Congrès extra 2018 : intervention de Frédéric Boccara au CN du 5 septembre

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Congrès extra 2018 : intervention de Frédéric Boccara au CN du 5 septembre
1-     L’offensive est considérable et demande une réponse à la hauteur

Il faut prendre la mesure de la gravité de l’offensive. Elle nécessite de la part de notre parti une réponse à la hauteur en termes de mobilisations, de sens à donner à celle-ci, mais aussi de propositions de fond et de propositions d’action, et de politiser, faire le lien à la politique et aux institutions. Montrer ce qu’il faut changer et prendre des initiatives ambitieuses.

2-       D’autant plus qu’E. Macron est sérieusement déstabilisé

La sérieuse déstabilisation d’E. Macron crée un potentiel et renforce notre responsabilité. D’autant plus que la droite est en embuscade et cherche à profiter de cette déstabilisation pour en rajouter, sans parler des impasses réformistes de toutes sortes, voire du réformisme national-populiste.

Ces impasses dangereuses peuvent ouvrir la voie et le chemin à l’extrême-droite, via de violentes désillusions. Il s’agit d’ailleurs de ne pas se faire avoir par les oscillations classiques de Jean-Luc Mélenchon sur l’Europe et de changer de stratégie sur les élections européennes, mais au contraire de tracer notre voie en désignant un sens et une alternative ouverte pour rassembler, à partir de ce que nous considérons comme décisif avec nos idées originales, nouvelles.

3-     Passer de la dénonciation de l’Austérité à désigner le grand capital financier, ses coûts, sa logique et ses pouvoirs

Austérité ? Cela permet évidemment de se faire entendre car l’austérité est de plus en plus évidente. Mais est-ce que le centre de notre bataille doit être le mot d’ordre de lutte contre l’austérité, comme le propose le rapport ?

L’austérité ce ne peut être qu’un départ, un constat mais pour avancer un sens, désigner des obstacles ― un ennemi ―, désigner des institutions et donner un sens à des réponses. Car il faut aller au-delà. Le mouvement social attend autre chose. Et autre chose de nous. D’autant plus avec les populismes de toutes sortes.

Notre bataille ne peut être seulement « contre » elle doit mettre en avant un sens. Cela donnerait en outre une visibilité à ce que nous disons.

Il nous faut dénoncer le coût du capital – et ses pouvoirs ― qui impose l’austérité sur les dépenses publiques et qui impose d’écraser les salaires dans les entreprises leur emploi et leurs dépenses de développement (qualifications, R&D, et même investissement matériel). Il faut mettre en avant un « adversaire », porter une logique et cibler des institutions, pour porter une alternative.

Pourquoi le rapport ne cherche pas à « outiller » le parti, le mouvement en ce sens ? Que valent, par ces temps de congrès, les déclarations sur la formation, sur notre parti qui doit se révolutionner, si on ne commence pas dès maintenant à changer les rapports, notre discours et nos pratiques ?

Voyons bien que s’en tenir à dénoncer l’austérité pourrait être compris comme ne réclamer que l’augmentation des dépenses publique. Mais les dépenses publiques pour qui ? Pour faire quoi ? !! Pour les profits ? Pour le capital ? Il faut le mettre au centre, car précisément, nous souffrons d’avoir été pris à revers, après la crise de 2008-2009, par la droite et la social-démocratie réclamant plus d’intervention publique, alors que la question était : « quelle intervention publique ? » selon quels critères ? avec quelle démocratie ? quels pouvoirs et quelles institutions ? En mettant au centre du débat politique le rôle des entreprises, de leurs décisions ; et donc le besoin de changer le couplage entreprises/Etat, pas seulement la répartition de la croissance, une croissance empoisonnée socialement et écologiquement.

Il est absolument urgent de porter ces questions précises.

Et d’insister sur les défis de modernité que le capital financier et sa logique ne peuvent pas relever : révolution informationnelle et numérique, révolution écologique appellent une révolution dans la logique économique et dans celle des pouvoirs ! Ce que nous appelons une révolution des rapports sociaux de production, de consommation mais aussi de régénération anthroponomique.

Les quelques interventions télévisées que j’ai eu la chance de pouvoir faire en août sur LCI m’ont conforté sur le potentiel que nous avons pour aller en ce sens.

Nous pouvons articuler austérité, mise en cause du coût du capital et besoins de nouveaux pouvoirs sur l’utilisation de l’argent, face aux défis de la souffrance sociale, de la nouvelle crise financière qui vient et de la crise écologique systémique des défis de modernité comme des défis nationalistes.

Permettez-moi une parenthèse. Ce type d’orientation, nous l’avons déjà votée à plusieurs congrès. Et pourtant, elle n’est pas portée. C’est aussi ce qui explique l’unification de très nombreux communistes sur un texte de base commune (« pour un Manifeste du pc du 21è siècle ») alternative à celle adoptée en CN par une faible majorité.

Et précisément, la carte-pétition proposée et les affiches ne sont pas bons. Le mot d’ordre « rendez l’argent volé » est à la fois gauchiste et réformiste : il laisse à croire qu’il suffit de punir les voleurs et de repartir comme avant sans rien changer !

Il faut mettre la pression sur Macron pour qu’il desserre l’étau des banques et marchés financiers sur le budget de l’Etat (42 milliards d’intérêts, soit un budget de l’éducation nationale) et sur les entreprises, qu’il mobilise les banques françaises publiques (Caisse des dépôts, Banque postale, BPI, etc.) et réclamer un Fonds européen pour les services publics, financé par la BCE. Que Macron ouvre les négociations européennes en ce sens. C’est ce qu’avançait la pétition adoptée en CN et jamais lancée.

4-     Continuer ou réorienter ?

Peut-on continuer ainsi ? Je parle de l’orientation du PCF. Dire comme le rapport le fait « nous allons faire plus ». Voire s’affoler dès que JL Mélenchon change un peu le ton, dans les oscillations dont il est coutumier ? On ne peut laisser les camarades sans appui.

Il faut réorienter et parler clair. Tracer notre chemin avec ouverture et ténacité. Je veux d’ailleurs saluer l’évènement qu’a constitué cet été le dépôt de la motion de censure de gauche, portée par André Chassaigne, sans en rabattre sur notre visibilité et nos idées.

Nous devons mener le débat avec les idées réformistes, qu’elles viennent de JL Mélenchon, du PS ou de EELV. Expliciter les différences de fond. Mener la bataille sur nos idées pour politiser la situation.

5-     Notre congrès

Notre congrès peut être une occasion extraordinaire à la fois pour s’outiller, pour réfléchir et prendre des décisions d’action, de réorganisation et de campagnes tenaces.

Nous avons plusieurs textes, suite à la décision de Pierre de ne pas accepter une ré-écriture de la base commune. J’avais proposé moi-même en CN qu’on se donne encore 15 jours de travail. Mais c’est ainsi. Nous pouvons utiliser ces textes pour ouvrir le débat partout afin de faire des choix.

Non pas de « trancher », ni de « continuer en faisant mieux qu’avant », non pas de réaliser un collage ou une « synthèse » avec des thèses un peu puzzle, permettant demain toutes de zigzags. Mais de faire des choix.

Je récuse le terme de « posture » qui a été employé à l’encontre de camarades qui, comme moi, ont proposé un autre texte.

J’ai personnellement au congrès précédent appuyé le texte de base commune du CN, et dans ma fédération ― les Hauts de Seine ― cela n’était pas facile. J’ai débattu, proposé des amendements, avec certains obtenus, d’autres pas, d’autres rerédigés. C’est la vie. Mais au final, pour un résultat zéro. Car ce qui a été décidé au congrès n’a pas du tout été mis en œuvre ! C’est en voyant que l’on recommençait de plus belle que j’ai participé à l’écriture de texte très rassembleur, intitulé « Pour un Manifeste du parti communiste du 21è siècle ».

Voyons bien l’impasse politique où est notre pays. Et tout particulièrement les gens de gauche. Il  été dit : « avec une gauche anti-libérale à 20%, vous verrez comme on va avancer ». Eh bien c’est au contraire l’impasse ! Et les divisions ! Peut-être parce que l’anti-libéralisme c’est plus qu’insuffisant ? Peut-être parce qu’il faut parler du capital et de ses pouvoirs ? Des défis de vraie modernité.

6-     La fête de l’Huma

Un mot, pour conclure, sur la fête de l’Huma. Ian Brossat doit pouvoir intervenir sur la scène centrale à l’occasion du meeting, un partage de la parole avec Patrick Le Hyaric est tout à fait possible.

Ce n’est pas une question de boutique. C’est que nous avons besoin, sur l’Europe, d’essayer d’affirmer des lignes de forces, là où le débat est déporté sur les mauvaises questions. Nous avons besoin de le centrer sur la BCE, le besoin d’une autre mondialisation, de nous adresser à ceux qui sont tétanisés : entre le rejet de cette UE et le refus des nationalismes.

Quelques phrases de Ian Brossat, candidat des communistes, doivent pouvoir être reprises par la presse, lors de ce qui sera un grand meeting, pour faire ressortir un ou deux axes majeurs de ce que nous avançons dans cette campagne.

Enfin, je m’inquiète de ce qui pourrait être un « blacklistage » des camarades soutenant le texte « Pour un Manifeste » dans les intervenants invités aux débats de l’Agora.

Frédéric Boccara

 

Publié dans Congrès extra 2018

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