Plus de 20 000 manifestants à la mémoire d'Adama Traoré ébranle la classe politique

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Plus de 20 000 manifestants à la mémoire d'Adama Traoré ébranle la classe politique

Ils ont bravé l’état d’urgence et l'interdiction de manifester. Ils étaient entre 20 000 et 40 000 personnes, mardi, devant le tribunal de grande instance de Paris. Relayé par les réseaux sociaux, cet emballement essaime. Le même jour, on dénombre 2 500 manifestants à Lille, autant à Lyon, 1 800 à Marseille, un millier à Nantes mais aussi à Tours

Cela ne passe pas inaperçu au plus haut niveau, pourtant c'est le silence. L’appel lancé par le collectif Justice pour Adama, du nom de ce jeune homme mort dans le Val-d’Oise en juillet 2016 à la suite d’une interpellation policière, a véritablement enclenché la machine.

Entraînant l’indignation dans le monde entier, la mort de George Floyd, un Africain-Américain asphyxié par un policier blanc à Minneapolis le 25 mai, a trouvé une résonance bien au-delà des frontières américaines, jusqu’en France où, depuis le début de cette semaine, les manifestations contre les violences policières se multiplient.

Lundi, à Bordeaux, un rassemblement « Justice pour Floyd » était organisé pour dénoncer les violences racistes et l'on annonce ce week-end des manifestations dans plusieurs villes de France.

Au lendemain de cette mobilisation d’ampleur inattendue qui a laissé sans voix l’Elysée et Matignon refusant tout commentaire officiel. Alors que le rassemblement, organisé à l’appel du Comité Adama, s’était déroulé dans le calme Castaner n'a eu pour seul mot que la condamnation des «débordements» et rappelé "que les rassemblements de voie publique sont interdits". La droite et l’extrême droite quant à elles ont jugé ahurissant le fait qu’un tel rassemblement ait pu se tenir ! Rien de surprenant de leur part, elles n'aiment que les libertés pour le capital et très peu pur les salariés et les citoyens.

Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a surpris son monde en saluant un rassemblement «incroyable» qu’il a dit «comprendre». Le secrétaire d’Etat à la jeunesse, Gabriel Attal, a aussi commenté : "On ne peut laisser penser que notre police n’est pas républicaine. Mais on peut tourner les choses dans tous les sens, le fait qu’il y ait 15 000 jeunes dans cette manifestation et que l’écrasante majorité soit non violente dit quelque chose du rapport d’une partie de la jeunesse à la police et du sentiment qu’elle a de ne pas être protégée. Il ne faut pas fermer les yeux là-dessus"
 
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, «souhaite que la justice passe», et met en garde contre «une forme de dérive qui laisserait penser que la police en France est raciste et est de manière systémique l’otage d’idéologies qui seraient fascistes». Gérard Larcher, a ajouté, que «dans un Etat de droit, la justice est rendue par les juges, ni par les réseaux sociaux ni par la rue». Et Bruno Retailleau a enfoncé le clou : «Ce qui est aussi inacceptable, [c’est de vouloir] établir un lien entre ce qui s’est passé aux Etats-Unis et ce qui, soi-disant, se serait passé, il y a quatre ans, ici en France.» Où comment zapper tout débat français.

Pour Assa Traore, la sœur d’Adama Traore, la manifestation du 2 juin marque un tournant dans la lutte menée depuis plusieurs années contre les violences policières. Des violences qui sont d’ailleurs revenues au cœur du débat après deux mois de confinement marqués par des tensions entre la police et la population des quartiers populaires.

« Pour la première fois, ceux qui pensaient ne pas avoir de voix ont compris qu’ils en avaient une et qu’elle comptait, témoigne la jeune femme, dans les colonnes du Monde. On ne va pas s’arrêter là, il y aura d’autres événements, c’est inévitable. »

En effet, les appels à manifester partout en France se poursuivent, à Clermont-Ferrand et Strasbourg, ce vendredi, mais aussi à Marseille, Lyon ou encore Nice, ce week-end.

Dans ce contexte, le gouvernement tente de jouer la carte de l’apaisement. Le lendemain de la manifestation parisienne, lors des questions au gouvernement au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a appelé à ce que « chaque faute » commise par un policier, « chaque mot, y compris des expressions racistes, fasse l’objet d’une enquête (…), d’une sanction ».

La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a également fait acte de contrition, jugeant ainsi que « la mort d’Adama Traore a été un drame qui a suscité une émotion légitime », ajoutant qu’il fallait être  « dans l’apaisement, savoir raison garder ». Pas sûr que cela suffise à apaiser les militants qui dénoncent les discriminations.

Quant aux communistes, ils se placent clairement du côté de la liberté de manifester et de la défense de toutes les libertés individuelles et collectives et se réjouissent que des milliers de jeunes se soient levés mardi pour exiger que cessent les ­contrôles incessants, les violences policières, l’injustice permanente et l'impunition.

Mais cela doit alerter au moment où le gouvernement est en difficulté pour faire passer ses choix, il ne semble avoir comme réponse que l'autoritarisme encouragé par la droite et l'extrême droite. La réponse doit venir des citoyens par des mobilisations qui portent des choix en rupture avec la logique actuelle dont celui de la démocratie toujours plus poussée à tous les niveaux de l'entreprise jusqu'au plus haut niveau de nos institutions.

La manifestation de mardi et la formidable mobilisation de la jeunesse nous ouvre la voie !

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