Prélèvement à la source et pouvoir d’achat ne font pas bon ménage

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Prélèvement à la source et pouvoir d’achat ne font pas bon ménage

A compter du 1er janvier, les mesures telles que la suppression de la taxe d’habitation ou l’augmentation de la prime d’activité risquent d’être torpillées par un bulletin de paie en nette baisse.

Ce devait être l’arme anti «président des riches». Un petit document à la couverture jaune poussin que le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, brandissait cet automne sur les plateaux télé ou à l’Assemblée nationale. Intitulé «Livret du pouvoir d’achat», il devait démontrer que la politique fiscale du gouvernement ne profitait pas qu’aux fortunés. Suppression de la taxe d’habitation, baisse de cotisations salariales, augmentation de la prime d’activité, du minimum vieillesse ou de l’allocation adultes handicapés (AAH)…

L’ensemble de ces mesures du budget 2018 devaient offrir, d’ici la fin du quinquennat,«plus d’un treizième mois» pour un célibataire payé au smic ou un couple avec deux enfants.

La consommation en petite forme

Une générosité dont les Français prendront enfin la mesure cet automne, espère l’exécutif. Avec la baisse d’un tiers de la taxe d’habitation pour 80 % d’entre eux, d’abord ; puis la suppression totale des cotisations chômage et maladie pour les salariés et la revalorisation de 20 euros de la prime d’activité au 1er octobre. De quoi enfin donner corps aux engagements macroniens sur le pouvoir d’achat ?

«Le quatrième trimestre sera crucial, c’est là que le bond de pouvoir d’achat sera le plus sensible, veut croire le député LREM Stanislas Guerini. En plus des baisses de cotisations et de la taxe d’habitation, il y aura la Sécurité sociale gratuite pour les étudiants, la hausse du chèque énergie [en 2019]… Il faudra prendre de l’élan à ce moment-là.»

Depuis un an, le gouvernement peine en effet à convaincre les ménages modestes qu’il agit aussi en leur faveur. En cause : le choix du calendrier fiscal. Pour tenir ses engagements budgétaires en 2018, l’exécutif a augmenté au 1er janvier la CSG de 1,7 point et les taxes sur l’énergie et le tabac. Tout en décalant à l’automne une bonne moitié des baisses de cotisations, et la plupart des revalorisations de prestations sociales.

«La politique fiscale du gouvernement a asphyxié la consommation», dénonce le député LR Gilles Carrez. L’Insee a confirmé en juin la petite forme de cette dernière : à peine + 0,1 % au premier trimestre 2018 et + 1 % en moyenne prévu sur l’année (après + 1,1 % en 2017). La faute, notamment, à une inflation tonique (+ 2,3 % en rythme annuel en juillet par rapport à l’an passé) sous l’effet, précise l’Insee, «du renchérissement des prix de l’énergie et du relèvement des prix du tabac».

Promotion médiatique

L’institut anticipe cependant un coin de ciel bleu : selon lui, «les mesures fiscales» qui entreront en vigueur au second semestre devraient «soutenir les gains de pouvoir d’achat d’ici la fin de l’année».

«Cela va tout juste compenser les augmentations d’impôts indirectes que les Français ont subies en début d’année», rétorque le député communiste du Nord Fabien Roussel qui pointe notamment les hausses des mutuelles ayant diminué le salaire net de certains employés en début d’année. "Le gouvernement vit dans un autre monde," ajoute la patronne du groupe Nouvelle Gauche, Valérie Rabault.  Sur le terrain, les Français nous parlent de quoi ? Des "taxes Hulot" sur l’énergie, dont l’augmentation sur un an est bien supérieure au premier tiers de la suppression de la taxe d’habitation.»

La majorité place beaucoup d’espoir dans le second semestre 2018. Et nourrit des inquiétudes concernant l’application, en 2019, du «prélèvement à la source qui, forcément, sera un peu chamboulant pour les gens», admet Stanislas Guerini.

La fenêtre de tir pour que le gouvernement se fasse entendre sur le pouvoir d’achat risque d’être très courte : à partir du 1er janvier, le montant net affiché en bas des feuilles de paie et des relevés de pension sera amputé d’une fraction mensuelle d’impôt sur le revenu, directement prélevé par l’administration fiscale.

Gérald Darmanin, actuellement en pleine promotion médiatique du dispositif, vante sa «simplicité» et parie sur un «choc psychologique […] positif ». Il lui sera pourtant plus difficile de venir sur un plateau télé avec deux bulletins de paie pour démontrer, documents à l’appui, que son gouvernement est bien celui «du pouvoir d’achat». ■

Lilian Alemagna et Dominique Albertini

Publié dans Politique nationale

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article