Revenu universel : un gros leurre !
Le Parti socialiste a cette capacité, régulière, de cristalliser le débat autour d'une question, permettant ainsi d'occulter le reste. L'affaire du revenu universel en est une nouvelle illustration.
D'abord de quoi s'agit-il ?
Le « Mouvement pour le revenu de base » le défini ainsi :
« Tous les membres de la communauté le reçoivent, quels que soient leurs revenus ou leurs situations professionnelles. Il est versé à chaque membre du foyer, sans considération des revenus de ses autres membres. Pas besoin de justifier une recherche d’emploi ni de travailler en échange.Il s’additionne avec tout autre revenu (salaire, certaines allocations…). Il est versé automatiquement de la naissance jusqu’à la mort et assure ainsi un filet de sécurité tout au long de la vie. »
Benoît Hamon nous présente une version légèrement différente, avec une première phase en direction des jeunes (sans en préciser le montant), une augmentation du RSA à 600 euros et une généralisation du dispositif en 2022.
Au sein même du PS les principales critiques sur la mesure portent sur l'impasse budgétaire de cette mesure. Un rapide calcul, 500 euros mensuels versés à tous les habitants de ce pays représente 396 milliards par an, soit plus que le budget de la nation !
Mais la question n'est pas que budgétaire.
Quelques remarques :
Cette idée n'est en rien «nouvelle ».
Nous la retrouvons déjà il y a 500 ans (!) chez Thomas More dans Utopia. Plus près de nous un des socialistes utopiques français, sans doute le plus sympathique, Charles Fourier, la portait au XIXè siècle . Enfin des prix Nobel (James Meade prix Nobel, en 1977 ou bien encore Paul Krugman ) ont défendu cette idée.
Donc l'idée n'est pas neuve, et souvent des hommes et des femmes politiques, y sont favorables dans les débats et cela au-delà des frontières gauche-droite.
La motivation souvent affichée est de permettre d'éradiquer la pauvreté et de ne plus faire dépendre le revenu exclusivement d'un travail. Certains y voient même une forme d'émancipation face à l'aliénation du travail...
Si l'idée généreuse, peut se concevoir dans la perspective d'une société « idéale », le capitalisme financiarisé et mondialisé en 2017 est tout, sauf une société idéale.
A partir de là quelques objections, non pas sur le principe dans l'absolu, mais dans la réalité concrète capitaliste.
D'abord le soutien de libéraux à cette mesure, sous une forme ou une autres n'est pas innocent. L'objectif est simple : rationaliser le système d’aide social, en regroupant l’ensemble des prestations sociales existantes dans une seule. Et la solidarité nationale se réalisant au travers de ce revenu universel, cela ouvre la porte au démantèlement de la protection sociale, sans parler de la remise en cause du salaire minimum, des prestations sociales. Mais aussi une plus grande fléxibilisation du marché du travail.
Pour les libéraux, le revenu universel est en quelque sorte la pitance que l'on donne à l'esclave pour maintenir simplement la force de travail.
Une belle idée peut-être dévoyée, le capitalisme est devenu expert en la matière.
Mais là, en l’occurrence, elle participe aussi d'occulter toute une série de débats. Il est intéressant, par exemple, de noter que l'affaire du revenu universel épargne aux candidats de la primaire du PS de dire des choses sur la question du salaire et du SMIC. De la même manière en déportant le débat sur cette question on ne parle pas de droits nouveaux pour les salariés dans les entreprises et très peu sur la maîtrise des banques . Et pourtant si nous n'abordons pas ces questions du pouvoir, dans l'entreprise et sur la finance, rien n'est possible pour changer profondément cette société.
En définitive la proposition de Benoit Hamon est un leurre.
Outre le fait qu'avec une augmentation du RSA à 600 euros/mois nous sommes très en deçà du seuil de pauvreté (845 euros), sans parler du seuil pour pouvoir vivre dignement (1), cette mesure évacue les questions du rapport au travail, des rémunérations, de la réduction du temps de travail, sans parler de la formation.
Des associations comme le Secours populaire, le Secours catholique et ATD Quart Monde considèrent qu' « il s’agirait de verser aux plus fragiles un “solde de tout compte”, sans se soucier de prendre des mesures favorisant le retour à l’emploi».
Pour le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, c'est "la négation du travail", pour Boris Plazzi, un autre membre de la direction confédéral CGT « le débat sur le revenu universel n’intervient pas par hasard, cela vise à mettre à mal le système de protection sociale ».
Des propositions existent dans les programmes du PCF ou de Jean Luc Mélenchon, pour permettre tout à la fois d'établir un statut protecteur pour les jeunes, d'accorder des droits nouveaux aux salariés dans l'entreprise, créer une véritable sécurité d'emploi et de formation (PCF) , ou bien encore une sécurité sociale intégrale (JLM)... Des propositions qui visent à dépasser le marché du travail.
Certes cela fait moins le buzz, mais sans doute parce que cela remet en cause la logique du système. Ce qui n'est pas le cas dans la version actuelle de la proposition de revenu universel....