Indemnisation du chômage, une réforme antidémocratique, inhumaine et explosive !

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Indemnisation du chômage, une réforme antidémocratique, inhumaine et explosive !

À partir d'aujourd'hui, les conditions d'accès au régime de l'assurance-chômage sont très durcies pour les demandeurs d'emploi. Il faudra désormais avoir travaillé 910 heures pendant 6 mois, contre auparavant 610 heures pendant 4 mois, soit une hausse de 50% du temps nécessaire pour ouvrir des droits d'indemnisation. Sinon rien, le RSA ou la famille solidaire ou la manche dans la rue !

Les résultats de cette réforme faite dans l'ombre par la ministre du travail font faire des dégâts humains énormes. Dès aujourd'hui, le gouvernement va faire appliquer le premier volet de sa réforme de l'indemnisation des chômeurs que même le responsable de la CFDT, Laurent Berger, trouve que "... c'est une punition (...), on entre dans une trappe à pauvreté pour ces demandeurs d'emploi".

De son côté, bien évidemment, le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux soutient cette réforme car "le système", selon lui, permettait jusqu'alors "des stratégies d'optimisation" de la part de certains demandeurs d'emploi. Mais le patron des patrons doit avouer par ailleurs : "Je ne sais pas comment cette réforme va avoir (un) impact sur les modifications des comportements des employeurs d'un côté et des demandeurs d'emploi de l'autre."

La présidente de l'Unédic met en garde l'impact des nouvelles règles

Après les négociations entre les partenaires sociaux, l'État a d'autorité repris la main sur le système solidaire. Chacun paie une cotisation qui permet d'indemniser les victimes de la casse de l'emploi ou de sa précarisation du fait de la gestion patronale et d'indemniser des jeunes diplômés ou pas à la recherche d'un emploi. Le changement casse en partie cette solidarité, individualise le chômeur et va avoir des répercussions très concrètes et très graves sur des milliers de demandeurs d'emploi dès les prochains semaines.

Devant la catastrophe humaine qui se prépare, plusieurs représentants de l'Unédic ont émis des crainte au moment de l'entrée en vigueur de ces nouvelles mesures qui n'ont qu'un seul but réaliser des économies. 

La présidente de l'organisme paritaire, Patricia Ferrand, a même lancé un avertissement:

"Ces règles changent énormément de choses [...] C'est un enjeu démocratique d'avoir une étude d'impact sur les nouvelles règles de l'assurance-chômage alors que les décrets publiés n'ont fait l'objet d'aucune évaluation."

Un durcissement explosif des règles d'indemnisation

L'application de ces nouvelles règles est une vraie bombe pour demandeurs d'emploi. La principale modification concerne la durée nécessaire de cotisation pour toucher de nouveaux droits. Il faudra désormais avoir travaillé 6 mois sur les 24 derniers mois, contre 4 mois sur les 28 derniers mois auparavant. Autant dire que les chômeurs de longue durée et les jeunes à la recherche d'un premier emploi stable sont les premiers concernés.

Alors que le gouvernement a publié les décrets d'application de sa réforme en plein milieu de l'été, au moment des congés annuels, pour le pas attirer l'attention sur l'ampleur de la gravité de cette réforme, l'Unédic a procédé à des simulations pour tenter d'en évaluer l'impact.

A l'issue de son travail d'investigation, l'organisme paritaire insiste sur la baisse du nombre de demandeurs d'emploi qui pourront ouvrir des droits en raison de la hausse nécessaire de la durée de cotisation. Le passage de 28 mois à 24 mois va également diminuer la durée du droit "car l'affiliation, à partir de laquelle la durée du droit est calculée, est recherchée sur une période plus courte". 

D'après les calculs de l'organisme, environ 710.000 allocataires seraient concernés par cette mesure sur la première année de mise en oeuvre. Cela aura un impact sur les chiffres du chômage, puisque chaque privé d'emploi s'il ne remplit pas ces conditions drastiques ne pourra pas s'inscrire à Pôle emploi. Il faut donc s'attendre à ce que dans un an, Macron qui vise un deuxième mandat présidentiel, annonce une baisse spectaculaire du nombre de chômeurs alors qu'il n'en sera rien, puisque le nombre réel de sans emploi sera toujours le même, voire sera même aggravé. Cette mesure viendra se cumuler avec les radiations massives observées ces derniers mois.

Notons que Macron par deux fois a déjà changé les règles du calcul statistiques des inscrits à Pôle emploi. Certains diront que c'est peu au regard de ce qu'avait fait Mme Thatcher qui les avait changées près de 15 fois pour obtenir des chiffres présentables !

Au niveau du rechargement des droits, des modifications sont prévues dans les décrets publiés au journal officiel.  À partir d'aujourd'hui, 1er novembre prochain, il faudra avoir travaillé au minimum pendant 6 mois pour recharger ses droits. Sous les conventions actuelles, il faut travailler 1 mois pendant sa période d'indemnisation pour bénéficier de ce rechargement. Cette condition est donc durcie 6 fois plus !

Dégressivité pour les hauts salaires

L'autre principale disposition, qui devrait entrer en application dans quelques jours, concernera les travailleurs ayant perçu une rémunération supérieure à 4.500 euros bruts, soit environ 3.500 euros nets.

Ainsi, les allocataires de moins de 57 ans ayant touché des revenus supérieurs à cette somme pourrait voir leur indemnité baisser de 30% à partir du septième mois d'indemnisation. Cette baisse de l'allocation ne concerne pas les demandeurs d'emploi de plus de 57 ans fortement touchés par le chômage de longue durée. Mais cela restera à vérifier avec la pratique !

Ce principe de dégressivité risque de s'appliquer aux autres catégories de chômeurs, alors que son efficacité est loin d'être approuvée au sein des économistes. Ainsi, Bruno Ducoudré, économiste de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), a noté que les bénéfices de la dégressivité sont "douteux et qu'elle crée des effets indésirables".

Concernant la mise en oeuvre de la dégressivité, ses premiers effets devraient être visibles à partir du second semestre 2020. Les économies attendues seraient de l'ordre de 140 millions d'euros à partir de 2021.

Des droits pour les démissionnaires et indépendants

L'indemnisation sera ouverte aux démissionnaires ayant travaillé dans la même entreprise au cours des cinq dernières années et ayant un projet de reconversion professionnelle ou de création/reprise d'entreprise. Deux conditions qui restreignent fortement ce nouveau droit.

Avant de poser sa démission, le salarié devra demander un conseil en évolution professionnelle (CEP) et ensuite adresser à une commission paritaire (syndicats/patronat) une demande d'attestation "du caractère réel et sérieux" de son projet. Celle-ci examinera notamment "la pertinence de la formation identifiée" et ses perspectives d'emploi ou, pour une entreprise, les "besoins de financement" et les "moyens techniques et humains" envisagés.

Selon des estimations de l'Unédic issues de la loi "Avenir professionnel", entre 17.000 et 30.000 personnes pourraient être concernées par cette mesure. Le coût annuel de cette mesure serait de 230 millions à 345 millions d'€ par an.

Quid de l'amortisseur social à l'aube d'une nouvelle crise financière ?

Alors que l'ensemble des économistes et des spécialistes confirment que nous sommes rentrés dans une période de turbulences fortes pouvant déboucher rapidement sur une nouvelle phase de crise financière aux dégâts beaucoup plus destructeurs que ceux de 2008-2009, La plupart des instituts ont revu à la baisse la croissance pour l'année prochaine, de même en France, avec un coup de frein anticipé du produit intérieur brut  (Il passerait de 1,3% à 1,2%), le rythme des créations d'emplois devraient en revanche fortement ralentir. Les organismes de conjoncture prévoient environ 75.000 créations d'emploi dans le privé l'année prochaine contre 250.000 en 2019. Nous sommes donc loin des propos mensongers de la ministre qui ose affirmer que nous connaîtrions une phase dynamique de l'emploi permettant aux chômeurs de retrouver facilement un emploi !

Alors que le chômage va s'amplifier encore en 2020 avec l'essoufflement de l'économie française, le rôle d'amortisseur social joué par l'assurance-chômage pour protéger les salariés sera de fait totalement anéanti avec l'application de cette réforme.

Où ira l'argent ?

Si, d'un point de vue statistique, la sortie de nombreux chômeurs des listes de Pôle emploi masquera la réalité du chômage, cela aura pour conséquence de gonfler les chiffres du "halo du chômage": les services de l'Insee estiment que 1,5 million de personnes souhaitent un emploi sans être considérées au chômage !

Nous risquons dans la période de déflagration qui vient de voir grossir terriblement le nombre de personnes sans emploi et non indemnisées du fait de cette réforme inhumaine. Ce la fera des économies chiffrées à 4 milliards d'ici 2021. Où ira cet argent ?

Le philosophie ultralibérale actuelle est que ces sommes économisées sur le dos des chômeurs viennent effacer l'allègement des cotisations sociales financées par les entreprises. En réalité, on paie le cadeau aux patrons de leur exonération de cotisations sociales, sur le dos des chômeurs.

C'est bien un nouveau coup porté à la solidarité nationale organisée et financée à partir des richesses créées par les salariés dans les entreprises. C'est le coût du capital qui augmente et qui va détruire un peu plus les bases de notre économie, de l'emploi et de l'activité.

Il faut donc stopper cette descente aux enfers, c'est tout le sens de la journée de mobilisations des organisations de chômeurs le 31 octobre et la saisie par la CGT du Conseil d'Etat.

 

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