A Washington, manifestation historique pour mettre fin à la libre circulation des armes

Publié le par Front de Gauche de Pierre Bénite

A Washington, manifestation historique pour mettre fin à la libre circulation des armes

Plus d’un million d’Américains ont manifesté samedi pour réclamer des restrictions à l’achat d’armes à feu, après la tuerie de Parkland, qui a fait 17 morts en février.

Lori Levy s’est posée avec sa pancarte au pied de l’hôtel Trump, sur le trajet de la « Marche pour nos vies », qui a vu déferler dans les rues de Washington des centaines de milliers d’Américains. « Je suis une enseignante, pas un sniper », proclame son affiche. Pas vraiment habituée des manifestations, elle ne voulait pas rater cette mobilisation lancée à l’appel des lycéens de Parkland (Floride) après la tuerie du 14 février, au cours de laquelle Nikolas Cruz, un ancien élève, a tué 17 personnes.

Dans son école de Richmond (Virginie), seule la moitié de ses collègues partage son point de vue ; l’autre estime, avec le président américain Donald Trump et la National Riffle Association (NRA) qu’armer les enseignants serait une bonne réponse aux fusillades de masse qui endeuillent régulièrement les écoles du pays. « C’est la pire idée du monde. Plus il y a d’armes, plus il y a de violence », juge Mme Levy, à l’unisson des milliers de personnes qui l’entourent.

Dans la foule compacte, qui tente de s’approcher du Capitole, devant lequel une scène accueille les discours des jeunes de Parkland, les témoignages de proches de victimes et des intermèdes musicaux assurés par des personnalités comme Miley Cyrus, la jeunesse américaine côtoie des adultes rompus à l’activisme anti-armes, des familles inquiètes, des grands-parents concernés.

Plusieurs minutes de silence (le temps de la tuerie), imposées par Emma Gonzalez, l’une des élèves de Parkland, plonge l’assistance dans le recueillement.

« Il faut que le Congrès bouge »

Les collégiennes Renata Belhaj-Mendez et son amie Sayera Shaverdi sont venues de Virginie, pour leur première manifestation. « La deuxième », corrige Renata, après celle du 14 mars, organisée dans les établissements scolaires en hommage aux victimes de Parkland. « Il faut que le Congrès bouge, assure Renata, il faut remonter l’âge légal pour avoir le droit d’acheter une arme à 21 ans au moins, interdire les fusils d’assaut qui sont faits pour les militaires et renforcer les vérifications des antécédents pour éviter que des armes tombent dans les mains de malades mentaux ». « On ne peut pas attendre », assurent-elles. Les deux jeunes filles ne pourront pas voter avant cinq ans.

Mais tout au long du cortège, l’avertissement est clairement politique et des pancartes mettent en garde : « 222 jours seulement avant les élections de mi-mandat ! » Originaires de Floride, Ken, Nick, Dan et Phil portent haut des affiches mettant en cause le laxisme des élus de l’Etat où a eu lieu la tuerie, la ministre de l’éducation et le président Trump.

« Ces jeunes sont formidables, ils ont tout de suite dit : les prières et les pensées, ça ne suffit pas et ils ont fait le lien avec la politique. Cette fois, les choses vont peut-être bouger, car la génération qui s’engage est celle qui a grandi avec les fusillades. »

Les orateurs aussi mettent l’accent sur le poids politique de la mobilisation, invitant la foule à « dégager » les élus qui ne prendraient aucune initiative contre les armes.

« Qui a besoin d’un fusil d’assaut pour sa sécurité personnelle ? »

Des appels sont lancés aux plus jeunes pour qu’ils s’inscrivent en masse sur les listes électorales. Jamie Harvie n’a que 16 ans, mais il sait déjà pour quel camp il votera dans deux ans. « Pour l’instant, même si je ne suis que lycéen, ma voix compte : j’ai le droit de ne pas mourir en classe », explique-t-il en brandissant son affiche où l’on peut lire : « Je veux juste survivre au cours d’algèbre. »

Ben, 14 ans, est venu du Maryland avec sa mère. Lui aussi a participé dans son collège à la manifestation du 14 mars. « Tout le monde ne l’a pas fait, mais nous étions nombreux », assure-t-il. « Le mot d’ordre était d’éviter tout ce qui pouvait apparaître comme politique, nous vivons au milieu d’un bastion républicain », explique la mère d’un air entendu.

Izzy, lycéenne qui manifeste aussi avec sa mère, a fait le voyage de Chicago. « C’est important d’être là. Pour la première fois, il se passe quelque chose. Ceux de Parkland sont extraordinaires. Je me sens tellement proche d’eux, je m’identifie tellement à ce qu’ils demandent », assure-t-elle avec passion. Elle veut croire que des compromis sont possibles avec les défenseurs du deuxième amendement de la Constitution, qui autorise la possession et le port d’armes.

« Ce que l’on demande ne remet pas en cause le droit de porter une arme, à condition qu’elle soit dans de bonnes mains, c’est-à-dire pas celles de jeunes instables ou de malades, et à condition que cela ne soit pas une arme de guerre. Les semi-automatiques, ce n’est pas fait pour chasser, ce n’est pas vrai », assure-t-elle. Un avis partagé par Hope Rohrbach, une consultante de 23 ans.

« Qui a besoin d’un fusil d’assaut pour sa sécurité personnelle ? Les contrôles doivent devenir obligatoires ; une personne condamnée pour violences ne devrait pas pouvoir acheter une arme. »

D’autres ont des revendications plus radicales. Pour Amber Paige, une étudiante de 19 ans originaire de Georgie, les propositions actuelles sur les contrôles des antécédents ou l’âge limite pour acheter une arme ne vont pas assez loin. « Il faut abolir le deuxième amendement ; on n’en a plus besoin aujourd’hui. »

Absent de la capitale fédérale, samedi, Donald Trump ne s’est guère exprimé sur le sujet. Il avait répété, vendredi, sa volonté d’interdire les « bump stocks », ces accessoires permettant de tirer en rafale et de transformer des armes semi-automatiques en armes automatiques. L’interdiction des fusils d’assaut, en revanche, n’est pas à l’ordre du jour.

Joanna, une collégienne de 14 ans, estime, fataliste : « Les changements prendront du temps, quel que soit le président, mais il y aura des changements. »

Sources Le Monde

Publié dans Amérique du Nord

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