Le « risque vert » est-il devenu sérieux pour la gauche comme pour Macron ?
Avec un score en progression de 4.5% par rapport à 2014, les "verts" ont apporté leur pierre à la recomposition politique. Vont-ils voir leur audience continuer de progresser ou comme les fois précédentes, vont-ils s'écrouler dès l'élection suivante et ne pas donner suite à l'avancée qu'ils viennent d'obtenir qui est surtout à mettre au profit d'une sensibilité grandissante des français à l'environnement et au climat.
Toujours est-il que la question taraude beaucoup de politiques à 6 mois du scrutin municipales de mars 2020, notamment Macron qui espère bien que ses appels du pied aux écologistes seront entendus. De Rugy malgré son indigestion de homards, Pascal Canfin numéro deux de la liste En Marche aux européennes et Nicolas Hulot malgré son départ du gouvernement, sont les cas emblématiques de militants et dirigeants des verts qui ont plié bagages pour rejoindre la "macronie".
Yannick Jadot sera t-il à son tour un de ceux qui renforceront l'ancrage de Macron dans la proximité? Le refus de Jadot de s'affirmer de gauche montre que c'est une voie possible, bien que très incertaine.
Car au moment où les militants d' Extinction rebellion bloquent la place du Châtelet à Paris, c'est un sondage qui vient bousculer des certitudes. Si EELV et le PS faisaient liste commune aux municipales de mars à Bordeaux , le maire sortant Nicolas Florian LR (avec les centristes) ferait à peine mieux : 32,5 % contre 30,5 %, selon Elabe. De quoi donner des cauchemars à Juppé et à Macron.
Les écologistes peuvent-ils permettre un nouveau départ de toute la gauche ?
Dans certaines villes cela est possible quand on regarde les annonces de listes communes pour les municipales. Par contre cela ne constitue pas un cas général, par exemple dans le Rhône EELV entend partir seul aux élections métropolitaines. Y compris dans les deux circonscriptions où les villes de Vénissieux et Givors sont gérées par les communistes au grand risque de leur faire perdre ces villes. Si ces deux cas ne favorisent pas les rapprochements souhaités par la gauche radicale avec les écologistes, cela ne peut que ravir la "macronie" qui espère qu'en cas de second tour aux élections métropolitaines, les verts accepteront de la rejoindre pour faire liste commune.
Ainsi, si chacun note la progression des préoccupations environnementales chez les Français, les verts longtemps minimisés peuvent donc être cette fois un risque "politique" pour la gauche comme pour Macron.
Les Français sceptiques
Pourtant, si les Français se disent plus écolos qu'avant, ils ne veulent pas changer fondamentalement de vie, pensait-on dans les partis et à l'Elysée. La preuve par la taxe carbone. Yannick Jadot a peut-être fait 13,5 % des voix aux européennes, lui seul croit à une nouvelle donne politique. La preuve par Daniel Cohn Bendit en 2004 : ses 16,3 % étaient restés sans lendemain.
Ce regard a abouti à une stratégie de Macron. ll faut prendre un virage écologiste parce que telle est l'attente de l'opinion, et cela suffira à circonscrire la vague verte, a initié Emmanuel Macron. Bordeaux et les sondages réalisés dans d'autres villes viennent complexifier la donne.
Les écolos sont plus hauts partout, signe peut-être qu'ils ne sont plus vus comme des originaux ingérables et qu'ils restent crédibles sur le sujet quand ils ne s'enferment pas dans des théories stupides consistant à penser que seule la responsabilité individuelle de chacun compte pour sauver la planète et qu'il n'y a pas besoin d'un nouveau mode de développement qui fasse des êtres humains donc de l'humanité, et de la planète les nouveaux moteurs de la croissance, d'une autre façon de consommer et de produire autrement avec des économies de matières premières, d'énergie, de transports et de temps de travail pour les producteurs.
Le grand besoin d'une réconciliation entre toute la gauche et les écologistes
Dans la phase actuelle de notre économie en crise, c'est bien le besoin d'une grande réconciliation entre le social et la nature, entre la gauche et les écologistes, qui doit devenir première contre l'économie libérale et la finance qui ont placé leurs représentants partout et freinent des quatre fers au point d'être accusés de ne rien vouloir faire pour le climat, par la jeunesse mobilisée.
Ainsi les verts peuvent être les artisans d'un retour de la gauche sur le devant de la scène politique. Les alliances PC-PS-EELV semblent loin encore tant Yannick Jadot affiche sa volonté d'autonomie, voire de revanche, notamment sur ses anciens alliés socialistes qui paient leur attitude hégémonique irrespectueuse au point que les verts étaient très souvent qualifiés de "faux nez de la social démocratie".
Il n'empêche, Emmanuel Macron pensait que son principal danger venait de la droite. Il faut étouffer la droite en allant sur son terrain, qu'il soit économique ou régalien pensait-il. Il va aujourd'hui jusqu'à porter les thèmes de l'extrême droite notamment sur l'immigration et la sécurité en appelant à "combattre l'hydre islamiste" pour tenter de glaner des voix racistes nourries d'islamophobie.
Cette stratégie très dangereuse pour notre République est-elle erronée, dépassée ? Macron serait-il passé à côté d'une évidence politique?
Macron en retard, mais...
Des proches de Macron sonnent discrètement l'alarme. Avec une double difficulté. L'exécutif ne peut donner un contenu à son discours écologiste tant il priorise une économie fondée sur l'offre et l'abaissement du coût du travail avec mesures insupportables qui vont à l'inverse des attentes sociales des français et des besoins de la transition écologique. C'est vrai qu'en jouant avec les idées de la droite néolibérale et celles de l'extrême droite, il n'est pas simple de revenir en arrière.
Mais Macron nous a appris les coups tordus. Il est encore capable d'en sortir un nouveau permettant à Jadot de lâcher l'autonomie revendiquée au profit d'une carrière politique. De Rugy, Canfin, Hulot ont montré la voie....