Le Grand Débat ou la fumisterie de Macron fortement médiatisée
Après une lecture attentive de la lettre d'Emmanuel Macron, la déception est là et pour beaucoup c'est même l'écoeurement de voir un Président de la République avoir recours à de telles bassesses avec notre peuple, alors que l'opération politique annoncée à grand renfort de publicité, visait à répondre aux questions posées par le mouvement populaire dont les Gilets Jaunes soutenus très majoritairement par l'opinion publique depuis plus de 2 mois.
L'affaire de Mme Jouanno et son salaire mensuel à 14 700 € avait déjà alerté sur l'opération politicienne en préparation, mais là, le summum est atteint. Après la lecture des 5 pages on ne peut qu'être d'accord avec le syndicaliste qui la résume ainsi : « Cause toujours... tu m’intéresses ! »
Quel sens donner à cette consultation alors que tout est décidé d'avance ? En effet, malgré les obstacles de taille rencontrés depuis son élection, Emmanuel Macron annonce qu'il veut « aller plus loin, plus vite, plus radicalement dans les changements » mais celle ou celui qui sait lire entre les lignes aura vite compris qu'il s'agit de reculs de la France dans tous les domaines. Macron a besoin pour cela de faire croire que les Français seraient d'accord !
Si certains ont pensé qu'il était possible de se saisir de ce débat national pour infléchir la politique de Macron, la lecture des 5 pages les aura ramenés à la raison. Très vite il y a eu cafouillage sur l'objectif, mais Macron entouré des purs et durs de l'Elysée veillaient au grain et ont tenu à affirmer que le seul objectif était de confirmer les orientations sur lesquelles avait été élu Emmanuel Macron.
Un argument peu crédible quand on sait que le résultat de Macron au 1er tour de la présidentielle est de 17% du total des inscrits, au second tour les électeurs ont vu leur choix guidé par leur seule volonté de faire barrage à M. Le Pen. Macron est élu par défaut. Aux législatives qui suivent, l’abstention bat tous les records aux deux tours : 51.29% au 1er tour et 57,36 % au second. C’est la plus mauvaise participation à un scrutin législatif de notre histoire, et là aussi ramené par rapport au total des inscrits les élus "macronistes" ne dépassent pas les 50%. En somme un président et des députés à l'élection légitime, mais dont la politique n'a pas de légitimité populaire. Il y a surement beaucoup de cela dans le rejet massif de la politique de Macron et de Macron lui-même, par les Français.
«Un vote a plus de poids qu’un clic » a pourtant affirmé un ministre et un autre a ajouté : «Le pays ne doit pas écouter une minorité qui parle fort, mais la majorité qu’on n’entend pas. »
L’objectif de l'opération est ainsi fixé. Faire parler, s'exprimer, écouter, pour au final ne rien changer. C'est comme s'ils avaient décidé de lever un peu le couvercle de la marmite qui bout pour aussitôt le refermer au risque d'une explosion rapide et encore plus violente que celle que l'on connait actuellement.
Cet espace démocratique qu’Emmanuel Macron voulait ouvrir avec cette initiative n'est en fait qu'un simulacre de démocratie. Pourtant la force du désaveu de notre peuple dont les gilets jaunes ne sont qu'une partie nécessiterait un débat ouvert n’excluant a priori aucun sujet, aucune solution, un débat apte à refonder de la confiance..
Mais pour Macron le risque est trop grand de voir ce débat prendre de l’importance et au final voir des solutions vraiment nouvelles s'affirmer massivement remettant en cause ses choix politiques.
D’où le double jeu, d'un côté l'affichage d'un débat ouvert où il est possible de tout dire et de l'autre le verrouillage exprimé dans la lettre du chef de l'Etat avec une méthode rigoureuse qui bride le débat, limite les thèmes, écartent certaines réponses et ferment les portes à des solutions telle que la réintroduction de l’ISF, la réforme des droits de succession, les cadeaux aux entreprises comme le CICE et plus généralement le coût du capital qui écrase la France et les Français..
Ce grand débat est de plus en plus une stratégie d’évitement. Il en est ainsi de la question de la revalorisation des salaires modifiant la répartition des richesses. Elle est pourtant centrale au moment où les firmes du CAC 40 affichent 57 milliards de profits distribués aux actionnaires. Un total de 180 miliards pour l'ensemble des entreprises. Vouloir la taire est l’assurance de passer à côté de ce qu’attendent la masse des salariés.
Il n’est pas du tout certain non plus qu’il soit possible, lors de ce grand débat, d’aborder le contenu des grandes réformes inscrites à l’agenda du gouvernement, et confirmées par le séminaire gouvernemental de début janvier : les réformes des retraites, de l’assurance-chômage, de la fiscalité locale, de la fonction publique et la révision constitutionnelle.
Quant à la démocratie, Macron veut la limiter aux institutions avec l'objectif de faire valider ses propres choix qui conduiraient à un renforcement du présidentialisme et un affaiblissement de la représentativité populaire, mais concernant la démocratie à l'entreprise qui est un enjeu central, elle ne serait pas concernée !
La démocratie sociale est totalement absente des préoccupations de Macron. Pourtant, la démocratie a besoin d'un droit syndical renforcé et du droit d’expression des salariés débattant de leur travail, des conditions de son exercice, de son organisation et des choix de gestion de l'entreprise. En ce sens les lois Rabsanem et les ordonnances sur le code du travail devraient pouvoir être revisitées. Ce besoin est confirmé par la remise en cause du barème des indemnités de licenciement par les juges.
Le grand débat national sera donc fait pour ne rien changer seule peut être la méthode adoptée jusqu’à présent évaluera t-elle. Que de temps, que d'énergie et d'argent perdues pour un tel simulacre.
On imagine aisément les réactions que suscitera un tel déni et on comprend mieux pourquoi 66% des lecteurs qui ont répondu au sondage du Progrès disent ne pas vouloir participer au débat.