le montre la réaction de M. Eckert, le gouvernement ne bouge le petit doigt que sous la pression populaire. Il ne s’est décidé à remettre le Panama sur la liste des paradis fiscaux qu’au moment où le scandale éclate, alors que son opacité et sa non-coopération sont de notoriété publique. Et, de nouveau, l’Union européenne a annoncé la création d’une énième liste des paradis.

"Ils jouent la montre !" estime M. Bocquet. "Le constat est connu, alors il faut arrêter de lambiner." Lambiner, c’est bien le but des copains politiques des banquiers, peu pressés à l’idée de poursuivre les fraudeurs et autres contrevenants aux (faibles) règles en matière fiscale.

Le verrou de Bercy est toujours en place, et aucun ministre n’a encore permis sa levée : la justice ne peut toujours pas se saisir d’une affaire de fraude fiscale, mais seulement de blanchiment. Et, après avoir volé au secours de M. Oudéa, M. Dominati a été désigné, au mépris des sages, comme le rapporteur de la proposition de loi présentée par les communistes et qui était examinée par le Sénat ce mercredi 18 mai.

En commission, déjà, la droite, majoritaire, a rejeté le texte. Un texte qui prévoit seulement… la transparence. Insupportable pour les défenseurs de l’ordre capitaliste.

« Il y a entre la finance et le monde politique des connivences, des proximités, que je ne cesse de constater, souffle Éric Bocquet. Mais cela ne nous empêchera pas de défendre le texte en séance ! » En étant par exemple attentifs au vote des sénateurs issus de tous les partis politiques, notamment des socialistes, minoritaires au Sénat mais pas à l’Assemblée.

Cette loi, qui prévoit que toutes les sociétés cotées ayant une taille minimale (en chiffre d’affaires ou en nombre de salariés) publient annuellement la liste de leurs implantations (localisation, bénéfice et impôt payé), n’a quasiment aucune chance d’être adoptée. Mais il s’agit surtout, pour Éric Bocquet, que les peuples et les opinions publiques s’emparent de ces sujets.

« C’est un combat long. »

Et, en effet, qui aurait cru voici 10 ans que le sujet deviendrait à ce point central que même le G20 l’inscrive à son ordre du jour ? « Ils sont obligés de dire : “Regardez, ne vous en faites pas, on s’en occupe !” » sourit le sénateur.

En audition au Sénat, ­M. ­Oudéa était déjà moins souriant. On saura le 26 mai s’il sourira ou non devant un juge…

Oudéa couvert par la droite au Sénat

On allait voir ce qu’on allait voir. Quatre ans après avoir emberlificoté la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion fiscale, Frédéric Oudéa, le patron de la Société générale, était à nouveau entendu, cette fois par la commission des Finances. En cause, ses approximations – pour ne pas dire ses mensonges par omission – sur les multiples filiales (66) et comptes offshore (979 rien qu’au cabinet Mossack Fonseca !) ouverts pour le compte de ses clients.

Une audition au final très décevante, M. Oudéa se contentant de répéter quelques généralités d’usage, s’abritant derrière le secret bancaire, quand bien même, en temps que patron de la Fédération bancaire française, il sait pertinemment que les banques sont responsables de la vérification des fonds déposés par leurs clients.

« Je n’attendais rien de cette audition sur le fond », réagit Éric Bocquet, sénateur communiste du Nord, qui considère « qu’il y a lieu de transmettre au parquet ».

Le 26 mai, en effet, le bureau du Sénat devra décider si les explications fumeuses de M. Oudéa lui valent un renvoi en justice, où il encourrait cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Le patron de la Société générale sait qu’il pourra déjà compter sur le soutien de Philippe Dominati, sénateur Les Républicains et président de la fameuse commission d’enquête de 2012 : « Je ne vois rien qui puisse amener le Sénat à poursuivre Frédéric Oudéa pour faux témoignage » a affirmé le sénateur, oubliant la notion de mensonge par omission.

Publié dans Finances-riches

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