Union des Etudiants Communistes : quelques éléments pour comprendre la crise par Cédric Goulmot

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Union des Etudiants Communistes : quelques éléments pour comprendre la crise par Cédric Goulmot

L’article original a été publié le 6 février 2021, nous le reproduisons sur ce blog. Son auteur est membre de la coordination de l’Union Départemental des Hauts-de-Seine du MJCF et militant du MJCF et de l’UEC depuis 2013.

Depuis ces derniers mois, l’Union des Étudiant‧es Communistes (UEC) traverse une situation de crise qui rejaillit sur l’ensemble du Mouvement des Jeunes Communistes de France (MJCF). Branche étudiante indivisible du MJCF, l’UEC dispose aujourd’hui de deux directions : une direction renouvelée élue dans les cadres et instances décidées collectivement ; une direction désignée via un coup de force de la direction sortante de l’UEC refusant de se retrouver minoritaire. Cette situation crée une confusion chez de nombreuses et nombreux communistes — surtout lorsque la partie qui a mené le coup de force affirme avoir été exclue du mouvement.

La situation réelle est plutôt celle de cadres qui, parce qu’elles et ils se sentent minoritaires dans le mouvement, décident de mener un coup de force pour rester en place, en disposant de l’aide de cadres du PCF qui sont en opposition avec la direction nationale actuelle du PCF. L’objectif de longue date de ces cadres étant d’avoir une UEC indépendante du MJCF. Ces cadres ont décidé de convoquer une conférence étudiante, en dehors de tout cadre statutaire et établi collectivement, où seule une minorité des étudiant‧es communistes était représentée. Cette direction se voit reconduite dans cette instance autoproclamée apte à le faire. Ces cadres ont ensuite refusé de se présenter à l’Assemblée Nationale des Animateurs et Animatrices (ANA), seule instance prévue pour le renouvèlement de la direction commune du MJCF et de l’UEC entre deux congrès, alors qu’elles et ils y avaient été invité‧es.

Après cette rupture — dont l’expression est la démission de leurs responsabilités du MJCF et leur constitution en fraction —, ces cadres décident de mener une opération de communication : ceux-ci présentent leur coup de force comme la seule manière de se prémunir d’actes scandaleux, et le renouvèlement de la direction du Mouvement, dont elles et ils se sont volontairement mis‧es en marge, comme une éviction.

Table des matières [Montrer]

Une lente dégradation des rapports entre le MJCF et sa branche étudiante

Avant que cette crise n’éclate, il y a eu une lente dégradation des rapports entre les cadres de l’UEC et du MJCF, durant de trop nombreuses années. À ce titre, le PCF aurait dû engager une médiation bien plus tôt, auprès de ces organisations « sœurs », plutôt que de laisser les choses s’envenimer. Surtout que les cadres du PCF étaient au courant de cet envenimement, c’est donc une grave erreur de ne pas avoir cherché à engager une médiation dès les premiers signes de la dégradation de ces rapports, en 2012, bien que la première fracture réelle s’opère en 2014. 

Depuis plusieurs années, la direction de l’UEC tente d’imposer une autonomie de plus en plus grande vis-à-vis du MJCF.

Leurs décisions politiques et organisationnelles sont prises complètement à l’écart de la direction du MJCF : des matériels politiques au renouvèlement de directions, en passant par le suivi organisationnel : tout a été fait pour s’isoler de la direction du MJCF, organisation dont elles et ils sont pourtant membres. Par exemple, dès 2012, l’UEC décide de reprendre une idée née du groupe féministe du Conseil National du MJCF : la semaine du féminisme, crée en 2008. Cette initiative était alors assez difficile à faire vivre dans le mouvement, par manque d’intérêt des camarades et des deux directions sur les questions féministes. À ce titre l’UEC a réussi à faire vivre et porter cette campagne plus loin que n’a pu le faire le Conseil National du MJCF. En revanche, rien n’a été fait pour y associer le MJCF, pour travailler collectivement. Alors même que depuis 2015, la coordination nationale du MJCF a initié un travail pour faire rayonner cette campagne partout en France. Chose refusée par les directions UEC successives, qui n’ont eu de cesse de s’isoler du reste du mouvement… jusqu’à s’apporter l’initiative de cette semaine. 

Une autre fracture politique majeure s’opère en pleine lutte contre la « Loi Travail » en 2016 : les dirigeant‧es de l’UEC amplifient des petites actions de sabordage : matériels uniquement UEC édités sur le quota du MJCF — mettant ce dernier en difficulté pour sortir un matériel national —, concurrence dans les passages médiatiques — au point de se faire passer pour les dirigeant‧es du MJCF, pour prendre la parole à la place de dirigeant‧es du MJCF ! À cette époque, le Secrétaire National de l’UEC s’éloigne de plus en plus des instances du MJCF, et ne fait plus beaucoup part de travaux de sa direction et de son conseil national à la coordination nationale du MJCF.

La direction du MJCF fait face à une difficulté importante : l’absentéisme du secrétaire national de l’UEC aux coordinations nationales. Pour y remédier, la direction du MJCF fait donc adopter en Conseil National du MJCF qu’un‧e deuxième membre de la direction de l’UEC, soit la ou le responsable organisation, soit ajouté‧e à la coordination nationale du MJCF afin de favoriser la présence de l’UEC à chaque réunion de la coordination nationale. Si cette décision — à l’initiative de la secrétaire générale MJCF de l’époque — a permis d’améliorer l’état des relations pendant un temps. 

L’autre rupture majeure étant la découverte en 2016 d’une comptabilité séparée de l’UEC : une ouverture d’un compte en banque indépendant dont l’existence même est contraire à nos statuts. 

Lors du congrès de 2019, les tensions étaient tellement grandes, la situation de blocage était tellement importante, qu’une grande partie des Unions Départementales représentant une majorité de jeunes communistes avaient demandé la dissolution de la branche étudiante du MJCF. La direction du MJCF a alors négocié avec ces unions départementales pour que cette option ne fasse pas un vote de congrès, pour lui préférer l’option d’une réduction de l’autonomie de l’UEC, cette structuration spécifique du MJCF étant un outil majeur pour assurer une présence sur les lieux d’études supérieurs.

Fait qui peut sembler étonnant : la direction de l’UEC de l’époque ne s’est pas opposée à ce que sa dissolution fasse l’objet d’un débat de congrès, alors qu’elle n’avait certainement pas un rapport de force en sa faveur… Cette position devient moins étonnante lorsqu’on considère qu’il y a eu une volonté organisée de scission : les mensonges qui consistent à dire que l’UEC est victime d’une « purge » pour la justifier auraient étés encore plus faciles à tenir.

Il y a donc une rupture préparée et organisée — sur les bases d’une concurrence croissante menée par les dirigeant‧es l’UEC — pour disposer d’une organisation de l’UEC totalement indépendante du MJCF : c’est-à-dire faire une scission.

On peut comprendre la position qui consiste à vouloir une UEC qui soit indépendante du MJCF, et on doit pouvoir en discuter et en débattre dans nos instances où la parole doit être absolument libre. Ce que l’on ne peut pas accepter, c’est qu’elle se fasse dans le dos des adhérent‧es, que cette position ne fasse pas l’objet d’un débat en congrès et que cette question ne puisse être tranchée par un vote mais qu’elle soit imposée en catimini au reste du mouvement par quelques cadres. Une organisation n’est pas la propriété de sa direction, encore moins d’un groupe, elle appartient à tous ses adhérent‧es !

Il n’y a pas qu’à l’échelon national que cette rupture a eu des conséquences, à l’échelon local aussi. Je vais prendre l’exemple du secteur UEC de la fac de Nanterre, en m’appuyant sur des faits que j’ai pu constater pendant la période du congrès du MJCF de 2014. 

Lors de ce congrès, les dirigeant‧es du mouvement constatent avec surprise que des secteurs de l’UEC doublent, triplent ou encore explosent leur nombre d’adhérent‧es en moins d’un an. Dans l’optique d’établir un rapport de force avec le reste du mouvement, il y avait une production industrielle de fausses cartes, appartenant à des adhérent‧es fantômes. Il s’agissait d’établir un rapport de force avec le reste du MJCF. 

Le secteur de Nanterre passe de 30 à 350 cartes, par exemple. Certain‧es adhérent‧es du secteur découvriront que de nombreuses cartes sont fausses, qu’elles étaient au nom de simples signataires de pétition qui ignoraient jusqu’à l’existence de l’UEC ; certaines cartes avaient de faux noms, et les numéros de téléphone fourni correspondaient à des entreprises ou des commerces. Signalant cette situation pour le moins étonnante à plusieurs membres de la direction de l’UEC, ces membres subiront harcèlements et dénonciations calomnieuses. 

Pour écarter les adhérentes qui avaient découvert le pot aux roses, une fausse histoire d’agression sexuelle sera montée de toute pièce par une coordinatrice nationale de l’UEC. On dira que l’une a été victime d’une sordide agression (on lui attribue donc une fragilité psychologique pour remettre en cause sa parole), et que l’autre a fait preuve d’une forme de complicité. L’agresseur désigné est bien choisi : il sera plus tard éloigné du mouvement, car il a été la cible de plusieurs accusations d’agressions (bien qu’il n’avait rien fait dans le cas que j’évoque).

Nous noterons que cette ancienne coordinatrice de l’UEC — celle qui a répandu opportunément ces rumeurs — continue tranquillement sa carrière au Parti Communiste, tandis que les deux adhérentes calomniées et salies vivent encore très mal les rumeurs proférées. Quant à la camarade qui avait prétendument été victime d’une agression, les conséquences de cette rumeur ont été très graves (j’y reviendrai plus en détail dans la 4e partie de ce texte).

En évoquant ces faits dont j’ai été témoin, je ne décris pas un épiphénomène, mais une situation similaire à la situation d’autres camarades, dans d’autres secteurs, à d’autres périodes. Cette rivalité entretenue par des cadres de l’UEC a eu des conséquences bien palpables sur nombre de jeunes camarades. 

Cette rivalité a également causé une division durable des jeunes communistes. Dans de nombreux départements, les secteurs de l’UEC et les unions départementales du MJCF ne travaillent pas ensemble. Cela a mené à la situation absurde où, comme dans le Nord, il existe en parallèle des secteurs de l’UEC et des secteurs organisés à l’université par l’union départementale du MJCF. Les forces militantes étant principalement dans ces « secteurs étudiants du MJCF » que les cadres nationaux de l’UEC refusent de reconnaitre. Notre organisation prévoit que les secteurs de l’UEC soient coordonnés par les unions départementales du MJCF, ça n’a pas été ici le cas, comme malheureusement dans de nombreux territoires. 

Cette autonomie croissante poussée par des cadres de l’UEC, qui a graduellement créé cette situation de crise, n’a jamais été approuvée collectivement. Le congrès de 2019 ayant même acté une réduction de cette autonomie, principalement comme moyen de résoudre les problèmes que j’ai évoqués. Pourtant, même après le congrès, les cadres nationaux de l’UEC se sont battu‧es contre ces décisions. Alors que le congrès actait la fin du collectif national autonome de l’UEC pour lui préférer un comité étudiant intégré au conseil national du MJCF, des cadres de l’UEC ont décidé de quand même nommer un collectif national des étudiant‧es communistes, et d’y élire en son sein la direction de l’UEC. 

Cela fait suite à une rupture des cadres de l’UEC avec les statuts de l’organisation.[1] Les statuts sont les règles de notre organisation établies collectivement en congrès. Qu’une direction nationale refuse systématiquement de les appliquer, y compris juste après un congrès, cela a directement créé de très nombreuses situations de blocages et de conflits. 

Cette envie d’indépendance vis-à-vis du MJCF n’est pas partagée par l’intégralité des étudiant‧es communistes, loin de là, et des divisions existent aussi dans l’UEC. Ainsi le plus grand secteur en nombre d’adhérent‧es, celui de l’UEC Toulouse, fait remonter directement ses cotisations au MJCF, et c’est un secteur qui n’est pas reconnu par la direction sortante de l’UEC. Notons bien que le secteur UEC de Toulouse ne fait que suivre les règles collectivement établies en congrès, et que c’est la direction sortante de l’UEC qui a choisi d’en faire abstraction. 

En octobre 2019, des cadres de l’UEC, épaulées par des cadres du PCF, ont convoqué une « conférence nationale » de l’UEC, qui s’est autoproclamée instance légitime à la nomination d’une direction nationale de l’UEC.[2] Cela avant l’ANA 2020, en dehors de tout cadre statutaire établi collectivement, et en excluant une majorité des étudiant‧es communistes (alors que le MJCF a accepté que chaque secteur inconnu du MJCF, mais reconnu par l’ancienne direction de l’UEC, dispose de délégué‧es à l’ANA.[3] L’ancienne direction, elle, n’a pas permis aux secteurs qui respectaient les règles communes de participer à leur conférence). Ainsi les secteurs qui respectaient les règles de notre organisation établies en congrès, et faisaient remonter les cotisations à la direction du MJCF, se sont retrouvés exclus de fait de cette conférence nationale. On peut lire dans le rapport d’Igor Zamichiei, secrétaire national de l’UEC de 2006 à 2009 et dirigeant du PCF, s’occupant de la médiation MJCF/UEC : « […] Anaïs F. nous a fourni des éléments plus précis que ceux donnés jusqu’à présent sur la composition des secteurs étudiants reconnus par [la direction sortante de] l’UEC, comportant 185 adhérents issus de 25 secteurs, dont 8 comportant plus de 10 adhérents, le plus important étant Paris avec 31 adhérents. Léon D. [pour la direction renouvelée] a également précisé que les secteurs étudiants dont les adhérents sont connus du MJCF comportaient 341 adhérents issus de 17 secteurs, dont un seul composé de moins de 10 adhérents. Sur tous ces secteurs, seuls trois sont communs. »[4]

Cette « conférence nationale » s’étant autoproclamée apte à remplacer l’ANA, la majorité des cadres ayant organisé cette conférence ont refusé de participer à l’ANA — alors même que statutairement l’ANA est la seule instance pouvant renouveler la direction du MJCF et de l’UEC hors congrès. 

Pour justifier leur absence annoncée à l’ANA, l’ancienne direction avait prétendu que les menaces de violences de la part des membres du mouvement rendaient impossible leur venue, car elles et ils craignaient pour leur intégrité physique : rappelons que cette ANA s’est tenue, en raison des conditions sanitaires, de manière entièrement numérique. À quels actes de violence menaçant leur intégrité physique ces camarades auraient-elles et auraient-ils pu être exposés ?

Lorsque les camarades de l’ancienne direction ont été informés de la tenue en numérique de l’ANA de façon électronique, cela n’a pas fait évoluer d’un iota leur positionnement quant à leur participation… faisant la preuve qu’il s’agissait d’un prétexte bien plus qu’une crainte réelle.[5]

Pour faire de la politique-fiction : imaginons qu’à la veille du 38e congrès, Pierre Laurent se sentant minoritaire dans son parti, plutôt que d’affronter le congrès et prendre le risque de se retrouver en minorité, décide de convoquer une conférence qui n’aurait que pour but de le maintenir aux responsabilités, où il n’y convoquerait que les fédérations qui ne lui sont pas opposées. C’est une manœuvre tout à fait comparable que ces cadres de l’UEC ont menée. Je fais cette comparaison à dessein, car les contradictions qui ont traversé le mouvement communiste, et qui se sont vu dépassées par le renouvèlement de la direction du Parti Communiste au 38e congrès, ont également débouché, dans le mouvement de jeunesse, sur ce renouvèlement de la direction de l’UEC.

Cette rupture semble avoir été préparée depuis plus d’un an. Ces cadres ne se rendant plus à aucune instance du MJCF depuis lors. Plus aucun‧e dirigeant‧e de l’UEC ne participe à la coordination, et ce depuis décembre 2019 ; plus aucune réponse aux appels et messages du Secrétaire Général du MJCF. Face à cette situation, la direction du MJCF a redoublé d’efforts pour demander une médiation auprès du PCF. Les premières tentatives de médiation sont restées lettre morte de la part des cadres de l’UEC. Il a fallu que le Secrétaire National du PCF convoque lui-même les différentes parties pour que l’UEC réponde présente. Et lorsque celles et ceux-ci s’y sont rendu‧es, elles et ils ont exprimé leur refus de participer à l’ANA et ont continué leurs reproches envers le MJCF. Chose surprenante : une conseillère nationale du PCF, qui n’est pas adhérente du MJCF, accompagne l’UEC. Avec quel mandat ? 

Il y a eu plusieurs signes de la préparation de cette rupture : ces cadres de l’UEC ont lancé une campagne « étudier c’est travailler » qui n’a pas été débattue et proposé au reste du mouvement. Elle a notamment posé plusieurs problèmes de fond, notamment sur la notion de travail. Il y a aussi l’édition d’un journal électronique « Clarté »[6], venue du refus d’utiliser le journal des jeunes communistes « l’Avant-Garde » comme moyen d’expression par ce groupe, dont la mise en ligne a précédé de plusieurs mois cette « conférence étudiante ». 

Dans le mail de convocation de l’UEC à ce congrès étudiant autoproclamé, il y a plusieurs mensonges destinés à fédérer les étudiant‧es communistes derrière cette ancienne direction.[7] Le premier mensonge est que les cadres de l’UEC subiraient une cabale politique du fait de leur positionnement sur les violences sexistes et sexuelles. Le deuxième étant que face à des cabales politiques choquantes et scandaleuses dont elles et ils seraient les victimes, ces cadres de l’UEC auraient demandé une médiation auprès du PCF, alors même qu’en vérité elles et ils ne s’y étaient rendus qu’à reculons qu’une fois convoqué‧es. Le troisième étant que la démission de la secrétaire nationale sortante de l’UEC du comité exécutif du MJCF est présentée opportunément comme une exclusion.

Pourtant, la rupture avec les règles communes adoptées collectivement en congrès est flagrante. La « constitution » de cette conférence étudiante en séance étudiante apte à renouveler le conseil national de l’UEC n’a strictement rien de statutaire, et a peu de légitimité démocratique.[8]

Il s’agit de ce que l’on pourrait qualifier de stratégie de la terre brulée : on se dit être victime d’actes absolument odieux pour justifier le coup de force mené, coup de force présenté comme seul moyen de se défendre face à ces attaques… quitte à détruire l’organisation elle-même. N’oublions pas que les adhérent‧es du MJCF sont au début de deux vies : leur vie de militant‧e et leur vie d’adulte. On ne peut pas reprocher à ces adhérentes et ces adhérents de ne pas prendre de recul sur ces accusations, et de s’émouvoir des récits faits par quelques cadres. Et dans les faits, chez les jeunes militant‧es, ce stratagème fonctionne très bien. 

Il faut noter que l’absence quasi totale de cette direction nationale de l’UEC à l’ANA conduisit automatiquement à un renouvèlement de la direction : on ne peut pas rester à la tête d’une organisation sans se porter candidat‧e à sa reconduction. Cette ancienne direction nationale le savait, et semble avoir travaillé depuis plus d’un an à présenter cette rupture, qui restait alors à faire, comme une scandaleuse éviction.

Elles et ils peuvent, certes, prétendre être victimes de procès politiques, et de méthodes qui visent à l’exclusion d’une partie des étudiant‧es communistes : mais, dans les faits, leur volonté d’exclure a été démontrée par leurs prises de position.

Je vais apporter deux preuves de ces positionnements, en me basant uniquement sur les écrits de ces ex-dirigeant‧es de l’UEC (qui sont aussi membres du Conseil National du PCF) publiés sur le relevé des interventions au CN du PCF de novembre 2020.[9]

La première est l’accusation d’édition de « fausses cartes » de l’UEC par le MJCF. Le dernier congrès a été clair quant à la décision collective et démocratique des jeunes et étudiant‧es communistes de ne disposer que d’une seule direction, l’UEC étant la branche étudiante du MJCF et dont les cadres font partie de cette direction unique : c’est au MJCF que revient le rôle de l’édition de ces cartes. Avec cette prise de position, ces cadres affirment ne pas reconnaitre les décisions collectives, donc la volonté de la majorité des jeunes et étudiant‧es communistes. Comment ne pas y voir une attaque envers les adhérent‧es qui ont choisi, majoritairement, lors du congrès 2019 ce mode de fonctionnement ?

Il est important de noter que, contrairement à ce qui est dit çà et là, l’UEC n’a pas eu un fonctionnement indépendant du MJCF ces dernières décennies, mais un fonctionnement autonome permettant une organisation spécifique du mouvement de jeunesse sur les lieux d’études. Cette autonomie, si elle a été revue et réduite lors du dernier congrès sur fond d’affaiblissement du mouvement, n’a pas été remise en question.

Pendant plusieurs années, un fonctionnement antistatutaire dans lequel l’édition de cartes a été assurée avec une comptabilité séparée (elle aussi antistatutaire) de l’UEC a pu être toléré afin de ne pas dégrader davantage les rapports avec la direction de la branche étudiante : lorsque les membres de la direction de la branche étudiante désertent leurs responsabilités au MJCF, il devient plus difficile de ne pas appliquer les règles communes. 

Il faut savoir que la direction du MJCF n’a jamais été, sur le principe, contre l’édition de cartes de l’UEC par la direction de l’UEC. Le problème étant que depuis des années l’ancienne direction de l’UEC refusait de donner des cartes à des camarades qui ne sont pas considérés être « sur la ligne » de la direction nationale. L’ancienne direction a refusé des adhésions, allant jusqu’à refuser d’envoyer des cartes à des secteurs entiers ! La justification étant donnée par la direction nationale de l’UEC quant au refus de laisser des camarades — parfois très investis dans le mouvement communiste — étant que celles et ceux-ci ne voudraient pas aller dans le sens « des idées et du projet de la direction nationale » : belle manière d’étouffer toute forme de diversité des idées et les débats dans notre mouvement !

Comme je l’ai déjà indiqué, les camarades auxquel‧les on a refusé l’adhésion sont devenu plus important que le nombre d’adhérent‧es, poussant la direction du MJCF à éditer des cartes pour ces camarades. Encore une fois, on voit bien ici que la volonté d’exclure n’est pas du côté de la direction du MJCF.

La seconde prise de position étant l’accusation d’entrisme. Pour l’ancienne direction de l’UEC, des étudiant‧es communistes n’auraient rien à faire à l’UEC de par leur opinion sur la façon dont doit être organisée l’UEC au sein du MJCF. Celles et ceux-là ne devraient pas militer sur les facs, mais dans leurs quartiers, et laisser l’UEC à celles et ceux qui veulent un renforcement de son autonomie. Ainsi des étudiant‧es communistes étant en désaccord avec la direction sortante sur des questions organisationnelles se voient qualifié‧es d’infiltré‧es voulant détruire l’organisation de l’intérieur. Drôle de manière d’appréhender le débat d’idées entre communistes, drôle de vision de la démocratie interne et, in fine, de l’évolution du rapport de forces. J’irais plus loin en disant qu’il s’agit d’accusations tout à fait similaires aux accusations qui avait été faite aux nouveaux adhérent‧es du parti travailliste britannique sous Jeremy Corbyn : des élu‧es et cadres travaillistes ont considéré que tous celles et ceux qui avait adhéré au Labour sous la direction de Corbyn étaient des infiltré‧es d’extrême gauche dans « leur » parti. Est-ce à cela que nos organisations devraient ressembler ? Allons-nous ouvertement feindre de douter des convictions des un‧es et des autres parce qu’en désaccord sur des questions organisationnelles ? Alors même qu’on ne peut douter de l’attachement des adhérent‧es visé‧es pour le mouvement et les organisations communistes ? Une organisation est-elle la propriété de sa direction élue à une date donnée ?

Cette opération de scission a partiellement échoué, l’ancienne direction revendique toujours la direction de l’UEC mais cette revendication n’est pas reconnue par le MJCF[10] ni même par le PCF.[11] De fait, les cadres de l’ancienne direction se sont constitué‧es en fraction.[12] Pourquoi un tel arbitrage du PCF ? Déjà parce que cette conférence nationale n’a réuni que des camarades représentant‧es une minorité d’étudiant‧es communistes — les secteurs exclus de cette réunion représentant une majorité d’étudiant‧es communistes. Il est donc difficile de prétendre qu’une telle instance autoproclamée est représentative. Mais aussi parce que le PCF a fait le choix de reconnaitre les décisions prises par l’ANA, instance statutaire, et donc l’élection de Jeanne Péchon en tant que secrétaire nationale de l’UEC, comme préalable établi à toute médiation future. Face à cette crise, les cadres nationaux du PCF s’occupant de la médiation ont fait un choix : les perspectives de dépassement de ce conflit et de renforcement du mouvement ne sont possibles qu’en acceptant les décisions démocratiques des instances que les jeunes et étudiant‧es communistes ont choisies collectivement.[13]

De fait, et sur le fond, la jeunesse étudiante vit aujourd’hui son implication comme tout aussi importante dans l’université que dans les quartiers où elle habite. De même, les jeunes communistes ne veulent plus que le fait d’être étudiant‧e les coupe d’un enracinement dans la JC et dans leur quartier. Après avoir, probablement envisagé une trop forte articulation entre l’UEC et le MJCF, elles et ils revendiquent toutefois d’articuler étroitement un double militantisme : sur leur lieu d’étude universitaire (à l’UEC) et à la JC dans leur quartier et leur territoire, avec toute la jeunesse. Et donc que l’UEC et le reste du MJCF soient beaucoup plus articulés.

Il faut souligner que ce type de coup de force interne — avec une fraction qui se constitue par refus de se retrouver mise en minorité — met en péril le MJCF dans son ensemble, et la plupart des adhérent‧es du MJCF étant étudiant‧es. Cela doit donc alerter l’ensemble des communistes : cette situation graduelle de crise a résulté dans le réel à un fort recul des communistes sur les lieux d’études ces dernières années. Cette situation — celle d’une direction fractionniste qui fait la guerre aux décisions majoritaires des jeunes communistes — risque de ne pas permettre, lors des prochaines années, une structuration pérenne des communistes dans les lieux d’enseignements supérieurs. Elle risque d’affaiblir le mouvement de jeunesse et donc d’affaiblir notre capacité à convaincre la jeunesse de notre pays de nous rejoindre, ou encore de nous soutenir lors des prochaines échéances électorales, notamment des présidentielles de 2022. 

Il faut travailler à unir ces deux directions, notamment parce que l’ancienne direction représente plusieurs secteurs. Mais on ne peut pas remettre en cause l’élection de Jeanne Péchon en tant que secrétaire nationale, car elle est aussi l’expression de débats politiques de fond qui traversent le mouvement, et qui ont été tranchés dans nos instances par un vote majoritaire. Cela ne veut pas dire qu’il faille mettre de côté celles et ceux qui ont tenté un coup de force : je pense, comme les médiateurs et médiatrices, que nous avons tout intérêt à mettre nos différends de côté, pour pouvoir nous rejoindre et construire ensemble dans les luttes. Le besoin d’avoir des organisations communistes qui se renforcent est de plus en plus prégnant, alors que nous traversons une nouvelle crise du capitalisme qui jette une grande partie de la jeunesse et des étudiant‧es dans une situation de précarité importante. Il serait incompréhensible d’expliquer à nos adhérent‧es que le fonctionnement du MJCF est bloqué à cause d’une guerre opportuniste. Ni même que nous ne pouvons être un appui premier dans les luttes de la jeunesse, parce que nous ne parvenons pas à nous rassembler. 

Une crise sur fond de désaccords idéologiques et d’affaiblissement du mouvement

Le MJCF, de par sa nature, est un mouvement qui connait des périodes d’affaiblissement : on ne reste pas éternellement jeune ou étudiant‧e. Cette particularité fait que contrairement au PCF, le MJCF, et donc l’UEC, a une direction qui se renouvèle régulièrement. Mais de fait, ces dernières années, la JC a eu du mal à se renouveler : en plus des camarades s’en allant, il y a aussi eu de multiples crises internes. Ainsi, il existe des départements et des villes où les jeunes communistes ne peuvent s’organiser qu’avec le PCF. 

Ces difficultés ont rendu, pour nombre de camarades, les revendications de plus grande autonomie de l’UEC difficile à entendre. Ces dernières années, il existe un climat délétère dans le mouvement. 

Mon union départementale, celle des Hauts-de-Seine, même en ayant fait tout son possible pour garder de bonnes relations avec l’UEC, subit depuis plus d’un an un gel des relations avec l’UEC Nanterre. Depuis que la rupture avec la direction du MJCF a été actée par des cadres nationaux de l’UEC, les relations ont été coupées de manière unilatérale. Le travail commun entre le MJCF Nanterre et l’UEC Nanterre avait déjà commencé à se distendre dès 2015, alors même que les deux étaient extrêmement liés dans leur militantisme avec une semaine thématique sur l’antifascisme lancée en 2013. La section locale du PCF n’a pas aidé à consolider les relations en travaillant de plus en plus exclusivement avec l’UEC Nanterre, en ignorant le MJCF Nanterre. 

Ces tensions et ces volontés d’indépendance de l’UEC ne viennent pas de nulle part. Il y a des désaccords idéologiques de fond. Le plus important réside, selon moi, dans la rupture de l’UEC avec l’analyse marxiste du travail. L’union des étudiant‧e‧s communistes s’est longtemps battue pour le « salaire étudiant ». Lors de leur dernier congrès, les jeunes et étudiant‧es communistes ont décidé d’abandonner la terminologie de « salaire étudiant » pour lui préférer celle de « revenu étudiant ». 

Cela pour trois raisons : 

– notre analyse marxiste nous fait considérer que le salariat est une exploitation, et que son dépassement est nécessaire ; 

– pour clarifier notre opposition au salariat étudiant, c’est-à-dire les étudiant‧es qui sont mis en situation de prendre des boulots plus ou moins précaires en plus de leurs études ;

– parce que l’étudiant‧e, dans son activité d’étudiant‧e, ne crée généralement pas de richesse et ne devrait pas avoir vocation à le faire la plupart du temps : on ne peut donc pas parler à proprement dire de « travail », au sens de celui de travailleuses et travailleurs.

Si des cadres de l’UEC ont accepté ce changement de vocabulaire, c’est — en plus d’une volonté de se conformer au travail des parlementaires du PCF — parce qu’ils ne font de ce changement de fond qu’un changement de forme. En effet, l’étudiant‧e devrait toucher un salaire (aujourd’hui étiqueté « revenu » mais le fond est le même), selon eux, parce qu’il produit, de par ses études, des richesses.[14] Il ou elle n’est pas un‧e futur‧e travailleur ou travailleuse en formation, dont la solidarité nationale et intergénérationnelle devrait lui permettre d’étudier dans de bonnes conditions, il ou elle serait un travailleur ou une travailleuse comme un‧e autre et devrait être rémunéré‧e par la valeur présente de son travail. Ainsi il est fait un trait d’égalité entre l’étudiant‧e de première année révisant son code civil ou ses maths, et le jeune travailleur ou la jeune travailleuse ayant fait le choix ou ayant été contraint de se salarier tôt.[15] Si, évidemment, réussir ses études implique un travail assidu, parfois difficile, s’il existe des situations où, dans le cadre de ses études, l’étudiant‧e crée de la richesse sans être rémunéré‧e (par exemple lors de certains stages) : la plupart du temps l’étudiant‧e dans le cadre de ses études ne crée pas de richesse : elle ou il se prépare à produire dans le futur tout au plus. Son résultat, c’est elle-même ou lui-même, non pas un produit, et encore moins une marchandise… sauf à envisager de vendre les personnes (or dans le capitalisme c’est la force de travail qui se vend comme marchandise fictive, pas les personnes, et nous voulons combattre cela ! dépasser cela). Cette distinction est importante, parce que, nous marxistes, nous savons que le salaire est le fruit d’une exploitation, la travailleuse ou le travailleur ne touchant qu’une partie des richesses qu’elle ou il a créé‧e. L’étudiant‧e n’est en aucun cas dans cette situation, et si nous arrivons à obtenir un revenu étudiant, ce revenu étudiant sera le fruit d’une lutte victorieuse, et en aucun cas d’une exploitation. 

Cette théorie du « salaire étudiant » est une adaptation des théories du sociologue Bernard Friot au mouvement étudiant. Ces théories font de toute activité humaine un vecteur de richesse et devraient donner droit à un « salaire à vie » : leurs fondements économiques ont largement été réfutés par la commission économique du Parti Communiste Français.[16]

Cette distinction est aussi importante parce que, si les étudiant‧es issu‧es des couches populaires et d’une partie issue des couches moyennes cumulent bien souvent travail et études. L’idée que tout‧e étudiant‧e est à priori un‧e travailleur ou une travailleuse, qu’elle ou il soit riche ou pauvre, ne permet aucune analyse de classe de ce qui se passe sur les lieux d’études. Il existe aussi toute une partie des étudiant‧e‧s qui sont déconnecté‧e‧s du monde du travail. Il est donc très important de distinguer travail et études ! Comment être compris sinon ? Les étudiant‧es ne représentent pas une classe sociale.

Ce trait d’égalité, qui a été fait par ces cadres de l’UEC entre le travail de l’étudiant‧e et le travail salarié, en mélangeant exploitation et formation, oppose, de fait, les étudiant‧es et les jeunes travailleurs ou jeunes travailleuses. Il oppose les étudiant‧es salarié‧es à celles et ceux qui ne le sont pas parce qu’il nie le caractère oppressif du salariat et nie aux jeunes travailleurs et aux jeunes travailleuses le mérite d’avoir participé bien plus tôt dans leur vie à la production des richesses de notre société. 

La nouvelle direction de l’UEC n’a jamais remis en cause la nécessité d’un revenu étudiant[17], le débat porte sur les fondements de celui-ci : pour la nouvelle direction de l’UEC, il s’agit d’étudier dans de bonnes conditions, via la solidarité nationale et intergénérationnelle chère à Ambroise Croizat, et non pas en prétendant que l’étudiant‧e crée des richesses lorsqu’elle ou il étudie. 

Il s’agit probablement d’une des raisons (en plus de l’état groupusculaire de cette fraction de l’UEC, qui les pousse à privilégier un militantisme virtuel) qui font que la campagne « étudier c’est travailler » peine à décoller, alors qu’avec la crise du coronavirus, les étudiantes et les étudiants sont plus que jamais touché‧es par la précarité, et qu’il y a un terreau fertile pour ses revendications. Il y a aussi manque d’analyse matérialiste sérieuse, qui ne participe pas à populariser cette campagne : on apprendra sur le site de campagne que le revenu étudiant est aussi écologique, féministe et antiraciste.[18]

Avec des arguments plus en lien avec les propositions développées par le MJCF et le PCF, cette campagne aurait pu être plus rassembleuse et être portée par plus de militant‧es. Car le principe de cette campagne pétitionnaire, dans cette période, est intéressant et pertinent. 

Au-delà de la question du travail, les cadres de l’UEC ont défendu au Conseil National du MJCF des positions bien plus proches d’une forme de poststructuralisme universitaire que du marxisme.[19] Les structures que sont, par exemple, le patriarcat et le racisme sont décontextualisées du capitalisme et de la lutte des classes. Très peu d’analyses de classe sont faites, et mettre fin à ces exploitations est vu comme une fin parmi d’autres : le racisme, le patriarcat, les LGBTIphobies et autres, seraient plus structurants que le sont les rapports de classe. Il faudrait être de manière indépendante et féministe, et antiraciste, et pour la lutte des droits des LGBTI, et aussi pour une lutte contre toute forme d’inégalités, toutes ces formes d’activismes étant largement compartimentées. Ces positions ne sont pas majoritaires dans notre mouvement. Elles doivent être écoutées et respectées : la diversité des idées dans le mouvement communiste ne doit pas être vue comme une faiblesse. À condition que l’on accepte d’appliquer les décisions majoritaires lorsque ces décisions sont issues d’un débat de fond. Malheureusement, le coup de force de la direction sortante de l’UEC n’a pas permis de débat sur ces questions. L’absence des camarades défendant ces positions lors de l’ANA de 2020 n’a pas permis d’en débattre fraternellement. Le débat d’idée dans le mouvement en sort affaibli. Surtout lorsque la campagne nationale menée par l’ancienne direction de l’UEC « étudier c’est travailler » n’a pas été adoptée en conseil national, mais simplement lancé par une poignée de cadres, en utilisant les moyens de l’organisation… Qu’elles et ils refusent ensuite tout débat sur la campagne n’est pas la meilleure solution pour apaiser les tensions dans le mouvement.

Une instrumentalisation de la question du MJCF, dans l’optique d’un congrès revanchard du PCF

Après avoir dressé un tel bilan, je vais dire quelque chose qui pourrait paraitre audacieux : je pense qu’il ne faut pas en vouloir aux cadres de notre mouvement de jeunesse qui ont fait des erreurs et des fautes (en tout cas, dans la limite du possible).

La première raison, qui va sans dire, mais qui ira mieux en le disant, est que toutes les personnes étant concernées de loin ou de près par ce conflit sont des communistes. Elles et ils veulent tou‧tes œuvrer à un dépassement du capitalisme, et malgré la diversité de nos opinions et nos divergences, nous avons des objectifs communs. 

Je tiens à l’écrire clairement, car ces conflits qui nous divisent ne devraient pas nous éloigner de nos objectifs communs qui ont la potentialité de rassembler l’ensemble des communistes. Il faudra se retrouver dans nos pratiques militantes et renouer avec des liens de camaraderie qui ont été difficiles à tenir ces derniers mois au MJCF. 

Bien sûr, le seul fait que nous ayons des objectifs communs ne peut pas tout excuser. Les cadres de notre mouvement doivent faire preuve d’une certaine probité. Pour autant, l’exercice de cadre du mouvement communiste n’est pas un exercice de tout repos : les camarades en question sont toutes et tous de jeunes cadres, n’ayant pas une expérience pratique que peuvent avoir des camarades plus âgé‧es dans le militantisme. Être cadre du mouvement communiste — plus encore aujourd’hui alors qu’il n’y a plus d’école du parti — est avant tout un apprentissage pratique. Les erreurs, même importantes, peuvent faire partie de cet apprentissage. 

Il y a évidemment des camarades à qui j’en veux, mais ceux-là ne sont pas celles et ceux qui ont été touchés directement par ce conflit. Il s’agit des cadres plus expérimentés du Parti Communiste qui gravitent dans l’entourage direct des cadres de l’UEC et du MJCF qui ont commis ces erreurs. 

Lorsque plusieurs unions départementales du MJCF, à l’initiative de l’union départementale du Val-De-Marne, décident de publier un communiqué relatant des mensonges sur le déroulement de l’ANA (et s’étant déroulé avec la participation de plus d’une centaine de jeunes communistes, ainsi que des cadres nationaux du Parti Communiste : plus c’est gros plus ça passe), il n’y a personne dans les fédérations pour tirer la sonnette d’alarme ? Personne pour leur dire que ça n’était peut-être pas tout à fait acceptable de s’indigner que le temps de parole n’ait pas été suffisamment paritaire lors de la dernière ANA, alors que c’est en partie parce que les hommes de leurs propres délégations monopolisaient la parole ? (Avec un total de 10 interventions consécutives pour l’un d’eux !) Personne pour leur dire que mentir sur ce qui a été dit sur les violences sexistes et sexuelles lors de cette instance pourrait paraitre indigne ? 

Nos instances se réunissent généralement de façon fermée, cela a été aussi le cas de l’ANA. Il est facile de produire un communiqué mentant sur ce qui s’y est passé lorsque les dirigeant‧es du mouvement s’en tiennent à des comptes rendus résumant les décisions prises. C’est la stratégie de la terre brulée que j’ai évoquée plus tôt (c’est-à-dire porter des coups au mouvement communiste avec l’optique de rester aux responsabilités). Surtout qu’ici les adhérent‧es n’ont pas d’autre document relatant le déroulement de l’ANA. 

Il en va de même sur les tentatives d’outrepasser les cadres établis collectivement, et d’utiliser les moyens de l’organisation pour mener des coups de force interne : on peut en être tenté lors d’une situation de crise, lorsque l’on est convaincu de la justesse de ces positions, mais c’est une erreur qui peut avoir des conséquences sur le mouvement communiste. Les cadres du parti communiste ne peuvent pas l’ignorer. 

J’aimerais formuler l’hypothèse suivante : il y a des cadres du parti communiste qui savent très bien ce qui se passe au MJCF, et qui ont pour objectif de jouer sur les tensions dans l’optique de mener un futur congrès du PCF revanchard.

Nous ne sommes pas d’ailleurs à la première tentative d’instrumentalisation du MJCF pour mener des batailles internes : en juillet dernier, l’Union Départementale MJCF du Val-De-Marne avait publié un communiqué réclamant l’exclusion du PCF du maire de Vitry-Sur-Seine, prenant, de fait, partie pour le secrétaire de la fédération PCF du Val-De-Marne.[20] 

Au lendemain de l’exposition de ces tensions au vu et au su de tou‧tes les communistes (c’est-à-dire après le Conseil National du PCF de novembre 2020), dans une tribune commune, écrite par des camarades étant proche de la mouvance ayant proposé le texte alternatif « pour un printemps du communisme » au 38e congrès, il est dit « Par ailleurs ce qui se passe à Vitry ou au MJCF nous inquiète, et nous entraine dans une logique où les manœuvres politiciennes, voire d’épuration prendraient le dessus sur les exigences d’unité et de rassemblement. »[21]

Une conseillère nationale du PCF proche de cette mouvance a pris position lors des derniers conseils nationaux du PCF pour l’ancienne direction de l’UEC, et s’est rendue aux réunions de médiation organisées par le PCF, non pas pour jouer un rôle de médiatrice, mais en soutien à la direction sortante de l’UEC, sans qu’aucun mandat ne lui ait été confié.[22] 

Cette conférence nationale, convoquée hors des instances du MJCF, a disposé d’un soutien matériel, moral et politique des fédérations PCF des Hauts-de-Seine et du Val-De-Marne.[23]

Fin 2019, la fédération des Hauts-De-Seine du Parti Communiste a demandé au MJCF 92 s’il était possible pour eux de se passer de leur permanent, expliquant que les moyens manquaient. Les camarades du MJCF 92 ont accepté, sensibles à la question des finances, mais elles et ils ne savaient pas que deux cadres nationales de l’UEC — l’ancienne secrétaire nationale et secrétaire à l’organisation — seraient embauchées par cette même fédération du PCF 92, manquant prétendument de moyens pour le MJCF ! Comble : on ne sait toujours pas sur quelles missions elles sont embauchées !

L’usage veut que les fédérations du PCF aident à avoir, lorsqu’elles le peuvent, un‧e permanent‧e de l’Union Départementale du MJCF, afin qu’elle ou il s’occupe du MJCF. En revanche, cette façon d’intervenir dans les débats du mouvement de jeunesse, et d’en choisir les cadres qui seront les interlocuteurs et interlocutrices de la fédération, est assez inédite.[24]

Même si elles et ils s’en cachent, les tensions attisées leur permettent de pousser certaines idées. Ainsi lorsque la crise de l’UEC a été évoquée au Conseil national du PCF, montrant une division des communistes, le secrétaire de la fédération des Hauts-de-Seine s’est exprimé pour dire « Si, comme cela a été réaffirmé cet après-midi, nous nous dirigeons vers la présentation d’un candidat communiste à l’élection présidentielle, comment prétendre rassembler les Français sur un vote si nous ne parvenons pas déjà à rassembler les communistes ? »[25] 

Une lettre à l’adresse de Fabien Roussel, signée par d’ancien‧nes cadres du MJCF et datée du 23 novembre, en plus de la direction du MJCF, met en cause la direction nationale du PCF dans cette affaire.[26] Il s’agit, selon moi, de l’objectif de cette manœuvre de division au MJCF : mettre en cause la direction nationale du PCF et les décisions communes que nous avons prises lors de notre 38e congrès du PCF. Ainsi, je pense que des signataires de cette lettre — dont certain‧es sont dans l’entourage de l’ancienne direction de l’UEC s’étant constituée en fraction — ont incité ces dernier‧es à mener ce coup de force. Elles et ils les ont incités à ne pas respecter les règles de notre mouvement, ils et elles les ont incités à ne plus être présent‧es dans nos instances. Tout cela pour pouvoir opportunément présenter ce conflit comme une exclusion, et pouvoir attaquer la direction nationale du PCF par là même.

Ainsi dans leur lettre, pas un mot sur les nombreuses tentatives de médiation des directions du MJCF et du PCF. Pas un mot sur l’absence volontaire des ancien‧nes cadres de l’UEC aux instances permettant le renouvèlement de leur fonction. Pas un mot sur l’absence de respect des règles que nous avons collectivement établies. Pas un mot sur la séance étudiante de l’ANA, représentante plus d’adhérent‧es de l’UEC que la « conférence nationale » réunie la semaine précédente. Pas un mot de tout ça : l’UEC dans son ensemble est présentée comme exclue. 

Une confusion est entretenue sur ce qu’est l’UEC. Présentée comme organisation indépendante, sa conférence convoquée antistatutairement est présentée comme une instance officielle et représentative… Alors même que des secteurs représentant une majorité d’étudiant‧es communistes ont élu‧es Jeanne Péchon comme secrétaire nationale de l’UEC, celle-ci n’est même pas mentionnée dans cette lettre. D’où vient réellement la volonté d’exclure ? 

La question des statuts semblerait accessoire pour ces cadres : doit-on leur rappeler qu’il s’agit des règles que les communistes ont collectivement et démocratiquement établies en congrès ?

Pas un mot non plus, sur les débats de fond qui traversent le mouvement, et que l’ancienne direction a refusé d’affronter.

Pas un mot non plus sur le fait que la conférence convoquée par l’ancienne direction de l’UEC n’a pas envoyé d’invitation aux secteurs dont elle craignait une opposition : difficile ainsi d’admettre que le respect des opinions des un‧es et des autres soit du côté de cette ancienne direction de l’UEC. 

Tous les camarades signataires de cette lettre n’étaient évidemment pas informé‧es de ce qui se passe en interne au moment où elles et ils ont donné leur signature. Certain‧es l’ont fait de toute bonne foi, croyant à la présentation des faits dans la lettre, tronquée, voire mensongère. 

Ces camarades, qui ont attisé des tensions au sein du mouvement communiste, ont comme chaque cadre du parti, des comptes à rendre aux adhérent‧es. Ce n’est pas un gros mot, c’est même plutôt sain d’un point de vue démocratique. On ne peut pas allumer un feu et faire mine qu’on n’y est pour rien.

Si une majorité d’adhérent‧es leur signifie qu’elles et ils n’approuvent pas ces méthodes, ce ne serait pas pour couper des têtes ou les exclure mais parce qu’elles et ils sont leurs cadres, leurs dirigeant‧es, leurs camarades et c’est dans leur droit de leur demander de rendre des comptes. 

Une certaine colère est présente chez les adhérent‧es du PCF quant à certaines décisions clivantes prises par nombre de cadres de notre parti. Dire que cette colère fait froid dans le dos et rappelle le temps des « purges soviétiques », comme j’ai pu l’entendre et le lire, ce n’est pas à la hauteur des enjeux. Quand on est élu‧e ou avec des responsabilités politiques, on l’est d’abord grâce à notre parti, et donc à l’ensemble de ces adhérent‧es. Surtout aujourd’hui, alors que les exclusions politiques ne sont plus des pratiques du Parti Communiste depuis des décennies. Il faut dépasser la colère de la base par le débat dans nos instances, et se dire qu’il y a de la dignité et de l’honneur à se battre pour ses idées et ses convictions au sein même de nos instances, quand bien même, au final, on est mis en minorité.

Au PCF, comme au MJCF, les instances et les organisations n’appartiennent pas à des groupes de cadres, mais à l’ensemble des adhérent‧es.

Une utilisation politique scandaleuse des violences sexuelles et sexistes

Ces dernières années, des affaires de violences sexistes et sexuelles ont éclaté au sein du PCF et du MJCF, et ont été relayées dans des articles de presse. Des gens qui étaient membres de nos organisations ont commis, des actes graves, des actes criminels, sur des camarades. 

Ces affaires ont été exposées dans la presse de manière inédite, cela ne veut pas dire que ces actes se produisent plus aujourd’hui qu’hier. La société a évolué, et la vague internationale féministe de « Me Too » a dénoncé ces comportements, a montré leur caractère odieux, et pointé du doigt l’impunité dont jouissent les agresseurs et criminels, alors que les victimes sont généralement culpabilisées. Les violences sexistes et sexuelles se produisent massivement dans notre société.

Nous sommes une organisation progressiste : ce qui est apparu inacceptable pour le reste du monde a pu paraitre d’autant plus inacceptable pour les communistes. 

Rappelons une chose : si une personne dit avoir été victime d’une agression ou d’un viol, on a toutes les raisons d’agir et aucune raison de remettre en cause ses propos. Parce que se dire victime d’agression c’est s’exposer aux représailles de l’agresseur ou du criminel et de ses allié‧es, c’est être pointé‧e du doigt dans une société où règne — ce que les féministes ont raison d’appeler — une culture du viol. La justice ne condamne qu’un petit nombre d’agresseurs et criminels. Ils jouissent encore aujourd’hui d’une grande impunité. 

Suite à ces affaires, une commission contre les violences sexistes et sexuelles a été établie, afin d’aider les victimes de nos organisations. Cette commission étant en partie externalisée, nous disposons de l’aide du Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV). Toutes ces évolutions vont dans le bon sens, et il est vrai que par le passé la manière dont ont pu être traitées ces affaires, au MJCF, à l’UEC et au PCF a souvent posé problème. Et ce n’est pas terminé : il faut continuer être très vigilant‧es.

Je tiens à renouveler l’expression de mon soutien inconditionnel à tous celles et ceux qui ont été victime de la barbarie que représentent les violences sexistes et sexuelles, et tiens à répéter que nous ne devons pas douter de la parole de celles et de ceux qui se sont dit‧es victimes de tels actes. Je les crois, nous devons les croire, et en aucun cas les critiques que je vais faire dans le reste de ce texte ne leur sont adressées. 

Ce préalable fait, j’aimerais en venir à une chose qui me semble scandaleuse et qui a été pratiquée durant ce conflit de longue date : l’utilisation des violences sexistes et sexuelles à des fins politiques. Depuis que je suis adhérent au MJCF, j’ai été confronté à certaines affaires d’agression ayant eu lieu dans notre mouvement. Celles-ci sont complexes, parce que le cas où la victime vient clairement dire qu’elle a été agressée par un adhérent, après que l’agression se soit produite, et auprès des cadres du mouvement, est exceptionnel. Il faut parfois des mois ou des années pour que la victime se manifeste. Et il est illusoire de penser qu’il est simple pour les cadres du mouvement de savoir lorsqu’un agresseur ou criminel a commis un acte ignoble, dès qu’il a été commis. Cela ne veut pas dire que certain‧es n’ont pas fauté — loin de là !

Ces fautes ne se limitent pas à l’absence d’aide aux victimes : j’ai été témoin de situations où des cadres maniaient les accusations d’agression pour exclure des camarades ou pour s’opposer à d’autres cadres. Il faut être clair, les victimes ne mentent jamais sur ces questions, je n’évoque pas ici la parole des victimes mais de tiers disant « X a été victime d’une agression par Y et Z a été complice », pour jeter l’opprobre indifféremment sur Y, Z et… X ! C’est en tout cas ce dont j’ai été témoin. Ces calomnies, très graves, nuisent profondément aux victimes. Déjà qu’il s’agit d’affaires complexes parce que les victimes mettent généralement du temps pour mettre des mots sur ce qu’elles et ils ont subi, mais lorsque des rumeurs calomnieuses sont diffusées (par des personnes tierces, qui disent s’exprimer au nom de victimes, mais qui ont un intérêt politique), il est difficile de faire le tri entre les vraies accusations et les fausses, et il faut attendre que la victime s’exprime sur son agression pour pouvoir agir : on ne peut pas pousser la victime à en parler, parce que cela se ferait à l’encontre de son rythme traumatique, et lui imposerait une nouvelle violence. Si certain‧es n’avaient pas pour habitude de lancer de telles rumeurs, eh bien l’aide aux victimes en serait facilitée. Lorsque ces rumeurs sont mélangées à des manquements et des fautes lourdes d’autres cadres — qui sont aussi des réalités — cela créer des situations difficiles. 

Je peux en parler parce qu’une de mes camarades, qui a été victime d’une agression, aurait pu être mise en sécurité et l’agresseur éloigné bien plus tôt, si avant de subir l’agression, un cadre du mouvement n’avait pas cru bon de diffuser des rumeurs quant à une agression qu’elle aurait subie — fictive cette fois-ci ! Je parle de ma camarade que j’ai évoquée dans la première partie de ce texte, qui a subi des rumeurs pour avoir découvert un système de fausses cartes. Celle-ci aura subi plus tard une agression, qu’elle aura mis du temps à savoir décrire, et elle l’aura confiée à un petit nombre de personnes au début. Lorsque les personnes en question nous ont expliqué que celle-ci avait subi une agression, nous pensions qu’il s’agissait de l’agression montée de toute pièce. Nous avons eu du retard pour la soutenir : je m’en veux, comme j’en veux à celles et ceux qui ont menti.

Autre chose : les agresseurs, lorsqu’ils sont pointés du doigt par des victimes, et que ce qu’ils ont fait commence à être connu, ont une défense qui est très souvent la même lorsqu’on les éloigne du mouvement : « c’est un complot politique, destiné à me faire tomber ». En jouant sur la question des violences sexistes et sexuelles pour des motifs politiques, on apporte de l’eau au moulin des agresseurs et des criminels. 

On ne joue pas avec de telles accusations sans nuire aux victimes. 

À ce titre, deux accusations graves ont été portées dans deux communiqués portant le sceau de notre mouvement. L’une émanant de la conférence nationale de l’UEC autoproclamée pour reconduire l’ancienne direction, l’autre par un communiqué commun de plusieurs Unions Départementales, dont celle du Val-De-Marne (proche de l’ancienne direction de l’UEC). La première expliquant que la direction sortante a subi une cabale politique parce qu’elle a soutenu les victimes de violences sexistes et sexuelles dans notre mouvement, la seconde est qu’un délégué aurait, lors de la dernière ANA, mis en cause la parole des victimes sous l’écoute complaisante des cadres nationaux du MJCF. 

Commençons par le communiqué des Unions Départementales[27], largement mensonger sur le déroulement de l’ANA.[28] Celui-ci explique que la parole des victimes a été qualifiée de « diffamatoire » par un délégué.

Le seul délégué ayant parlé de violences sexistes et sexuelles, c’était moi. Ma camarade victime d’agression au sein de notre mouvement, qui ne voulait pas s’exposer, m’en a chargé, car l’utilisation des violences sexistes et sexuelles à des fins politiques lui a fortement nui.

Dans mon intervention, je demandais à ce que cesse l’utilisation politique de ces violences, qu’il était inacceptable de les utiliser pour justifier un coup de force interne et diffamer des camarades qui n’ont pas fauté à cet égard. Mon intervention a été transformée par ce communiqué. Ainsi la voix d’une victime d’agression, dont j’étais le relai, a été salie une nouvelle fois par un communiqué se réclamant pourtant être un soutien aux victimes.

Ces derniers mois, j’ai donc compris qu’un communiqué dénonçant des actes de violences sexistes et sexuelles dans notre mouvement ne faisait pas que ses auteurs et autrices soient irréprochables.

Si j’avais eu plus de responsabilités au MJCF ou au PCF, ces accusations à mon encontre auraient étés nominales : des rumeurs de telles sortes existent sur des dirigeant‧es du MJCF, accusé‧es de protéger des agresseurs et criminels, de mépriser les victimes (alors même que le CFCV ainsi que la commission contre les violences ne leur a jamais rien reproché). Formulées par des gens faisant partie ou étant proches du groupe constitué en fraction, ces accusations nuisent aujourd’hui au mouvement communiste tout entier.[29]

Dans les faits de violences sexistes et sexuelles dans notre mouvement, il y a des cadres qui ont bien agi dès le début, au PCF, au MJCF, ainsi qu’à l’UEC. Des cadres ayant fauté, il y en a eu au PCF, à l’UEC, et au MJCF. Et pour être tout à fait honnête, les quelques cadres à l’avant-garde sur ces questions (des années avant la vague « Me Too ») ont été moqué‧es pour avoir proposé une semaine du féminisme, des formations lors du stage lycéen‧nes, ou encore la publication d’un livret contre les violences sexistes et sexuelles à destination des membres du mouvement. Ces cadres ont toutefois subi le lynchage de celles et ceux qui usent d’un tel sujet pour régler des comptes politiques.

Pourtant l’ancienne direction de l’UEC, épaulée par quelques Unions Départementales du MJCF (dont certaines n’ont jamais autorisé la signature dudit communiqué ou encore se sont retirées du Mouvement après le congrès de 2019), prétend être la direction qui aurait systématiquement bien agi sur ces questions — contre les cadres nationaux du MJCF, qui auraient systématiquement mal agit. La réalité est bien différente et beaucoup plus complexe.

Ainsi pour fédérer de jeunes camarades, pour maintenir une direction se trouvant minoritaire en place, pour outrepasser les cadres collectifs et démocratiques, on utilise les cas de violences sexistes et sexuelles ayant eu lieu dans notre mouvement. C’est un petit jeu dangereux, qui pourrait être qualifié d’atteinte délibérée aux valeurs de dignité humaine qui sont censées nous être communes. Surtout que la prétention d’avoir toujours bien agi est fausse. Il y a des mois de ça, un cadre de l’UEC a été suspendu, car dénoncé dans une affaire d’agression sexuelle. Des cadres de l’ancienne direction de l’UEC se sont interrogé‧es quant à la véracité de ces accusations, mettant en doute la parole de la victime parce qu’elle avait choisi de ne faire connaitre son identité qu’à la commission contre les violences. Elles et ils ont donc tardé à l’écarter. Lorsque des camarades se sont plaint‧es de sa présence à des évènements nationaux de l’UEC, l’ancienne direction n’a pas éloigné ce camarade. Elle ne l’a fait que lorsque ces reproches ont été maintes et maintes fois répétés. Que l’on ne se méprenne pas sur ce que je dis : faire des erreurs ça arrive, surtout qu’au final cette personne a été écartée. Mais le fait qu’on se prétende irréprochable du point de vue des violences sexistes et sexuelles, alors qu’à côté on peut faire de telles erreurs, c’est honteux. 

C’est désastreux parce que la question des violences sexistes et sexuelles n’est pas un concours dont les prix de celles et ceux qui se seraient le mieux comporté‧es seraient des sièges de petit bureaucrate : en faisant cela, on ne fait pas de la lutte contre ces violences une lutte qui irait chercher le plus d’allié‧es pour permettre de faire justice, mais un funeste match. 

Surtout que ce n’est pas la seule fois où les cadres de l’UEC ont eu des attitudes problématiques en interne vis-à-vis de ces questions : les accusations touchant les membres de leur groupe étant présenté comme des complots, les rumeurs douteuses touchant des membres en dehors de leur groupe étant présenté comme des vérités incontestables… quand bien, même il n’existe pas de victime. 

Avec ces jeux dangereux, il y a eu plusieurs situations kafkaïennes. Des cadres — le plus souvent des femmes ! —, ayant été à l’avant-garde sur la question des violences sexistes sexuelles — ayant passé des journées et des nuits à accompagner les victimes de violences, notamment pour déposer plainte, et pour leur permettre de se reconstruire, sans en faire la promotion — ont été qualifié‧es de « soutiens des agresseurs » par des camarades faisant œuvre de calomnie et par celles et ceux qui ont cru ces dernier‧es. Qualifié‧es ainsi alors qu’en même temps elles recevaient les menaces d’agresseurs qu’elles et ils ont écarté‧es ; qualifié‧e alors qu’elles et ils devaient parfois affronter leurs propres démons.

Des cadres ayant elles-mêmes été victimes d’agression dans le mouvement se sont vues calomniées et salies, car on les a accusées d’être des alliées des agresseurs. Sans preuve tangible. Sans les entendre. Sans chercher à comprendre. Tout le monde n’est pas en capacité de systématiquement répondre efficacement aux violences sexistes et sexuelles : en particulier quand on en a soit même été victime récemment ! On va reprocher à des femmes combattant leurs propres démons — ceux que leurs agresseurs ont créés — de ne s’être pas comportées en surhumain pour venir en aides à d’autres victimes ?

C’est pourtant ce qui a été fait. On a même jeté des victimes de violences contre d’autres victimes de violences. 

Les gens qui ont fait ça l’ont fait pour mener de ridicules intrigues intestines se rendent délibérément coupable d’une mesquine sauvagerie. Se rendent délibérément coupable d’un petit affront au genre humain. 

Ceci est la conséquence directe de cette stratégie de la terre brulée : elle n’est pas de faire justice, comme elle le prétend, aux victimes de violences. Elle est uniquement là pour maintenir des cadres, donner de la force à des idées et des positions sans avoir besoin d’en débattre dans nos instances : qu’importe les dommages humains collatéraux qu’elles et ils provoquent. 

Mais il ne faut pas perdre de vue que des deux côtés du conflit, il existe des gens bien intentionnés.

Quant à la justification du coup de force mené par cette direction de l’UEC, qui explique donc qu’elle est légitime à le mener de par ses positions sur les affaires de violences sexistes et sexuelles, celles qui lui vaudraient une cabale[30] : j’aimerais m’adresser à l’ensemble des jeunes et étudiant‧es communistes, qui ont été légitimement ému‧es par ces écrits et ces dires, pour leur dire qu’il faut avoir une exigence : on ne tranche jamais des questions politiques en utilisant son soutien aux victimes. 

Ernesto Guevara disait « Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre cœur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire. » En tant que révolutionnaire, il est normal d’être profondément choqué‧e que des camarades aient dû vivre ces actes odieux, ces actes criminels, qui plus est de la main de gens qui se disent être des communistes. Il est normal de vouloir mobiliser toutes les forces du monde pour faire justice. Mais si un révolutionnaire doit avoir le cœur chaud, il doit invariablement aussi avoir la tête froide. Des camarades peuvent tenter de se servir de votre capacité à vous indigner, ils peuvent très bien avoir des intérêts politiques et personnels à vous mener en bateau. De grâce, ne soyez pas naïf ! Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens qui ont gravement fauté, et qu’il ne vaut pas s’en scandaliser. Cela veut dire qu’il faut être vigilant‧e. 

Il y a une manière simple de se prémunir de croire à des récits qui n’ont que pour but de vous émouvoir : nous sommes des matérialistes, nous savons que les choses ne peuvent pas être exclusivement blanche ou exclusivement noire. Si l’on vous décrit des camarades qui sont des saint‧es, se battant contre d’autres camarades qui sont des démon‧es : méfiance ! La réalité est toujours traversée de mouvements contradictoires, et les récits qui ne décrivent pas cette réalité contradictoire sont, de fait, partiaux. Gardez la tête froide avant de bouillir. Vous êtes dans un mouvement où vous ne pouvez pas douter que nous partageons des valeurs de dignité humaine. Des membres de notre mouvement refusant de croire les victimes, refusant d’éloigner les agresseurs avérés, il y en a. Nous avons nos brebis galeuses, mais je peux vous assurer qu’elles ne sont pas aussi nombreuses que certains voudraient le faire croire. 

Je terminerais en disant que je pense que les camarades maniant habilement le mensonge ne sont qu’une poignée. D’autres camarades, y compris des cadres, se font honnêtement le relai de leur mensonge. Tout le monde n’a pas le même niveau de responsabilité dans cette histoire. Pour déterminer le vrai du faux, il faut que le parti communiste, en tant qu’organisation sœur, mène une enquête interne. Rappelons les accusations émanant d’un document frappé du sigle de l’UEC : « Depuis 2018, des pratiques de plus en plus systématiques de mise à l’écart, de procès politiques, et de dénigrement touchent toute l’organisation. Aux unes, il est reproché d’avoir dénoncé les violences sexuelles qui touchent l’organisation. Aux autres, de n’avoir pas sanctionné les premières. »[31] Ces accusations sont trop graves pour être ignorées. Soit elles détiennent une part de vérité, et alors des sanctions sans ambigüités devront être prises, soit il s’agit de propos diffamatoires, et celles et ceux qui ont menti devraient d’urgence être éloignés de tous les postes de direction du mouvement communiste.

Il en va de la nécessaire protection des victimes.

Dépasser le conflit par le débat dans les instances qui nous sont communes et par un congrès qui vise à rassembler

Aujourd’hui, une situation de conflit ouvert existe dans le mouvement communiste. Elle ne peut que durer si, en lieu et place d’un débat démocratique, et de décisions de congrès, s’accumulent les décisions de cadres avec peu de concertation des adhérent‧es. Elle ne peut durer si des cadres continuent à se croire propriétaires des organisations dont elles et ils sont membres, et ce en dépit des décisions majoritaires. Lorsqu’un vote a lieu en congrès ou en ANA, le débat est tranché, et l’on se doit d’appliquer les décisions collectives. Impossible de construire un mouvement de masse démocratique sans cela. 

Il faut faire preuve de responsabilité lorsqu’il est possible — alors que les décisions du gouvernement d’E. Macron jette tout un pan de la jeunesse dans la précarité — de reconstruire le mouvement de jeunesse le plus important de notre pays. D’autant que les revendications des communistes font fortement consensus dans la jeunesse.[32] 

Il faut respecter les instances, et les organisations communistes et cela commence par un respect des décisions majoritaires ! Quelle image donne-t-on de nous lorsque l’on donne à voir un tel spectacle ?

Les adhérent‧es, bien qu’en dehors de ces guerres de cadres, peuvent être derrière l’une ou l’autre des deux directions de l’UEC. Elles et ils doivent avoir leur mot à dire. Par ailleurs, il faudra revoir notre manière collective de fonctionner. Aujourd’hui, les débats qui ont lieu dans les instances de notre mouvement sont « privés » : ainsi les adhérent‧es ne sont pas souvent au courant de tout ce qui s’y passe et de tout ce qui s’y dit. La confusion s’installe alors plus facilement.

Si les comptes rendus des Conseils Nationaux du MJCF avaient été communiqués à tou‧tes les adhérent‧es du mouvement (en s’assurant que toutes et tous y aient accès, par exemple, en les publiant sur le site internet du MJCF en les rendant accessibles via un compte personnel), alors les efforts de médiation du MJCF auraient été connus par tous et par toutes, et les accusations d’exclusions politiques auraient été plus difficile à émettre.[33] Il est vital de travailler à une plus grande transparence de nos instances, souvent trop opaques. Il nous faut mieux communiquer en interne de nos organisations. 

Seule solution pour sortir de cet enlisement : un congrès, bien préparé, durant le temps qu’il faut, pour dépasser les conflits et réunir l’ensemble des jeunes communistes. 

L’ensemble des jeunes et étudiant‧es communistes devraient participer à son processus. Il ne faut nier à quiconque sa nature d’adhérent‧e. Un travail de remontée des cotisations devra être mené, seul moyen de faire valoir des adhésions au MJCF et donc à l’UEC. Il faudra que tout le monde respecte les règles du jeu, ce sera nécessaire pour renouveler le débat. Mais cela ne devrait pas empêcher des camarades de participer si des cadres décident de ne pas remonter leurs cotisations. Là encore, on devra faire preuve de souplesse et accepter tout camarade ayant payé sa cotisation dans le processus de congrès — quand bien même des cadres décident de bloquer leurs cotisations !

Ce congrès sera une nouvelle occasion de revoir l’autonomie de l’UEC : il faut que cette autonomie soit un outil pour une organisation spécifique du MJCF sur les lieux d’étude, et non pas — comme ça a pu être le cas ces dernières années — pour permettre une organisation semblable à une tendance au sein de notre mouvement. 

Tous les cadres du mouvement devront y participer, si des camarades pensent honnêtement que les tensions rendent impossible leur venue à cet évènement collectif, il faudra que le parti communiste épaule le mouvement de jeunesse et redouble d’efforts pour permettre la sécurité de chacun et de chacune. Ce congrès devra se tenir d’ici un an au maximum, car il s’agit désormais d’une étape nécessaire à la reconstruction de notre mouvement. 

Il y a évidemment des décisions immédiates à prendre, qui ne peuvent pas attendre le congrès. La principale, je le pense, est un travail d’information sur les décisions prises dans les instances du MJCF. À ce titre, il n’est pas acceptable que l’ancienne direction de l’UEC se prétende encore à sa tête de l’organisation, lorsque légalement elle ne l’est pas,[34] et ainsi, créer la confusion.[35] Il n’est pas acceptable non plus que l’ancienne direction puisse accaparer les moyens de communication du mouvement (notamment ses pages sur les réseaux sociaux, comportant plusieurs dizaines de milliers d’abonnées). Cette confusion nuit au MJCF donc à l’UEC. Il est important d’accepter les décisions prises collectivement, sans quoi le respect au sein du mouvement communiste en ressort émaillé. 

Des camarades méritant‧es, il en existe de deux côtés, et nous devons nous retrouver. La plupart des cadres de la direction fractionniste de l’UEC n’ont pas fauté, beaucoup de celles et ceux de l’ancienne direction auraient leur place dans une direction unifiée. Il faut que nous reconstruisions notre mouvement par le rassemblement, et dès aujourd’hui par nos gestes militants. Nous nous retrouvons déjà dans les actuelles manifestations pour des conditions d’études dignes, et nous pouvons, ensemble, mener deux batailles capitales : la bataille gagnable immédiatement pour un RSA pour les moins de 25 ans ; une bataille de plus long terme pour un revenu étudiant qui soit bien au-dessus du seuil de pauvreté.  100 ans après le grand congrès qui a vu notre adhésion à l’internationale communiste des jeunes, nous pouvons dépasser les conflits et redevenir une organisation de jeunesse et étudiante de premier plan. Il s’agit de faire honneur à nos prédécesseurs et prédécesseuses, qui ont su, lors de ces 100 dernières années, affronter des crises bien plus profondes et graves en des temps où les perspectives étaient bien plus sombres qu’aujourd’hui.   

Publié dans Jeunesse, PCF

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