Les vrais chiffres du chômage en 2018. Où sont passées les radiations et la précarité ?
La DARES (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques) vient de publier les chiffres du chômage pour 2018. Aussitôt, ministres, politologues néolibéraux, journalistes et économistes de la pensée unique ont sauté sur ces chiffres pour nous annoncer que "c'était un bon résultat, que la politique de l'offre était la bonne politique, qu'elle commençait à porter des résultats. Macron a la volonté de la poursuivre. C'est le bon chemin. Les Gilets jaunes n'ont rien compris !"
En résumé : continuons à favoriser les riches et tout ira mieux pour les pauvres et le chômage ! Quelle indécence !
Car avant de se réjouir il est nécessaire d'y regarder de façon plus précise.
Les chiffres de Pôle Emploi indiquent que le nombre de chômeurs catégorie A qui s'établissait à 3 469 200 chômeurs en 2017 passe à 3 418 600 en 2018 soit -50 600 personnes et -1,45 %.
Pas de quoi pavoiser ! D'autant qu'il convient de comprendre comment ces résultats sont obtenus : est-ce le résultat d'une reprise d'activité économique favorable aux chômeurs ou est-ce une autre raison et notamment un effet statistique provoqué ?
Nous remarquons que le nombre moyen des sorties pour les catégories A-B-C au 4ème trimestre 2018 est due pour 51,9% des cas
- à une cessation d'inscription pour défaut d’actualisation pour 227 400 personnes soit 43,6% + 5,1% en 1 an ;
- à une radiation administrative pour 43 500 personnes soit 8,3% donc 5,2% en un an (chiffres données avant la mise de la nouvelle échelle de sanctions au 01/01/2019)
On en déduit donc que seules 107 700 personnes sont sorties pour reprise de travail soit 20,6%, 1 personne sur 5.
Nous sommes bien en présence d'un effet statistique qui cache en réalité et fort opportunément pour le gouvernement, une aggravation du chômage.
Il y a donc encore un long chemin pour que la principale raison de sortie du chômage, soit la reprise du travail. d'autant que les difficultés pour les privés d'emplois vont s'accentuer avec des mesures de contrôle tatillon au 1er janvier 2019 et la volonté de leur imposer la contrainte inacceptable de ne plus les indemniser en cas de refus d'un emploi.
Dans les autres catégories.
Pour la catégorie B : Personnes ayant exercé une activité réduite de 78 heures maximum par mois, tenue d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi : le nombre de personnes concernées passe de 747 400 en 2017 à 750 200 soit +2 800 et 0,4%.
Pour la catégorie C : Personne ayant exercé une activité réduite de plus de 78 heures par mois, tenue d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi : le nombre de personnes concernées passe de 1 404 300 à 1 436 200 soit +31 900 +2,3%.
Les 2 catégories d'activité réduite passent donc de 2 151 800 à 2 186 400 soit +34 600 personnes +1,6%.
Il est à noter que c'est encore un système discriminant pour les femmes qui représentent 56,7% du chômage des catégories B C, avec l'impact sur les indemnisations, les faibles salaires attachés au travail à temps partiel, les déroulements de carrière, l'incidence sur l'ouverture des droits et le montant des retraites.
Pour les catégories A, B et C, le chômage de longue durée augmente passant de 44,9% en 2017 à 47,2% en 2018. Près d'un chômeur sur 2 l'est depuis plus d'un an. De plus «l’ancienneté moyenne » au chômage passe de 593 à 620 jours (1,70 an) +27 jours.
Au final le nombre de chômeurs catégories A B et C ne baisse plus que de 0,3% sur un an, au lieu des 1,45% de la catégorie A.
Cette augmentation du nombre de chômeur ayant une activité réduite renvoie au débat qui traverse le pays. Au fond, on peut se demander si l'objectif des libéraux n'est pas de créer une rotation permanente du salariat entre chômage - précarité - stage ou formation - activité réduite - chômage etc.
Dans ce cas, il n'est pas impossible de faire baisser massivement la catégorie A et voir une augmentation importante des catégories significatives de la précarité. Une baisse du chômage en trompe l'oeil accompagnerait alors une aggravation de la précarité de l'emploi et une augmentation de la misère.
Depuis des années, les néolibéraux expliquent qu'il vaut mieux un petit boulot, mal payé, sans garanties sociales, que pas de travail du tout. Or, aujourd'hui le débat remet en cause cette théorie et montre l'exigence de pouvoir vivre décemment de son travail.
Pour cela il y a besoin de conquérir une véritable sécurité d'emploi et de formation (SEF). Il s'agirait d'instaurer une rotation vertueuse entre des formations tout au long de la vie avec un revenu de formation et l'emploi stable choisi et bien rémunéré. Ce qui permettrait de répondre positivement aux besoins de mobilités des salariés. Des mobilités choisies par les salariés avec l'assurance de la reconnaissance de leur qualification acquise par leur formation.
Les salariés auraient alors la sécurité de leur emploi, la sécurité de leur formation et la sécurité de leur revenu (le salaire quand ils sont dans l'emploi et revenu de formation quand ils sont en formation).
La formation qui permet au salarié de maîtriser son travail et d'élever l'efficacité de celui-ci bénéficie en tout premier lieu à l'entreprise, il est donc normal qu'elle finance en tout ou partie la formation Comme elle devra financer, les salariés qui lui sont nécessaires pour remplacer ceux partis en formation. Les moyens existent, il suffit que les richesses créées par les salariés soient utilisées prioritairement pour la formation, l'emploi et tout ce qui touche aux revenus des salariés au lieu d'aller grossir les profits ou la spéculation, c'est à dire le coût du capital !
L'éradication du chômage est possible avec une telle proposition qui serait une innovation majeure du même niveau que celle qui a prévalu à la création de la Sécurité Sociale. Cela serait aussi la porte d'une nouvelle civilisation faite pour les êtres humains et leur développement avec une avancée culturelle sans précédent.
La SEF est cohérente avec la Sécu, elle la prolonge, l'élargit et la complète !
On peut même imaginer que la "cotisation chômage" qui finance l'indemnisation du chômage, soit transformée demain en "cotisation formation" lorsque le chômage sera éradiqué. Cette cotisation sociale d'une type nouveau, serait gérée par un pôle public national de la formation avec des droits nouveaux pour que les salariés puissent contrôler son utilisation et définir l'orientation d'un tel pôle public.
Mais sans attendre, il faut utiliser les richesses créées et dilapidées par le capital. Les dividendes versé par les entreprises du CAC 40 en 2018 s'élèvent à 57,4 milliards d’euros, la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 atteint 5 Millions d'€ par an, en progression de 14%, la plus forte des 10 dernières années. Et rappelons que le CICE va s'élever en 2019 à 40 milliards d'euros.
La SEF est donc une proposition que nous devons faire monter dans les luttes sociales actuelles afin qu'elle soit de plus en plus entendue et portée jusqu'à son aboutissement.
Un grand et beau défi à relever qui concrétise notre logique l'humain d'abord !