Mouvement des gilets jaunes et syndicats. Réflexions.

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Manifestation samedi 26 janvier à Lyon

Manifestation samedi 26 janvier à Lyon

 

La mobilisation des gilets jaunes se poursuit à un haut niveau

Environ 100 000 « gilets jaunes » ont participé à l’acte XI du 26 janvier. Une mobilisation qui ne faiblit pas, deux mois après la première mobilisation du 17 novembre 2018.

Certains gilets jaunes avaient appelé à prolonger les manifestations par une « nuit jaune » sur la place de la République qui fut en 2016 le centre du mouvement « Nuit debout ». Cette initiative n’a duré qu’un peu plus de deux heures. La place a été violemment  évacuée par les forces de l’ordre.

Dans la journée, à Paris, cinq manifestations distinctes ont été déclarées alors que Macron éprouve de grandes difficultés pour faire vivre son « grand débat national ». Pour beaucoup de nos concitoyens, c’est une mascarade qui n’a pas pour but de répondre aux besoins de la société, c’est avant tout la campagne électorale de Macron pour les européennes de mai. Il utilise ainsi les moyens publics de l’Etat ainsi que les médias dont certains font du direct plusieurs heures. Le CSA devrait déduire ces temps d’antenne, du temps alloué à la liste « Macron » aux européennes.

Les « gilets jaunes » ont défilé dans le calme avant de converger aux abords de la place de la Bastille. Avec inscrits sur leurs pancartes leurs quatre exigences centrales : le relèvement du SMIC, la défense des services publics, le Référendum d’Initiative Citoyenne et la remise en place de l’I.S.F

Les violences policières se poursuivent

Alors que la manifestation était très pacifique, des violences policières ont eu lieu. La préfecture de police de Paris a fait état de 42 interpellations. Un « gilet jaune » influent, Jérôme Rodrigues, a été blessé à l’œil alors qu’il filmait la fin de la manifestation pour un direct sur Facebook. Sur la vidéo qu’il a postée sur le réseau social, on peut voir, à partir de la 9ème  minute, des forces de l’ordre arriver près de lui. Un projectile est lancé dans sa direction. L’homme s’effondre, vite entouré par des secouristes bénévoles.

L’inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie « pour établir les circonstances dans lesquelles cette blessure est intervenue », a indiqué la préfecture de police.

Gouvernement, policiers et gendarmes se savent sous surveillance, une campagne médiatique est développée sur les violences policières et sur l’usage des lanceurs de balles de défense (LBD) et les graves blessures que ces armes ont infligées aux manifestants. Le ministre de l’intérieur Castaner a du ajouter à sa déclaration, qu’à Paris, « l’IGPN saisie par [la préfecture de police] fera toute la lumière sur les incidents qui se sont produits place de la Bastille ».

L’un des cortèges est passé par le quartier des ministères, où s’est tenu un débat impromptu entre la ministre des outre-mer, Annick Girardin, et Etienne Chouard, promoteur du « référendum d’initiative citoyenne » que des manifestants réclament.

Ailleurs en France, les manifestants se comptaient par milliers comme à Bordeaux. Une des figures nationales du mouvement des « gilets jaunes », Maxime Nicolle, a été interpellé dans le centre de la ville, où s’étaient rassemblés 500 manifestants voulant mener une action nocturne.  Maxime Nicolle est ressorti plus tard de l’Hôtel de police. « Il a été entendu en audition et laissé libre », a rapporté le parquet.

Malgré le contre feu de Macron, les gilets jaunes gardent la main

A Marseille ou Lyon, les manifestants étaient de 4 000 à 5000. A Montpellier, quelques 3 000 manifestants ont défilé, et ont rendu hommage aux « gilets jaunes » victimes de violences policières. La manifestation a également été tendue à Avignon où il y a eu quatorze gardes à vue.

Malgré le débat national lancé il y a dix jours par Macron, les gilets jaunes continuent de garder la main avec leurs mobilisations qui ne faiblissent pas, tout comme le soutien majoritaire de l’opinion publique qui à la fois les soutient et souhaite qu’ils poursuivent le mouvement.

Certains « gilets jaunes » ont commencé à se désolidariser du mouvement en optant pour une stratégie politique avec la constitution possible d’une liste aux européennes emmenée par Ingrid Levavasseur. Ce choix est très contesté dans les rangs des « gilets jaunes », si l’on en juge par les réactions suscitées sur les réseaux sociaux et par un communiqué, publié sur la page d’Eric Drouet, fustigeant une « récupération abjecte ». On constate en effet que les 5 à 6 premiers de cette liste probable sont soit de droite, soit des électeurs de Macron, voire des militants d’En Marche. Et la présence de Tapie ne rassure pas !

La grève dans les entreprises est devenue le thème de discussion des gilets jaunes

Les gilets jaunes comme les syndicalistes préparent activement la suite des mobilisations avec en toile de fond la conjonction possible de ce mouvement avec l’action des salariés dans les entreprises. Depuis plusieurs semaines, le mot d’ordre  « ensemble on est plus fort » se construit dans de nombreuses villes du pays. C’est tout l’enjeu de la grève du 5 février lancée par la CGT qui trouve un écho chez certains militants nationaux des gilets jaunes comme Eric Drouet.

Depuis plusieurs jours, la thématique de la grève est présente dans les discussions des gilets jaunes sur les réseaux sociaux, mais aussi sur les ronds points. C'est, par exemple, un avocat de 32 ans, François Boulo, qui publie sur sa page Facebook un communiqué des " gilets jaunes " de Rouen, signé de son nom, déplorant " que le pouvoir exécutif s'obstine à ne rien entendre " et souhaitant, " suite à l'appel de la CGT ", une " grève générale illimitée " à partir du 5 février.

Le 17 janvier, la CGT a lancé un appel à la grève afin de " répondre à l'urgence sociale ". Pour elle, il est " indispensable de construire un rapport de force, notamment par la grève, pour imposer au patronat la redistribution des richesses ". Au coeur de ses revendications, " une augmentation du SMIC, du point d'indice, de tous les salaires et pensions ainsi que des minima sociaux ".

Forte inquiétude du MEDEF

Chacun s’écoute permettant à l’idée "agir ensemble pour gagner" de progresser sans pour autant que la CGT ou tout autre syndicat apparaisse en toutes lettres sur les tracts ou autres matériels. La méfiance ne se construira que dans l’écoute réciproque, le respect et l’action commune. C’est sur la bonne voie comme l’a montré la page Facebook de l'une des figures du mouvement, Eric Drouet qui a repris le mot d’ordre de grève générale.

Ces initiatives, si elles étaient suivies, constitueraient un tournant dans la mobilisation. Ce qui n’est pas sans inquiéter fortement le MEDEF. Depuis l'automne, les protestataires se sont organisés en occupant les ronds-points et en manifestant les samedis, sans utiliser l'arme de la grève. Une façon de faire durer le mouvement sans créer d'impact sur la fiche de paie.

Difficile cependant de dire si ces appels seront entendus dans un mouvement qui agrège certes des salariés mais aussi des précaires, des chômeurs, des retraités, des indépendants… Autant de personnes qui ne sont pas habituées à faire grève, bien que la grève concerne avant tout les salariés.

C’est pourquoi depuis le début de la crise, la CGT agit pour ancrer la mobilisation dans les entreprises. " Les ronds points, c'est bien, mais les grèves en semaine, il faut les faire ", explique Philippe Martinez. En interne, on se réjouit de voir émerger le sujet. " Même si ça fait débat, les “gilets jaunes considèrent qu'il faut bloquer l'économie" souligne Fabrice Angei, membre de la direction de la CGT.  "On en voit les limites sans passer par la grève. "

Le syndicaliste est conscient du pas à franchir. " La grande difficulté, c'est de faire cesser le travail à des personnes qui, si elles manifestent le samedi ou occupent des ronds-points la semaine, le font aussi parce qu'elles ne perdent pas de salaire, note-t-il. C'est un autre déclic, une autre démarche. "

La gauche radicale se solidarise et se mobilise

Dans la gauche radicale, certains ne s'y sont pas trompés. Ainsi Fabien Roussel nouveau secrétaire national du PCF tout comme Ian Brossat, tête de liste aux élections européennes soutiennent cette démarche solidaire. Cela démontre la force du mouvement.

Les communistes ne vont pas ménager leurs efforts pour que Macron ne gagne pas la partie engagée contre les gilets jaunes. Leur objectif est de nourrir le mouvement de leurs propositions notamment l’urgence à s’attaquer au coût du capital (Dividendes aux actionnaires, intérêts bancaires, inégalités fiscales entre les grandes entreprises et les TPE-PME etc.) qui ruine la France, ses populations et la nature, le besoin urgent de répondre aux questions sociales (salaires, précarité, inégalités) dès l’entreprise lieu où se gagne une autre répartition des richesses produites par les salariés, une autre fiscalité qui ait pour cœur l’entreprise, le développement des services publics et un rôle nouveau de la BCE pour financer leur développement, la formation et la lutte contre le réchauffement climatique.

Pour Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, pour lequel ces avancées nouvelles... "Ça doit interpeller les organisations syndicales, c'est peut-être le moment de la convergence ".

Bien évidemment les règles qui encadrent le droit de grève sont des obstacles mais qui seront levés avec la mobilisation de la masse des salariés déterminés à gagner et dans ce cas là, bien souvent il n’y a plus de règle.

Cela démontre que le mouvement social ne peut faire abstraction des syndicats estime M. Angei.

En avant donc pour un grand 5 février, et dès le lendemain, ensemble tirons les enseignements et prenons des dispositions concrètes pour poursuivre le mouvement engagé.

 

 

Publié dans Luttes sociales

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