Classement de Shanghai des universités, attention à l'arbre qui cache la forêt !

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Université de Saclay sur le modèle américain

Université de Saclay sur le modèle américain

Harvard (US) est en tête pour la 18ème année consécutive. Les universités américaines continuent de dominer le classement de Shanghai, publié le 14 août. Quatre établissements français font leur apparition dans le top 100.

Premier établissement qui ne soit pas anglo-saxon, est
Université Paris-Saclay (14ème place). Il fait donc son apparition dans le top 100 tout comme Université PSL (Paris sciences & lettres), (36ème), l' Université de Paris (65ème) et Grenoble Alpes (99ème). La Sorbonne Université gagne quelques places et se hisse au 39ème rang.

Aussitôt Emmanuel Macron a sauté sur ce classement pour se féliciter en ces termes : "La qualité de notre enseignement supérieur et de notre recherche est enfin reconnue internationalement à son vrai niveau" dans un message publié sur Linkedin et Twitter. La guerre idéologique impose pour Macron de valoriser Saclay conçue et construite sur le modèle américain. Merci Shangai !

Rappeler cela n'enlève rien au mérite des chercheurs et des professeurs de Paris-Saclay première université d’Europe continentale. Nous les félicitons, en premier lieu les organismes de recherche, d’enseignement, d’innovation qui se trouvent récompensés et reconnus pour leur grande qualité et leur investissement constant.

Ce qui est très discutable c'est l'expression de Macron, son "vrai niveau". Il aurait mieux valu dire "à son niveau", le vrai sous-entendant que le classement de Shanghai ne serait pas crédible et abaisserait systématiquement le classement des universités françaises. Ce qui n'est pas trop gentil ni très diplomatique mais pas surprenant venant de celui qui l'exprime.

Nous rappelons que le classement de Shanghai prend en compte six critères,
1 ALU : nombre d'anciens élèves ayant reçu un prix Nobel (sauf Paix et Littérature) ou une médaille Fields, 2 STA : nombre de professeurs de l'institution ayant reçu un prix Nobel ou une médaille Fields, 3 HiCi : nombre de chercheurs les plus cités tel que calculé par Thomson Scientific, 4 N&S : nombre d'articles publiés dans les revues Nature et Science, 5 PUB : nombre d'articles indexés par Thomson Scientific, 6 PROD : score total des cinq premiers indicateurs divisé par la taille du corps professoral (équivalent temps plein).

L'analyse proposée dans [Billaut et al, 2009] montre que ce classement présente de grandes faiblesses. " Un défaut important vient du fait que le problème est mal posé. Plus précisément, ce classement apporte une réponse à un problème qui n'a jamais été posé par qui que ce soit. s lors, tout est sujet à questionnement et pour commencer, que cherche-t-on à évaluer ? pour qui ? dans quel but ? Quelle est la définition d'une université, c’est-à-dire, quels sont les objets évalués par le classement ? La réponse n’est pas toujours simple."

Par exemple, en France, se côtoient des universités publiques, des grandes écoles et des instituts de recherche. Ces institutions ne fonctionnent pas de la même façon, elles n'ont pas les mêmes objectifs et ne sont pas soumises aux même contraintes en termes de budget ou de gouvernance. Ce qui doit, dans un tel cadre, compter comme une « institution universitaire », n’est pas évident. Cela a, par exemple, conduit les auteurs du classement à admettre de 2003 à 2005 que le Collège de France était une institution universitaire. Mais le Collège de France n’a aucun étudiant et ne délivre aucun diplôme..!

"À quel public ce classement est-il destiné ? Est-ce aux étudiants pour les aider dans leur mobilité ? Est-ce aux recruteurs de cadres de haut niveau ? Est-ce aux présidents d'université, pour les aider à identifier leurs forces et leurs faiblesses ou encore pour les aider à attirer les meilleurs chercheurs ? Est-ce aux décideurs politiques pour juger de l’efficacité d’un système d’enseignement supérieur ? La manière de concevoir un classement doit dépendre du public et des usages visés. Un classement « généraliste » destinés à tous et pour tous types d’usages n’a pas de sens."

Ainsi le classement de Shangai ne doit donc pas être l'arbre qui cache la forêt. Une des données simples qui n'est pas traitée dans les critères de Shangai et qui fait souvent la différence, est le niveau des rémunérations des professeurs universitaires qui reconnait qualification, disponibilité, abnégation et apport à la recherche scientifique et universitaire. En général la rémunération est à la fois un outil de l'attractivité des chercheurs par les universités (les meilleurs vont où l'offre est la plus élevée quand ils trouvent un emploi) et un moyen de les garder dans les universités dites de prestige.

Ainsi, s'il y avait un classement des universités en fonction de la rémunération des chercheurs et des professeurs universitaires, la France serait mal classée, c'est donc l'envers du décor comme le précisait un internaute en commentant ce classement 2020 et la remarque de Macron, en livrant la comparaison des niveaux de rémunérations selon les universités.

Niveau des rémunérations des professeurs d'université :

1) Busan/Mooc Maroc : 100k $ /mois

2) Dubai: 12k $ /mois

3) Arabie Saoudite: 10k $ /mois

4) Princeton/Yiel/Harvard : 9k $ / mois

5) Columbia : 8k $ / mois

6) Gronigen 6.5k $/ mois

7) Berlin 5k $/ mois

8) Pekin/ Mooc : 4k $ / mois

9) Busan 3.8k $ /mois

10) Abidjan 2k $/ mois

11) France 2k $/ mois

On peut comprendre alors pourquoi les universités françaises sont mal reconnues par le classement de Shanghai. On peut remercier Emmanuel Macron de ses félicitations, mais les professeurs comme tout être humain ne se nourrissent pas de félicitations. Pour bien manger, mieux vivre et mieux travailler, ils ont besoin d'un meilleur salaire qui est à la fois la seule reconnaissance qui vaille et le moyen pour eux de continuer à vivre et travailler au pays !

Il y a là un choix politique majeur à faire en donnant les moyens matériels et financiers à nos services publics alors qu'ils sont actuellement et depuis quelques dizaines d'années soumis à une austérité insupportable et notamment l'éducation nationale, la recherche et les universités et ce n'est surtout pas en les privatisant que l'on progressera.

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