Confiserie. Les salariés de Carambar refusent de se faire croquer

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Confiserie. Les salariés de Carambar refusent de se faire croquer

Les employés de l’usine nordiste de caramels se sont d’abord vu imposer un déménagement à quelques kilomètres. Avant de comprendre que leurs payes seraient sérieusement amputées dans l’opération.

«Même si je perds 50 euros, ce n’est pas normal. Je veux garder mon salaire ! » Jean-Marc, qui trime depuis trente ans à l’usine Carambar de Marcq-en-Barœul (Nord), ne digère pas l’annonce de la direction, en novembre dernier.

D’abord, il est question d’un déménagement à quelques kilomètres, dans une autre usine du groupe, à Bondues. Quinze jours plus tard, il s’agit d’un PSE, avec licenciement de 105 des 114 salariés et réembauche à Bondues par une autre entité du groupe. À la clé, une importante baisse de salaire. « On nous jette dehors et on doit payer le déménagement », résume Jean-Marc.

Depuis novembre, les débrayages se multiplient et la pénurie de Carambar menace dans les magasins.

L’usine de Marcq-en-Barœul, descendante de la chocolaterie Delespaul-Havez, est plus que centenaire. Elle est passée entre les mains de Mondelez, avant d’être rachetée par le fonds d’investissement Eurazeo.

« Psychologiquement, c’est dur »

Avec un portefeuille de près de 19 milliards d’euros, Eurazeo est présent dans l’immobilier, les services financiers, l’énergie, l’agroalimentaire… et dans la confiserie, où il détient des marques emblématiques comme Lutti, Poulain, ­Mi-Cho-Ko, la Pie qui chante, Malabar ou Suchard, le tout regroupé au sein de Carambar & Co.

« À Marcq-en-Barœul, cela a toujours été une grande fierté de travailler chez Carambar. Quand Eurazeo est arrivé, ils nous ont dit qu’ils voulaient bâtir une marque française, investir… On s’est dit qu’on allait pouvoir avancer », raconte Maurice (1), qui travaille ici depuis vingt-trois ans. « Puis, ils ont essayé de moins payer les nouveaux embauchés », ajoute-t-il.

Le PDG de Carambar & Co, Thierry Gaillard, a d’ailleurs confié à l’AFP que « certains niveaux de rémunération sont déconnectés du marché » à Marcq-en-Barœul. Maurice, lui, se souvient surtout des « concessions » qu’il a dû faire : travail du week-end, « poly­ valence » des tâches…

Le site Internet de Carambar & Co vante les attentions du groupe vis-à-vis des salariés, qu’il nomme les « Carambarrés », dont « le sourire est une priorité ».

À la table des négociations, le ton est différent. Stéphane Ducrocq, l’avocat du CSE, avait, au départ, chiffré à 22 % la baisse maximale de salaire, selon les situations individuelles. Il pointe également le flou entretenu entre la baisse du salaire de base et des primes.

La dernière réunion, le 4 février, a dû se tenir avec la médiation de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi).

Le lendemain, l’assemblée générale réunit une cinquantaine de salariés devant le poste de garde. André Jorisse, secrétaire (FO) du CSE, résume la situation. La baisse maximale du salaire de base passerait de 15 % à 11 % et les primes seraient remplacées par une indemnité compensatrice, provisoire et dégressive, pendant cinq ans. « On est loin de nos revendications de départ. Mais, pour l’instant, il n’y a pas d’accord là-dessus », insiste-t-il.

Les réactions vont de la résignation à la révolte.

Chacun comprend que Carambar ne veut pas reprendre tout le monde. Le pourrissement fait partie de la stratégie, pour obtenir des départs. « Psychologiquement, c’est dur », souffle Maurice. Selon les syndicats, le taux d’arrêts de travail est déjà autour de 40 %.

« La perte mensuelle de salaire peut représenter 400 à 500 euros, plus pour ceux qui travaillent de nuit », évalue Sébastien Nepveux, représentant syndical CGT. « Certains, qui ont 55-58 ans, veulent partir dignement. Mais il y a aussi ceux qui ont la quarantaine et qui ont une maison à payer », poursuit-il. Le groupe, lui, s’en sortira bien.

« On a calculé avec notre expert que, dans l’état actuel, le plan social coûterait 2,5 millions d’euros », confie Sébastien Nepveux. Une somme qui représente juste les frais de fonctionnement annuels de l’usine. Sans oublier la future vente du terrain : « Au prix du mètre carré à Marcq-en-Barœul (ville située dans la banlieue chic de Lille – NDLR), ce n’est pas négligeable… »

Mais la liquidation de l’usine de Marcq-en-Barœul « n’est qu’un début », prévient Julien Luisetti, délégué syndical SUD. Pour lui, d’autres sites du groupe suivront. Prochaine réunion de négociation ce jeudi 11 février.

(1)  Le prénom a été modifié.

Sources Marcq-en-Barœul (Nord), correspondance. Article publié dans l'Humanité

Publié dans Luttes sociales

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article