Un pays qui se tient sage et des journalistes réduits au silence...
Alors que doit sortir dans les salles le premier film documentaire du journaliste David Dufresne « Un pays qui se tient sage » le 30 septembre, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) a décidé d’engager un recours devant le Conseil d’État à l’encontre du « nouveau schéma du maintien de l’ordre » concocté par Darmanin.
Elle considère que ce schéma porte atteinte à la liberté de la presse, d’observation, la liberté individuelle et à la liberté de manifester. Les deux événements quoique distincts, sont évidemment intimement liés car le film pose avec intelligence et sans manichéisme la question de la légitimité des violences policières ou de la violence d'État. Il repose sur un patient travail journalistique de recensement des images captées lors des manifestations des Gilets jaunes.
Ces images tournées à bout de bras par des manifestants avec leurs téléphones portables ou par des journalistes reporters d'images, sont de véritables cailloux dans les brodequins de l'exécutif, car ils témoignent de la disproportion, de l'illégitimité, de la gratuité des violences perpétrées au nom de la loi contre une population qui manifeste et exerce son droit de manifester.
Brutalités illégitimes couvertes par une langue de bois, par un déni massif et constant, par des mensonges et un déferlement de communication de l'exécutif, de la hiérarchie et hélas aussi des syndicats de police.
La difficulté, voire l'impossibilité ou les entraves, les risques judiciaires, les blessures que supportent les journalistes qui couvrent les manifestations sociales depuis des années (sur ce plan-là, les années Valls ont été inoubliables) sont une atteinte inacceptable à la liberté de la presse, la démocratie.
Les journalistes pourront-ils continuer de couvrir les manifestations sans être inquiétés par les forces de l'ordre ? Pas si la nouvelle doctrine du maintien de l'ordre pondue par Darmanin entre en vigueur. Devant la protestation de quelque 40 sociétés de journalistes et des syndicats de la profession, le ministre de l'Intérieur plaide le « malentendu », sans rassurer.
« Il faut que les journalistes puissent faire leur métier, y compris dans les manifestations », a affirmé ce week-end le secrétaire général de la CGT. « On a bien vu depuis un certain temps qu'il y a des faits inadmissibles dans des manifestations, notamment de la part des policiers. On ne fait pas une fixation sur la police. Il faut que les actions et les interventions soient encadrées, et il y a besoin de témoins neutres, ce que sont les journalistes. »
Avec cette doctrine on franchit un cap dangereux. On veut exiger des journalistes qu'ils demandent la permission de travailler en s'accréditant.
Plus grotesque encore, Darmanin propose des « exercices conjoints » entre forces de police et journalistes pour que les uns et les autres se comprennent. On est là dans du journalisme « embeded » comme aux grandes heures de la guerre du Koweït.
Journalistes blessés, molestés, arrêtés et écartés des cortèges, matériel de protection confisqué, sont le triste pendant des lanceurs d'alerte toujours pas protégés.
La macronie veut faire des affaires sans témoins, sans contestation et la France risque de continuer de dégringoler dans le classement international des atteintes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
Par FD, journaliste engagé et militant Ugict-CGT
Article publié sur Médiapart