L'ére Macron, société civile ou société par action ?
Si l’on n’y prend garde, le prochain scrutin risque de se révéler comme un formidable festival de l’esbroufe.
Qu’on en juge. Emmanuel Macron et son mouvement nous assurent que la moitié des candidats qu’ils présentent sont issus de la société civile et lorsque l’on fouille un tant soit peu leur CV l’on découvre que nombre d’entre eux sont des patrons ou de hauts cadres d’entreprise. Plutôt que de société civile, il faudrait parler à leur propos de société anonyme, voire de candidats de sociétés par action, à l’image de la nouvelle ministre du travail, ancienne DRH de Danone, groupe du CAC 40.
Et tout ce beau monde est chargé de vendre du vent, par exemple, que l’on va pouvoir élargir l’indemnisation du chômage à des non-salariés tout en faisant 10 milliards d’économies et qu’aucun chômeur n’aura à en souffrir ! On comprend que Bernard Arnault, PDG de LVMH, et Pierre Gattaz du Medef soient bienveillants à l’égard d’une telle mystification.
D’autant que l’entourloupe ne s’arrête pas là. Tout comme Marine Le Pen mais avec des modalités différentes, le nouveau président de la République considère que ce n’est surtout pas aux patrons de financer les augmentations de leurs salariés. Les travailleurs doivent payer pour les travailleurs !
Pour Emmanuel Macron la hausse du salaire net permise par la baisse de certaines cotisations sociales doit être financée pour partie par les retraités et pour une autre par des économies sur les dépenses de santé et de protection sociale. Autrement dit, ce sont les salariés-assurés qui vont payer pour les salariés-salariés. Le FN de son côté considère que l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés-salariés devrait être financée par une taxe sur les produits importés acquittée par les consommateurs-salariés.
Les Républicains ne sont pas en reste. Eric Woerth, leur « monsieur programme » affirme que leur projet de baisse des cotisations patronales « est infiniment plus fort que celui d’En Marche » puisqu’il sera élargi à l’ensemble des salaires et qu’il y aura d’autres réductions en plus, une pochette cadeau en quelque sorte. Grâce à cela la droite rasera gratis mais c’est le Medef qui tiendra le rasoir.
La caractéristique de toutes ces démarches est qu’elles considèrent les travailleurs comme des acteurs mineurs de la République, une volaille à tromper et plumer, même si notamment sur ce sujet le FN a droit à la palme. Tous veulent renforcer le pouvoir patronal sur l’entreprise et la société, celui des actionnaires, des grandes fortunes afin de leur permettre d’accaparer encore plus.
C’est là l’un des enjeux majeurs du scrutin.
Pierre Ivorra
Chronique publiée dans l'Humanité du 25 mai