Hommage à notre ami et camarade Tinin (Parravicini) à Bron par Jean Chambon

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

Tinin avec Maria Berlioz lors du vernissage de l'exposition de Maria

Tinin avec Maria Berlioz lors du vernissage de l'exposition de Maria

 

Emile...mais je dirai Tinin, j'aime mieux... Tu nous manques. Tes amis et tes camarades ont voulu de dire ce dernier message.

 

Quel courage tu as eu pour repousser l’échéance fatale le plus tard possible afin de passer les fêtes de fin d’année avec tes proches auxquels nous transmettons notre affection et notre amitié. Tes forces, tu as voulu encore les rassembler pour venir nous offrir l’apéro chez Vincent. Tu voulais nous rassurer, mais plus sûrement prendre un dernier plaisir avec nous car tu sentais la « fin » approcher. Avec pudeur, tu as profité du moment, avant de t’éteindre paisiblement chez toi entouré de ta famille. Ce fut ton au revoir.

 

Tinin, ta générosité et ton besoin de partager, étaient tes qualités, tout cela dans la simplicité et une grande humilité. Parfois, tu nous répondais avec des boutades dont tu avais le secret, elles reflétaient toujours ta pensée. Jamais tu ne voulais froisser.

 

Ces qualités, tu les tirais de 81 ans d’une vie qui a eu ses périodes difficiles, voire cruelles. A 5 ans tu perds ta mère. C’est la guerre. Chef d’une famille nombreuse issue de l’immigration italienne, ton père ne peux te garder et te place à l’orphelinat. La vie y est terrible pour un enfant. Cela te forgera le caractère et ton besoin d’humanité à l’égard des autres.

 

A 14 ans, tu retrouves ta famille à Saint Fons mais dois aussitôt travailler pour apporter le complément nécessaire pour survivre, l’assiette est souvent vide. C’est le début des années 50, la vie est précaire, les réformes de
la Libération n’ont pas encore produit leurs effets.

 

En 1957, on t’expédie faire ton service militaire en Algérie en pleine guerre pour l’indépendance. C’est un calvaire pendant 18 mois. Tu reviens révolté par le racisme le plus vil et les humiliations que subit un peuple qui se bat pour la liberté de choisir son destin. Ta conviction est faite, il faut construire un autre monde, plus humain, plus solidaire où chacune et chacun a le droit d’être, de vivre dans la paix. Cela motive ton engagement politique, tu participeras aux batailles contre le pouvoir gaulliste, contre la guerre au Viêt-Nam et aux luttes de 1968.

 

Cette même année, tu rencontres et épouses Christiane. Vous élevez deux enfants, Sylvie et Franck et vous vous fixez à Charly. Tu es tuyauteur-chaudronnier à Atofina, non par choix, c’est la nécessité qui te l’impose.

 

Es-tu marqué par les idées d’autogestion issues des usines en 68, toujours est-il qu’avec 10 collègues et ton ami Gustin, vous vous associez et créez la coopérative COOP-TUBE à Pierre Bénite. Tu vas te dépenser sans compter pour que vivre cette expérience de gestion ouvrière qui comptera jusqu’à 130 salariés et deviendra ensuite MGT et Eurometa.

 

La vie au travail est dure, les journées harassantes. Tu es endurant et a une conscience professionnelle élevée. Tu découvres au travail les solidarités, les combats communs pour plus de justice sociale. Avec Gérard qui vous a rejoint, vous tissez les liens d’une amitié indéfectible. Vous partagez les mauvais moments, comme les bons en allant manger le couscous ou une tête de veau, jusqu’à ces derniers mois.

 

Ton travail pendant de longues années t’expose à l’amiante et aux fumées toxiques. Cela te ronge le corps. Comme beaucoup, tu ne le verras pas, mais la maladie est traîtresse, elle se déclarera en 2006 sans que tu ne l’attendes alors que tu es en retraite depuis 10 ans.

 

On comprend mieux alors ta fidèlité à tes engagements pour changer les choses, ta participation aux manifestations, aux initiatives politiques, aux campagnes électorales et pourquoi tu accueilles avec joie la gauche en 1981. On m’a rapporté que le soir avec Gérard, vous avez tenté de jouer l’Internationale à la trompette dans les rues de Montpellier jusque tard dans la nuit. Plus tard tu soutiendras la gauche plurielle.

 

C’est en 1997, année où nous faisons connaissance. Depuis, au Petit Bar chez Michel, puis chez Thierry et enfin chez Vincent, nous nous retrouvions le matin soit pour coincher soit pour discuter. Nous discutions de tout, bien sur aussi de politique. Un jour, je t’ai demandé pourquoi tu étais communiste, tu m’as répondu avec un sourire espiègle « Que veux-tu, je suis né en 36, l’année du Front populaire ». Le message est clair, l’expérience t’a enseigné que pour conquérir et transformer les promesses en actes, il faut intervenir, rassembler et s’organiser. Le Front Populaire était le symbole de cette réussite. C’était ton fil rouge, même si tu n’avais pas d’illusion sur certains. Lucide toujours, mais naïf jamais !

 

Aux élections, tu tenais à participer aux bureaux de vote à Charly où avec Sylvie vous diffusiez les tracts dans les boites aux lettres.

 

Ton autre fil rouge était de faire barrage au racisme, à l’intolérance et au fascisme. Enfant et ensuite en Algérie, tu as pris conscience des horreurs de la guerre. Tu feras tienne la devise « plus jamais ça ! ». Pas question que tes petits enfants et les générations futures connaissent « la nuit ». Cela t’a parfois obligé à choisir « le moins pire » pour reprendre ta formule. Ce printemps, avant la présidentielles, tu m’as confié : « On sait très bien qu’il faudra toujours bagarrer, mais les fachos jamais ! ». Je crois savoir que tu as convaincu ton fils Franck que tu aimais retrouver.

 

C’était des moments de bonheur. Une réelle complicité existait entre vous, marquée par l’affection, la confiance et le respect mutuel. Vous aimiez vous balader dans Paris ou arpenter
la Fête de l’Huma où nous nous retrouvions avec Alain, Roger, Jean Mimi et Jeannine, qu’il pleuve dru ou sous un soleil torride. Tu profitais de l’ambiance festive et populaire. Tu te sentais bien, tu étais avec les tiens.

 

Tu aimais aussi découvrir et faire connaître le monde à tes enfants. Cuba, l’Egypte, Tu étais plein d’admiration et chargé d’espoirs. A ton retour, tu m’as dit : « Quand un peuple veut, il peut. Sa force est insoupçonnée quand il se rassemble pour la paix ou la liberté »
la Croatie, le Cambodge, la Tunisie, l’Islande, l’Ecosse et la Pologne avec ton ami Gérard furent tes destinations. Avec Franck, vous avez fait le Viêt-Nam. Tu es revenu heureux et impressionné par la beauté de la baie d’Along et les capacités de ce petit peuple à vaincre l’armada américaine armée jusqu’aux dents.

 

Tinin, pardonne moi de froisser ta modestie. Avant de nous quitter, nous tenons à te dire que ton humanité, ta générosité et ton engagement sont un exemple. Tu étais un grand bonhomme.

 

A Franck, à Sylvie, à Christiane votre maman, à Léa et à Julien je vous renouvelle notre affection. Votre père, votre grand père était un grand monsieur dont vous pouvez être fiers. Au revoir Tinin.

 

 

Publié dans Pierre Bénite

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