Veolia - Engie - Suez ou le monopoly financier risque d'être terrible pour la gestion de l'eau, de l'énergie, de l'environnement et de l'emploi.
Après beaucoup d’atermoiements, de chantages, de pressions médiatiques le capitalisme vient de marquer un nouveau point dans sa volonté de sur-accumuler ses moyens de domination dans le domaine de l'eau et de l'environnement, avec l'accord du conseil d'administration d'Engie de vendre à Véolia les 29.9% de parts qu'il détient dans Suez pour la somme de 3.4 milliards d'euros.
L’État – actionnaire d’Engie à hauteur de 22% – jusqu'à hier au soir s’y opposait et Suez juge cette opération “hostile”. Ayons en tête que les 3.4 milliards mis sur la table par Veolia sont de la disponibilité accumulée par l'exploitation des salariés Veolia et de multiples actions financières.
Le conseil d’administration d’Engie indique avoir “pris acte des engagements pris par Veolia et notamment celui inconditionnel de ne pas déposer d'offre publique d’achat hostile.
Veolia grand rival de Suez, a “confirmé son intention d’acquérir le contrôle” de Suez, précisant toutefois que “cette offre ne sera pas lancée sans un accueil favorable du conseil d’administration de Suez” et indique vouloir reprendre les discussions dès mardi 6 octobre.
Le danger devient alors plus grand de voir un groupe géant privé faire main basse sur la gestion de l'eau qui est pourtant un bien commun des peuples du monde. Mais le capitalisme n'en a cure pour vu que ça rapporte !
Et il y a l'autre face, pourquoi Engie accepte -t-il une telle vente de ses parts alors que l'Etat n'y serait pas favorable, bien que Le Maire, ministre de l'économie ait souhaité un accord à l'amiable (sic) et que Suez maintenait son opposition à une concentration qu'il juge hostile. Le CA regrette la précipitation du conseil d’Engie de vouloir décider sans analyse et sans discussion et dialogue préalables d’une offre alternative qui préserve l’intérêt social de Suez
, ajoutait-il, confirmant qu’il mettra en œuvre tous les moyens à sa disposition pour éviter une prise de contrôle rampante ou un contrôle de fait
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La position de la direction de Suez est appuyée par les représentants syndicaux du groupe. Arbitre de la partie, l’État, et ses trois administrateurs (sur 13) à la table du conseil d’administration d’Engie, ont voté contre.
En fait la restructuration en cours dans le groupe Engie dépasse largement le dossier politico-financier des deux géants de l’eau et de l’assainissement. L’énergéticien veut se défaire des deux tiers de ses activités. 80 000 emplois sont concernés selon la CGT.
Mais si la saga financière qui oppose Veolia et Suez fait la une médiatique, la stratégie d’Engie, qui a lancé les hostilités en mettant en vente 29,9 % des 32 % de parts qu’elle détient chez Suez, elle, demeure dans l’ombre. Pourtant, au-delà de cette opération capitalistique, ce sont deux tiers de ses activités que l’énergéticien abandonnerait – évalués à quelque 13 milliards d’euros – pour se recentrer sur ses activités gaz et énergies renouvelables.
Un « revirement complet de la stratégie du groupe qui est intervenu fin juillet et qui va faire beaucoup de tort aux salariés de l’entreprise et à ceux de ses prestataires », insiste Frédéric Ben, responsable fédéral du secteur gazier à la CGT qui estime à 80 000 le nombre de postes que les plans de la direction menacent et ce, « dès le premier trimestre 2021 ». Dans le viseur d’Engie, les activités services et solutions sur lesquelles pourtant l’ancienne directrice générale – débarquée en février – avait misé pour assurer l’avenir du groupe. Il s’agit d’un démontage en règle de l’ancienne stratégie. Si bien que « certains managers, même très haut placés dans l’entreprise, n’y comprennent plus rien ».
Pascal Boin, secrétaire CGT du CSE central d’Ineo (filiale d’Engie qui opère dans les domaines du génie électrique, des systèmes d’information et de communication, de la cybersécurité, de la vidéosurveillance et qui emploie 15 500 salariés), confirme l'analyse. Il dénonce une stratégie brouillée « où les clients ne comprennent plus grand-chose et les salariés plus rien du tout ». « Du temps d’Isabelle Kocher, nous étions au centre de la stratégie de groupe, avec les entreprises comme Cofely (efficacité énergétique et environnementale – NDLR), Axima (réfrigération et climatisation – NDLR) et Endel (maintenance industrielle – NDLR), toutes sous la houlette d’Engie Solutions qui chapeautait nos activités et permettait d’offrir de la lisibilité aux clients », détaille le syndicaliste.
Engie Solutions, depuis sa création le 1er janvier 2020, gère donc près de 20 milliards d’euros d’actifs et « Clamadieu a décidé d’exploser tout ça ».
Ballottés de stratégie en stratégie, les salariés « n’ont plus aucun sentiment d’appartenance à la maison mère Engie, pour eux, ça ne veut rien dire », poursuit Pascal Boin. Aujourd’hui, alors que la direction d’Engie a clairement mis une épée de Damoclès sur Ineo et les autres entreprises du groupe rattachées aux activités services et solutions, « la bonne question c’est : qu’est-ce qui va advenir de nos entreprises ? » reprend le syndicaliste.
Cession ou pas, à cette question, « ni le comité de groupe européen ni les instances en France ne nous ont apporté de réponse. On sait que la direction veut, à terme, “détacher” ce pôle d’Engie. Mais on ne sait pas ce que cela veut dire concrètement ». La direction, de son côté, a promis d’éclairer ses positions fin octobre.
Si le plan Clamadieu (président d’Engie) semble pour l’heure protéger les activités gazières, la CGT redoute que ce ne soit que temporaire.
« On craint qu’Engie tire au fusil à deux coups, poursuit Frédéric Ben, d’abord ils lâchent les services et les solutions et, ensuite, ils démantèlent le reste, y compris les infrastructures gaz. »
Pour la CGT, les raisons de cette grande braderie sont simples : Engie veut dégager du cash pour développer ses activités rentables dans les énergies renouvelables et pour augmenter les dividendes versés à ses actionnaires, parmi lesquels l’État.
Au fond il y a un point commun entre Engie et l’État : ils ont tous les deux besoin de pognon.
Sources l'Humanité et CGT