Loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Analyse et propositions de la CGT
En quelques semaines seulement, la pandémie du « Covid-19 » s’est répandue à l'échelle mondiale. Chaque pays se pose aujourd’hui la question de la résilience de son système de santé. L'Italie sait que le sien est défaillant et la France le découvre. Ce ratage aujourd’hui dramatique est le résultat d'une politique appliquant depuis plusieurs décennies les logiques de concurrence du libéralisme économique.
Notre société doit faire face à des enjeux nouveaux à tous les niveaux : locaux, nationaux, continentaux et planétaire. Ils sont en constante évolution et concernent de multiples domaines avec des risques de plus en plus graves. Ils peuvent mettre en cause l'existence des organisations humaines sur la planète. Ils bouleversent les équilibres écologiques de la terre, sa diversité biologique et son environnement comme par exemple les gaz à effet de serre engendrés par les activités humaines qui provoquent le réchauffement climatique. Ils interrogent notre société de consommation au travers des pollutions et de la gestion des déchets produits. L'urbanisation et la politique des transports deviennent problématiques pour chacun d'entre nous, notamment les salariés pour conserver leur emploi.
Le rapport « Notre avenir à tous » de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement présidée par Mme Gro Harlem Brundtland, édité en 1987, proposait déjà une analyse et des solutions face aux enjeux énumérés précédemment. Il insistait entre autres sur le problème démographique qui devait en partie être résolu par des efforts tendant à « éliminer la pauvreté des masses », de façon à assurer un accès plus équitable aux ressources. Il préconisait une forte action éducative, visant à améliorer les capacités humaines pour gérer des ressources épuisables par nature. Plus de 30 ans après la parution de ce rapport, la pauvreté s'accroît à nouveau dans notre pays et globalement sur toute la planète.
Les nouvelles dimensions de ce constat accablant alerte la CGT. Elles sont tellement criantes que même le capital est alerté. Il tente de s'adapter aux mutations technologiques, au développement de l'expansion des individus, aux déséquilibres écologiques de la planète, en renforçant le degré d'exploitation de tout le salariat et le nombre des plus démunis.
La crise de civilisation que nous vivons, les évolutions rapides, les transformations inédites dans l'histoire humaine qu'elle génère, exigent une réflexion globale du salariat sur notre avenir. D'un côté, nos connaissances avancent avec des perspectives positives, si les travailleurs interviennent dans les choix stratégiques. Mais d’un autre côté, elles sont insuffisantes, car nous devons aussi faire face à la multiplication des défis.
Pour mieux maîtriser notre avenir, la recherche a donc un rôle fondamental à jouer en harmonie et en cohérence avec la production industrielle et les besoins et les désirs des individus. Quelle rôle et quelle place devons-nous donner à la recherche dans la société ?
La future loi de programmation pluriannuelle de la recherche envisagée par le gouvernement est l’occasion de mettre en lumière ce débat.
La CGT, face à cette problématique, est consciente de l'importance qu'ont et qu'auront ses orientations du point de vue de leurs objectifs et sur la forme de démocratie qu'elle met en oeuvre pour son élaboration.
La réponse du gouvernement se construit sur l'austérité et la duplicité
Le gouvernement affiche, dans ses déclarations, que la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) en préparation doit être une occasion exceptionnelle de faire du secteur recherche un axe réellement prioritaire et moteur.
Même si stricto sensu les partenaires sociaux ne disposent pas des termes exacts de la loi, les rapports des trois groupes de travail (GT1 : Le financement de la recherche ; GT2 : L’attractivité des emplois et des carrières scientifiques et GT3 : La recherche partenariale et l’innovation) mis en place par le gouvernement en guise de réflexion préalable, nous éclairent sur ses principales orientations.
Le constat, en préambule des rapports gouvernementaux, est alarmant et rejoint en partie celui de l'ensemble des organisations syndicales.
Depuis plusieurs dizaines d’années, la France ne consacre à sa recherche publique guère plus de 0,8 % de son PIB. En termes d’efforts de recherche, la France se situe en dessous de la moyenne européenne et des membres de l’OCDE. Le pays est très en retrait de ses engagements européens en la matière (3 % du PIB dont 1 % pour la recherche publique). Ainsi, aujourd’hui, les organismes publics de recherche sont de plus en plus confrontés à des budgets en baisse constante, à des restrictions notables d'effectifs et à la mise en place de financements de plus en plus orientés sur des projets de court terme ciblés et le plus souvent attachés au marché et à la mode du moment. Les organismes publics sont en grande difficulté et doivent se livrer à la course aux financements externes.
Malgré tout, si la recherche française est encore saluée, c’est sans conteste grâce à la qualité mondialement reconnue de ses chercheurs. Pourtant, depuis bien des années, ils subissent des déroulements de carrières laborieux, des niveaux de salaires très en dessous du niveau moyen des pays de l’OCDE, une précarité permanente. Par ailleurs, il est communément admis que la France peine à transformer ses avancées scientifiques en applications industrielles et économiques.
Pourtant, depuis les années 2000 de nombreuses interfaces ont été créées : SATT, CVT, IRT, pôles de compétitivités, instituts Carnot ... À part créer un foisonnement peu lisible et une superposition inutile aux dispositifs existants, ces sur-structures se sont révélées d’une efficacité très limitée. En parallèle, pour favoriser la recherche privée, les divers gouvernements n’ont pas lésiné sur les moyens financiers. Par exemple, le Crédit d’impôt recherche (CIR) est passé, en quelques années, de quelques centaines de M € à plusieurs Mds € (6,5 Mds € actuellement). Aujourd’hui, les aides publiques pour la recherche privée avoisinent les 10 Mds €, soit près de 0,5 % du PIB, pour une efficacité très médiocre, puisque les dépenses de recherche « en propre » des entreprises stagnent. Le niveau de la recherche du secteur privé est bien en dessous de ce qu’il faudrait : à peine 1,4 % du PIB (aides publiques comprises), loin des 2 % pour entrer dans les critères européens.
Si les auteurs des trois rapports des GT gouvernementaux sur la LPPR font, en grande partie, le même constat déplorable que celui que nous pouvons faire, de nombreuses solutions avancées pour sortir la recherche française de ce marasme ne sont pas acceptables.
Par exemple, sur le volet financement, abordé par le GT1, la fourchette d’augmentation budgétaire annuelle proposée se situe entre 2 Mds € et 3,6 Mds €. Il est clair pour la CGT qu’il y a urgence d’un choc d’investissement. Si l’on considère réellement la recherche comme une priorité nationale et que l’on veut rattraper le retard pris, il est nécessaire d’atteindre, dès la première année de mise en oeuvre de la loi, le seuil des 1 % du PIB (~+5 Mds €) consacrés à la recherche publique et de les dépasser clairement au cours des années suivantes.
Quant aux mesures de renforcement des crédits de base des laboratoires, il est totalement inadapté du fait de l’accroissement des financements de base de ces laboratoires qui continuent à dépendre, en grande partie, de leur capacité à décrocher des appels à projets ou des contrats externes.
Mais en pleine crise sanitaire et en marge d’une visite à l’institut Pasteur, les annonces d’Emmanuel Macron faites le 19 mars indiquent que le gouvernement ne prend pas le chemin du changement pour l’investissement dans la recherche : alors que depuis plus de 20 ans l’objectif de 1 % du PIB consacré à la recherche publique est affiché et proclamé sans être atteint, il annonce que celui-ci est renvoyé à l’horizon 2030 ! Et il ne remet pas en question le financement par appel à projet si nuisible à l’activité scientifique. Quant à l’atteinte des 2% du PIB pour la R&D, aucune annonce !
En ce qui concerne l’attractivité des emplois et des carrières traitée par le GT2, la CGT considère que la proposition de stabiliser les emplois statutaires dans le secteur de la recherche est très insuffisante après des années de dégradation. C’est en dizaine de milliers d’emplois supplémentaires qu’il faut raisonner si l’on veut réparer les dégâts produits par les contraintes budgétaires des années précédentes.
Mais, le plus scandaleux est très certainement la suggestion de recourir à des contrats de projets, aussi appelés CDI de chantier, ajustés sur la durée des projets. Pour la CGT, ce type de contrat est inacceptable, car il impose la précarité en normalité et met entre les mains de la hiérarchie un outil puissant de pression sur les salariés.
Quant à toutes les autres dispositions envisagées pour la jeune génération (allongement du contrat doctoral, création de « chaires d’excellence » junior, contrat « jeunes chercheurs »,…), elles ne sont rien de plus que la précarité proposée en guise d’attractivité pour la jeunesse. Toutes ces dispositions ne vont clairement pas dans le sens d’une embauche au plus près de la thèse préconisée par notre organisation syndicale.
La création de « chaires d’excellence » junior (« tenure track ») est en revanche un dispositif dérogatoire aux règles qui président jusqu’ici à l’entrée dans le corps des professeurs par la voie de l’habilitation. Il s’agit de réserver des postes de professeurs pour des jeunes chercheurs en contrat pendant 5 à 7 ans, à qui l’on aura imposé de se montrer habiles à répondre aux appels d’offres les plus prestigieux, et que l’on privera du temps de mûrir leur recherche dans le cadre de l’habilitation, avant d’encadrer à leur tour des thèses en tant que professeurs.
Quant aux rémunérations, les auteurs du rapport du GT2 ont été contraints de reconnaître que le faible niveau des salaires du secteur de la recherche publique est indigne au regard du haut niveau de qualification des salariés du secteur et plus particulièrement des chercheurs.
S’ils proposent une revalorisation des rémunérations, c’est seulement sous forme indemnitaire. Cette proposition, qui n’est pas à décorréler du débat sur le niveau de la retraite des fonctionnaires, est inacceptable. Il va instaurer un système de pilotage par la récompense et conduire à de fortes inégalités tant au point de vue de la carrière qu’au point de vue de la retraite, sans rehausser le salaire de base.
Pour la CGT il est plus qu’urgent, dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche, d’investir dans l’humain et sur le long terme. Il est plus que temps de recruter massivement sur des emplois statutaires, de résorber la précarité, d’améliorer les conditions d’embauche des jeunes diplômés et d’optimiser les déroulements de carrière afin qu’ils soient à la hauteur des qualifications de haut niveau des salariés du secteur. Il faut rémunérer les salariés au juste prix et non au prix le plus juste.
Concernant la recherche partenariale, tant sur le plan des interfaces que sur celui des aides publiques à la recherche privée, le rapport du GT3 ne remet en cause aucun des dispositifs, malgré un constat d’inefficacité. L’orientation proposée consiste plutôt à renforcer certains de ces dispositifs, en les faisant évoluer légèrement, quand il n'est pas possible de faire autrement.
En résumé, la LPPR est un projet de loi qui reconnaît le résultat accablant constaté aujourd'hui dans la recherche, mais n'engage aucune proposition qui pourrait remettre en cause la logique enracinée dans les lois du marché capitaliste qui a produit ce résultat.
Nous sommes devant une double attitude, deux rôles contradictoires qui sont le fond du contenu de la LPPR et révèlent les pratiques du gouvernement. Ce fond qui loue en face et déchire en secret : la duplicité.
La réponse de la CGT, en s'appuyant sur une démocratie participative ouverte sur l'extérieur et proche du terrain, élabore et propose des objectifs à la hauteur des enjeux de la recherche
La réponse de la CGT comporte deux volets inséparables.
Premièrement identifier à qui doit revenir la définition du rôle et de la place de la recherche pour construire notre avenir.
Consécutivement au large mouvement contre la retraite à points, la communauté universitaire (personnels et étudiants) s’est massivement mobilisée sur un objectif : « l’université et la recherche s’arrêtent à compter du 5 mars ». Le 5 mars dernier, 25 000 manifestants à Paris, plusieurs dizaines de milliers dans les régions. Des assemblées générales ont été tenues depuis des semaines, partout des cours ont été annulés, ou banalisés pour débattre de la réforme gouvernementale : le projet de Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR).
Cette mobilisation récente est exceptionnelle et montre un changement qualitatif de la capacité d'intervention du monde de la recherche. C'est dans ce monde que se trouvent les aptitudes de toute nature qualifiées pour définir le rôle et la place de la recherche qui doit construire un avenir crédible, ouvrant un espoir pour l'ensemble du pays et du salariat.
Après le succès incontestable de la mobilisation partie des services, UFR & labos, s'est tenue également avec succès la coordination des Facs et Labos en Lutte à Nanterre. Ainsi, plus de 500 participantes et participants représentant 10 000 membres de la Faculté de Nanterre sont intervenu.es pour débattre avec des agent.es du site.
Depuis le confinement, un temps d’arrêt de la mobilisation s’est installé, mais il n’entamera pas la détermination d’une communauté scientifique en attente exigeante d’un changement d’orientation de la politique de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans le secteur de la recherche en rapport avec le développement de la science et des technologies, les salariés représentent la plus grande richesse et le plus grand potentiel de développement qui est à la source de l'innovation. Leur valeur est reconnue dans le monde entier. Ils sont les plus qualifiés culturellement, scientifiquement et technologiquement pour définir le rôle et la place de la recherche, pour aider l’ensemble du salariat à construire l’avenir, valoriser le travail et redonner du sens à son évolution. L’avis des salariés doit compter.
L'autre volet inséparable du premier analysé ci-dessus, doit définir quels enjeux de recherche sont déterminants pour construire un avenir crédible. Pour la CGT, les organismes nationaux de recherche doivent retrouver leurs capacités à mettre en oeuvre une politique scientifique de long terme. Pour préserver leur potentiel, il faut accroître notablement leurs effectifs, sortir de la précarité et reconnaître, donc payer la qualification des personnels. Les financements récurrents de ces organismes, versés via la subvention pour charge de service public, doivent être augmentés significativement et indépendamment de la capacité de leurs laboratoires à décrocher des Appels à (AAP) ou des financements externes.
Pour préserver leur indépendance tous leurs personnels doivent bénéficier d’un statut stable à long terme leur garantissant la liberté académique (fonctionnaires, CDI sous convention de travail spécifique). Toutefois, face à différents enjeux nationaux, continentaux et planétaire en rapport avec la recherche, ces orientations parfaitement justifiées ne sont plus aujourd'hui suffisantes pour atteindre une crédibilité reconnue par le plus grand nombre de travailleurs.
De nombreux besoins essentiels des êtres humains ne peuvent être satisfaits que par des biens et des services fournis par l'industrie. Mais compte tenu des contraintes importantes analysées précédemment, l'industrie doit aujourd'hui produire plus avec moins.
Le système d’interface pour la recherche partenariale publique-privée est donc, pour la CGT, un maillon essentiel du transfert des résultats de la recherche publique vers l'aval industriel, c'est-à-dire le secteur privé.
Pour créer les conditions de transferts profitables au secteur public comme aux entreprises, la CGT préconise que les pouvoirs publics arrêtent de s’entêter à faire perdurer des dispositifs d’interface qui accaparent bon nombre de financements publics et restent d’une efficacité très limitée. Par ailleurs, elle demande que la colonne vertébrale des dispositifs d'interface et l'essentiel des moyens publics passent par les grands organismes publics de recherche et d’enseignement supérieur.
En effet, les EPIC, tels que le CEA, le CNES, le CIRAD, l’IFREMER, le BRGM …, dédiés au développement des recherches dans des domaines spécifiques, ont, depuis leur création, démontré largement leur efficacité pour doter le pays et ses entreprises des connaissances et des technologies nécessaires et répondre aux besoins sociaux et économiques.
En outre, les établissements publics plus académiques du type université, CNRS, INRIA, INSERM... disposent, eux aussi, de tout un arsenal qui permet de donner un cadre juridique satisfaisant aux collaborations public-privé en préservant, voire en développant notre système de solidarité et de protection sociale.
Face à l’efficacité très limitée de certains dispositifs et notamment du Crédit d’impôt recherche, la CGT propose par ailleurs que soit refondé tout le système d’aides publiques à la recherche privée. Cette transformation suppose l’ouverture de discussions entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Celles-ci devraient porter sur l'efficacité des modalités d'aides actuels, sur les leviers de financements - qui ne peuvent de toute évidence e limiter à des dispositifs fiscaux-, sur la définition de critères d’attribution liés aux politiques des entreprises en termes d’accroissement de l’investissement en R&D et de recrutements de docteurs, ainsi que sur les modalités de contrôle a priori et a posteriori permettant l'évaluation de ces critères. Ce qui suppose des droits d’intervention et des pouvoirs réels des salariés sur la définition des les stratégies et les choix à opérer dans l’entreprise.
Par ailleurs, la R&D, tout comme l’innovation, est aussi une affaire d’investissement, d’échange de mutualisation et d’accès à un front de connaissances dans un large spectre disciplinaire. La CGT recommande donc de pousser fermement les entreprises à investir un pourcentage non négligeable (a minima 3 % serait cohérent) de leur chiffre d'affaires dans la recherche. Elle propose également qu’une partie de ces moyens aille alimenter un fonds public dont l'objectif serait d’assurer une R&D mutualisée à moyen et long termes pour faire progresser le front des connaissances tant sur le plan scientifique que technologique.
Le caractère mondial des grandes infrastructures de recherches (TGIR) les impose comme des outils indispensables au développement de la recherche, académique ou appliquée. Pourtant, elles ne sont pas épargnées par les contraintes budgétaires qui sévissent dans le secteur de la recherche (développement en deçà des objectifs prévus, fonctionnement dégradé, jouvence retardée ou abandonnée …). C'est pourquoi la CGT soutient leur développement en demandant d’une part, les financements nécessaires pour couvrir chacune des installations depuis leur création à leur fin de vie, en passant par leur démantèlement et d’autre part, que soit alloué, dans les crédits de base des organismes en responsabilité, le financement nécessaire au fonctionnement et à l’adaptation de chacune des infrastructures.
Cette orientation de la CGT l'amène à considérer que la coopération tous azimuts à tous les niveaux est un concept qui est à la base du développement de la recherche. C’est diamétralement opposé au concept de concurrence qu’exigent les lois du marché et que veulent continuer d’imposer les orientations gouvernementales à notre pays.
Bien d’autres sujets importants liés au secteur de la recherche ont été abordés dans les trois rapports préliminaires sur la LPPR comme par exemple, la création d’un Conseil stratégique recherche et innovation, l’évaluation et le rôle du Haut Conseil d'Évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, le rôle du doctorat, la science ouverte, les relations science et société ... Sur l’ensemble de ces sujets, la CGT s’est aussi exprimée et a formulé un certain nombre de propositions.
Les enjeux sont tels que la CGT ne limite pas son expression aux seuls aspects structurels et organisationnels de la recherche. Elle entend créer les conditions d’une expression plus large des salariés et des citoyens sur les stratégies à mettre en oeuvre sur le long terme pour répondre aux enjeux et défis du futur et définir les choix scientifiques et technologiques.
De ce point de vue, le changement climatique et la stratégie à définir pour réussir à limiter l'augmentation de la température moyenne de la terre à 1,5°C est représentative des grandes questions à gérer dans l'intérêt général des peuples de la planète. Sur cet aspect, un débat ouvert et large, notamment sur les questions du mix énergétique, de la sécurité, de l'indépendance, est primordial.
De même, aujourd’hui, nous assistons à de spectaculaires avancées scientifiques et techniques en matière d'intelligence artificielle. Elles transforment les sciences et permettent aux ordinateurs et robots, avec l'utilisation d'algorithmes, d'être capables d'apprendre et même de prendre des décisions … mais sans conscience individuelle !
Tandis que la recherche avance rapidement pour surmonter les difficultés techniques de l'IA, elle piétine pour ce qui concerne les aspects éthiques (la transformation du travail, la vie privée, la connaissance, la démocratie et le sens des responsabilités …). Cette conception volontariste de l'IA, inspirée par le patronat et le gouvernement autour des revendications du Medef, est marquée par la vision court termiste du profit, et ne manque pas d'inquiéter.
Bien d’autres secteurs sont aussi à considérer (santé, biodiversité et environnement, politique industrielle et agricole, évolution de la société et des modes de vie, transports, urbanisme …).
Les choix stratégiques de développement retenus déterminent le contenu de la recherche et de l'aval industriel. L'emploi, la formation, le contenu du travail de centaines de milliers d'individus sont en cause. La CGT ne saurait rester à l'écart quand de tels enjeux dépendent des choix qui vont être faits.
Note du collectif confédéral Recherche - La LPPR : analyse et propositions de la CGT - Le 7 avril 2020