CETA, dans une tribune Nicolas Hulot appelle les députés à faire preuve de courage et à voter contre

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

CETA, dans une tribune Nicolas Hulot appelle les députés à faire preuve de courage et à voter contre

Nous sommes le jour du vote solennel à l'Assemblée nationale du Ceta, le traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada. Pour ce vote de l'Assemblée Nationale, Nicolas Hulot a appelé les députés à faire preuve de courage et à rejeter cet accord.

"Ayez le courage de dire non", a lancé l'ancien ministre de la Transition écologique et solidaire dans une tribune publiée lundi sur franceinfo.

Le Ceta négocié dans le plus grand secret, suscite de nombreuses et importantes réticences à droite comme à gauche.

Emmanuel Macron en grande difficulté avec sa majorité, elle-même partagée, a déjà du reporter le vote de l'Assemblée à ce mardi. Mis sur la défensive, il a été obligé de répondre à Nicolas Hulot. Cette réponse est pitoyable, indigne d'un chef d'Etat. Elle démontre qu'il est bien le représentant des multinationales contre notre pays et son peuple.

Ci dessous la lettre publique aux députés de Nicolas Hulot


Lettre ouverte aux députés

Demain chacun de vous aura plus de pouvoir que tous les ministres de l’écologie réunis. Demain chacun de vous sera libre de voter contre la ratification du Ceta et exiger ainsi la réouverture des négociations. Demain la voix forte d’un pouvoir législatif unanime pourra éclairer utilement un exécutif qui agit comme si ratifier le Ceta allait de soi.

Il était essentiel à l’origine de démontrer que les craintes de certains étaient non fondées. Mais reconnaissons que cela n’a jamais été possible.

Le plan d’action, que j’ai moi-même endossé à l’automne 2017, n’a pas produit les résultats escomptés et les attentes légitimes n’ont pas été comblées. Nous avons échoué à apporter les garanties nécessaires sur le veto climatique, les farines animales, les nouveaux OGM, la sauvegarde du principe de précaution à l’européenne...

Nous avons échoué à réformer la politique commerciale européenne. Ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Sourde à nos attentes, l’Union européenne a préféré conclure rapidement des accords avec le Japon ou le Viêtnam et un accord catastrophique avec le Mercosur. Et délivrer des nouveaux mandats de négociation avec les États-Unis de Donald Trump, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sans faire plus de cas de nos alertes.

Pourtant ces accords commerciaux de nouvelle génération, le Ceta étant le premier d’entre eux, emportent toutes nos batailles et leurs conséquences dépassent largement nos frontières.

Le gouvernement a dû finalement reconnaître que les normes qui s’appliquent sur le sol européen et celles qui s’appliquent à l’importation ne sont pas les mêmes en matière sanitaire et phytosanitaire. Ainsi, le Ceta produit déjà ses premiers effets concrets en matière de coopération réglementaire.

Pour permettre l’accès au marché intérieur européen à des produits canadiens, la Commission Européenne a commencé à relever nos limites maximales de résidus (LMR) autorisées pour certaines substances et produits. En les multipliant par 10 par exemple pour la clothianidine, un pesticide néonicotinoïde interdit en Europe, utilisé au Canada sur les pommes de terre.

Le Parlement européen a bien fait une première objection mais la Commission n’a pas désarmé et compte revenir à la charge. De la même façon, elle se prépare à relever les LMR pour le 2,4-D, un herbicide entrant dans la composition de l’agent orange, considéré en France comme perturbateur endocrinien, et qui devrait en théorie être interdit en Europe suite à la définition adoptée en 2017.

La convergence vers le haut a du plomb dans l’aile. Il suffit de visionner les comptes rendus succincts des comités de suivi du Ceta pour constater que si le Canada est à l’offensive quant à la rigueur de nos normes, l’Union européenne ne montre aucune volonté de questionner l’utilisation par le Canada de 46 substances interdites en Europe.

Le Canada ne fait lui pas mystère de ses intentions. S’il utilise déjà à son avantage les mécanismes peu transparents associés au Ceta, il n’a pas hésité non plus à s’allier au Brésil et aux États-Unis pour demander le 4 juillet devant l’OMC des comptes à l’Union européenne sur son application du principe de précaution quant aux perturbateurs endocriniens et autres substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR).

Ce n’est pas nouveau. Déjà en 2016, le Canada avait fait pression avec succès sur la Commission européenne pour affaiblir sa proposition de définition des pesticides perturbateurs endocriniens.

Car ce qui se joue est immense. Dans la continuité des actes précédents, l’Union européenne doit aujourd’hui faire évoluer sa doctrine de tolérance à l’importation pour aller vers une logique de tolérance zéro résidu pour les substances les plus dangereuses. Et c’est là tout l’enjeu car le marché européen est structurant pour de nombreux pays exportateurs.

Quand nous interdisons des substances dangereuses en France et a fortiori en Europe pour protéger la santé de nos populations, nous portons plus largement atteinte aux intérêts de BASF, Bayer-Monsanto, Syngenta, Dow Chemicals etc. qui, pour pouvoir vendre leurs pesticides, doivent garantir aux agriculteurs exportateurs brésiliens, américains ou canadiens que leurs produits pourront pénétrer le marché intérieur européen.

Toujours prompts à défiler dans les ministères pour expliquer combien ils investissent, créent de l’emploi et pourraient le faire partout ailleurs, ce sont ces firmes qui font pression pour que l’Europe abandonne son approche unique au monde, qui considère que les substances les plus toxiques doivent être interdites sans autres considérations que leur danger intrinsèque.

Quand tous les lobbys essayent déjà d’enfoncer la porte, pourquoi leur donner un bélier avec le Ceta ?

Demain, ces firmes qui ont toutes des filiales au Canada pourront menacer de recourir directement à l’arbitrage. Mais alors pourquoi et pour qui ratifier le Ceta ? Pourquoi maintenant ? Pas pour notre santé, pas pour nos agriculteurs ni pour le climat, on l’aura compris.

Parce que les Canadiens sont nos amis ? S’ils le sont vraiment, pourquoi ne pas renégocier politiquement cet accord avec eux pour en supprimer les risques dispensables ?

Ces accords de nouvelle génération sont loin du commerce comme facteur de concorde entre les peuples. Parce que quelques centièmes de points de croissance sont en jeu ? Parce que le commerce c’est important et qu’il faut être bon élève en Europe ? En réalité, au-delà des éléments de langage, qui sait vraiment pourquoi il faut ratifier absolument et maintenant le Ceta ?

Demain, comme le voudraient tant de Français, ayez le courage de dire non. Faisons enfin preuve de cohérence.

***

Un des points clé majeur de cet accord entré provisoirement en vigueur pour anticiper les votes des parlements nationaux européens à la demande du Canada, à l'exception notable des très controversés tribunaux d'arbitrage privés qui seront appelés à trancher les différents entre les entreprises et les Etats.

Il s'agit avec le CETA de donner le pouvoir aux multinationales contre les Etats qui prendraient des dispositions réglementaires jugées contraire à l'intérêt d'une ou de plusieurs multinationales françaises ou étrangères.

C'est la plus grave attaque contre la souveraineté des peuples et des Etats. Ainsi un peuple de l'UE qui décide par voie référendaire et les lois qui suivraient de protéger la santé en s'opposant à l'importation dans son pays de produits d'une multinationale américaine pourris de pesticides et de substances les plus toxiques, pourrait se voir retoqué par ces tribunaux privés saisis par la ou les multinationales en question.

Ainsi le CETA prévoit ce dispositif antidémocratique qui impose aux peuples européens et canadien, à leurs parlements nationaux de se plier aux exigences des multinationales quel qu'en soit le prix à payer pour la santé, la sécurité ou la souveraineté.

C'est pourquoi cette partie doit être massivement condamnée par le parlement français aujourd'hui.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article