Chauffage : L’effacement diffus, la clé pour soulager le réseau électrique cet hiver ? Une fausse bonne idée.

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Chauffage : L’effacement diffus, la clé pour soulager le réseau électrique cet hiver ? Une fausse bonne idée.

Accepteriez-vous qu’on coupe vos radiateurs électriques dix minutes, et ceci plusieurs fois par jour, pour éviter les tensions sur le réseau électrique ? C’est ce qu’on appelle l’effacement diffus, un levier qui pourrait être utile pour cet hiver et ceux à venir !

Le réseau électrique français pourrait être sujet à de fortes tensions cet hiver. Plus encore que des années passées en raison du décalage de certains les travaux de maintenance des centrales nucléaires et de la fermeture de la centrale de Fessenheim.

RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a plusieurs leviers à actionner pour éviter le black-out. Augmenter la production d’électricité et réduire la consommation.

L’effacement diffus entre dans cette deuxième catégorie. Le principe : un boîtier est installé au domicile du citoyen et permet à un agrégateur de couper vos radiateurs électriques sur de courtes périodes, quand RTE le demande.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) a toute une série d’éco-gestes à conseiller pour réduire nos consommations d’énergie, et ainsi éviter les tensions sur le réseau électrique, fréquentes en hiver.

L’effacement diffus, c’est autre chose. Le principe est d’éteindre les radiateurs électriques, et potentiellement d’autres équipements électriques dans un foyer, pendant un laps de temps court, et sans que les habitants n’aient à s’en occuper !!

Ce sont des agrégateurs d’effacement qui pilotent ces coupures à distances, lorsque RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, le demande pour éviter un pic de consommation. « Concrètement, cela implique l’installation d’un boîtier raccordé au tableau électrique de votre habitation et à tous les radiateurs électriques et équipements que l’on veut piloter », explique Mathieu Bineau, directeur général de Voltalis, plus gros opérateur d’effacement diffus en France.

L’effacement diffus marche sur la base du volontariat jusqu'à présent, mais pour combien de temps encore. « Et le confort du particulier reste toujours le premier critère pris en compte, assure Julien Tchernia, président d’ekWateur, fournisseur d’énergie verte. On ne coupe jamais le four ou la télévision, mais uniquement les radiateurs électriques et les chauffe-eau, et sur une durée suffisamment courte pour que les gens ne se rendent pas compte. » De dix à vingt minutes tout de même, et ces « effacements » peuvent survenir plusieurs fois par jour, en particulier dans la période généralement la plus compliquée pour le réseau électrique français. Soit entre novembre et mars.

L’effacement diffus balbutie encore en France, même si Voltalis y travaille depuis 2008. « Nous avons à ce jour équipé 100.000 foyers en France avec notre boîtier, précise Mathieu Bineau. Ce qui permet, potentiellement, de ne pas solliciter de l’ordre de 100 mégawatts sur le réseau pendant les pics de consommation. »

L’effacement diffus pourrait faire bien plus, car entre sept et huit millions de foyers sont équipés du chauffage électrique en France. Toutefois, les choses s’accélèrent. En janvier, Voltalis et le fonds d’investissement Meridiam ont annoncé la signature d’un accord avec la Banque européenne d’investissement (BEI) pour un prêt de 20 millions d’euros, afin de financer le déploiement de nouveaux boîtiers.

Cette année, ekWateur et Voltalis se sont associés pour que le premier intègre le boîtier du second dans ses offres d’abonnements. Voltalis espère ainsi équiper 150.000 foyers supplémentaires dans les prochaines années. « Dont 50.000 clients ekWateur d’ici à fin 2021 », détaille Julien Tchernia.

Il faut encore que les Français acceptent de lâcher en partie la main sur le contrôle de leurs radiateurs et leur chauffe-eau et installent un boîtier connecté à leur domicile. Pas simple si on en juge par la levée de boucliers suscitée en France par les compteurs Linky.

Pour convaincre, Voltatlis et ekWateur mettent en avant les économies réalisées. Qu’on passe par l’un ou par l’autre, le boîtier – intitulé Narco – est gratuit pour le particulier du moment qu’il accepte l’effacement diffus. Voltalis et ekWateur se rémunèrent alors auprès de RTE en lui permettant de mieux équilibrer le réseau !!!

Des économies sur la facture à la clé ?

« L’effacement diffus permet en moyenne de réaliser 8 % d’économie sur sa facture d’énergie, assure Mathieu Bineau. Soit environ 130 euros par an si on prend la dépense moyenne des Français pour se chauffer, qui est de 1.700 euros ». En parallèle, le boîtier « Narco » propose d’autres services pour pousser plus loin les économies d’énergie. Surtout, ce boîtier peut faire office de thermostat connecté et ainsi permettre de piloter à distance ses radiateurs électriques. En les éteignant la journée par exemple, lorsqu’il n’y a personne à la maison (qu'en savent-ils), pour les rallumer juste avant de rentrer.

« Cette option est payante, elle est de 3,50 euros par mois lorsqu’on accepte également l’effacement diffus [contre 10 euros sinon] et permet d’espérer jusqu’à 30 % d’économie sur sa facture d’énergie », explique Julien Tchernia.

Utile particulièrement l'hiver ?

Voltalis et ekWateur veulent miser sur le contexte actuel pour accélérer le déploiement de l’effacement diffus en France. Le 11 juin dernier, Elisabeth Borne, alors ministre de l’Environnement, et François Brottes, président du directoire de RTE, avaient alerté sur les forts risques de tensions sur le réseau électrique auxquels il fallait s’attendre cet hiver.

Du fait des retards pris dans les opérations de maintenance des centrales nucléaires françaises, « La situation reste tendue, indique cinq mois plus tard RTE, contacté par 20 Minutes. L’hiver sera sous forte vigilance, particulièrement de mi-novembre à Noël, alors qu’on s’attend une indisponibilité de plusieurs réacteurs en même temps. »

Pour éviter le black-out, soit la coupure d’électricité généralisée et non-maîtrisée, RTE peut jouer sur le volet « production », en mobilisant toutes les sources disponibles d’électricité en France ou en important. Mais ces solutions s’accompagnent souvent d’émissions de gaz à effet de serre, en mettant à contribution nos quatre dernières centrales à charbon encore en activité  [elles doivent fermer d’ici à 2022] ou celles de nos pays voisins !!!

Une autre option consiste à essayer de faire baisser nos consommations d’électricité. Fin juin, l’État a ainsi mis en place un « coup de pouce » - jusqu’à 150 euros- sur l’installation de thermostats connectés.

Il y a aussi EcoWatt, un site internet doublé d’un système d’alertes par SMS et courriels appelant les Français aux écogestes lors des moments de fortes tensions sur le réseau. Le dispositif existe déjà en Bretagne et en Provence-Alpes-Côtes d’Azur. « Il sera généralisé à toute la France ce mois-ci », indique RTE.

L’association négaWatt, qui promeut le développement de la sobriété énergétique et la limitation de la production et notamment le nucléaire, n’est pas aussi enthousiaste sur l’effacement diffus. Elle considère qu'il s'agit d'un « pansement sur une jambe de bois » et critique son coût « qui n’est pas nul, même si l’installation des boîtiers est gratuite ».

« Ces opérateurs se rémunèrent auprès de RTE, qui finance ses missions par le Turpe (tarif d’utilisation du réseau public d’électricité) que paie chaque foyer. Or, les bénéfices de l’effacement diffus restent minimes par rapport à son coût global »!!!

Il y a surtout la crainte que l’effacement diffus détourne de l’essentiel : la rénovation énergétique des bâtiments​ qui est une façon de baisser drastiquement les consommations énergétiques des bâtiments alors que la France accumule les retards. » Mathieu Bineau est d’accord sur « cette nécessaire rénovation énergétique ». « Mais ce processus prend du temps alors qu’on a besoin dès à présent d’outils pour gérer les tensions sur le réseau, poursuit-il. C’est vrai cet hiver, mais ça le sera aussi dans les années à venir alors que la France prévoit de fermer ses centrales au charbon mais aussi plusieurs réacteurs nucléaires [14 d'ici à 2035]. »

Surtout, le directeur de Voltalis invite à ne pas opposer rénovation énergétique et effacement diffus. « Même dans un logement bien isolé, il n’est pas absurde de chercher à réduire encore nos consommations », note-t-il.

Et pourquoi ne pas produire plus d'énergie ?

Nous sommes face à un système politique qui n'anticipe plus, se noie dans le court-termisme et la recherche d'économie financière car prisonnier du dogme de la réduction de la dépense publique quoiqu'il en coûte. De fait ne plus pouvoir assurer la sécurité électrique du pays faute des investissements nécessaires au point de risquer le blak-out l'hiver quand la demande d'électricité est forte et justifiée, c'est comme les hôpitaux qui suite aux cures d'austérité qu'on leur fait subir depuis plusieurs dizaines d'années, ne sont plus en capacité de soigner correctement les malades et de faire face à une épidémie comme le COVID-19.

En ce sens il est scandaleux de vouloir fermer 14 réacteurs nucléaires d'ici 2035 tout comme avoir mis à l'arrêt la centrale de Fessenheim.

Il est donc urgent d'augmenter les capacités de production d'électricité dans notre pays afin de faire correspondre l'offre à la demande et s'orienter vers le droit à l'énergie pour tous, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui !

Cela nécessite des investissements importants notamment dans toutes les productions d'électricité dont l'énergie nucléaire qui garantit à la fois une production qui émet très peu de GES, peu chère et une souplesse d'utilisation permettant de gérer les situations tendues.

Ceci n'empêchant nullement de chercher à faire des économies d'énergie notamment dans les bâtiments.

Plus que jamais pour organiser tout cela de manière efficace, il y a besoin d'une maîtrise publique de l'ensemble de la filière énergétique : Recherche - Production - Transformation - Distribution et inclure les productions industrielles incontournables pour faire fonctionner chaque volet de la filière en toute sécurité et indépendance notamment le volet nucléaire.

Il y a donc besoin de revoir les termes du débat et ne pas s'enfermer dans des fausses bonnes idées qui au final ne régleront rien ou si peu, mais permettront de contrôler un peu plus la vie personnelle des citoyens et surtout de les faire payer un peu plus ! 

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