Contribution d'Yves Dimicoli : Présidentielle, tenir le cap de notre congrès
L’objet de la prochaine conférence nationale est de se donner ou non un candidat communiste à l’élection présidentielle. Dans le premier cas, il s’agit, lors du seul moment électoral français où l’on peut parler projet, de tenter de faire progresser dans les consciences, contre l’abstention ou un vote par défaut, des idées marquantes pour résister et crédibiliser une perspective alternative politique et de société.
Dans le second cas, il s’agit, en minimisant le rôle décisif de l’élection présidentielle dans les consciences et dans nos institutions actuelles, de tenter de sécuriser des places de député par des négociations entre appareils.
L’enfermement du débat présidentiel, voire son conditionnement, dans une négociation pour un « contrat de législature », qui ne pourrait alors être qu’un plus petit commun dénominateur très loin de ce que cherchent les luttes et de ce qu’exige la situation, aseptiserait la campagne du candidat communiste à la présidentielle, et réduirait notre apport à un insipide brouet électoraliste.
Or, à ce stade si tragique de la crise systémique du capitalisme, il s’agit bien de montrer que c’est toute une logique, celle du capital pour qui l’argent ne doit servir qu’à faire plus d’argent, qu’il faut mettre en cause par l’avancée progressive et immédiate d’une tout autre logique. Celle-ci ferait de l’expansion des dépenses pour développer toutes les capacités humaines (santé, recherche, éducation-formation, environnement ...), les sécuriser et les promouvoir dans leur singularité, le moteur d’un nouveau type de croissance et de développement durable. Elle ouvrirait une voie d’éradication du chômage et de libre épanouissement de chacun.e en terrassant l’ennemi, le coût du capital, et en fondant le droit inaliénable pour chacun.e d’un emploi ou d’une formation pour un meilleur emploi tout au long de sa vie active. Elle requiert la conquête de pouvoirs d’intervention décisionnelle des salariés et des citoyens sur l’utilisation de l’argent des profits, des fonds publics et du crédit, en France comme en Europe.
N’est-ce pas l’effacement de ces idées, de leur visibilité, au prétexte de négociations de sommet pour des places, aussi indispensables soient-elle, qui a fait perdre depuis quarante ans de son utilité au vote communiste et a permis l’installation du vote d’extrême-droite, vote de désespoir et de haine, dans notre pays ? N’est-ce pas cet effacement qui a encouragé la gauche à ne pas se renouveler jusqu’à sombrer dans le social-libéralisme si honni ou à s’enfermer dans un populisme aux accents parfois nationalistes ?
Il ne suffira pas alors de gémir sur le risque Le Pen, son duo avec Macron. Il ne suffira pas de psalmodier qu’il ne faut « pas recommencer ce qui a échoué » et d’en appeler ce que les partis de gauche adoptent « un programme de rupture avec le capitalisme »… Termes magiques mais qui, en soi, n’engagent pas à grand-chose et que reprend volontiers Mélenchon pour tenter de nous tirer à nouveau dans ses filets, après que bien de ses mailles essentielles se soient rompues au feu de l’expérience.
Le rassemblement est affaire trop sérieuse pour qu’on la confie à des magiciens ! Ce serait là le meilleur chemin pour recommencer ce qui a échoué et conduirait alors vers bien pire encore.
C’est pour cela qu’il est si important qu’il y ait un candidat communiste à l’élection présidentielle et que le secrétaire national du PCF, lui-même, se soit proposé de l’être pour « aller jusqu’au bout » au lieu de se contenter d’une candidature de témoignage.
Je me félicite que le CN ait majoritairement décidé d’exclure toute « clause de revoyure ». Elle aurait, en effet, permis d’interrompre, le cas échéant, la campagne de notre candidat pour rallier une éventuelle candidature commune, en l’espèce Mélenchon, en faisant prévaloir la recherche d’un « contrat de législature » au sommet, pour répartir des places, sur celle d’un rassemblement populaire pour des idées vraiment transformatrices dont les luttes pratiques peuvent se saisir.
Comment peut-on imaginer des élections législatives consolidant le PCF en laissant planer la possibilité de l’effacement de ses idées pour la présidentielle ? Le rapport de force pour négocier entre appareils les circonscriptions législatives dépendra du rapport de forces construit sur les idées, le projet, en écho aux luttes, pour la campagne présidentielle.
Je soutiens l’amendement présenté au C.N. par F. Boccara, A. Chassaigne et E. Ternant qui propose de ne pas soumettre celle que mènera notre candidat à la pression permanente d’une négociation parallèle entre appareils pouvant, y compris, conduire à un retrait précoce face au chantage de nos partenaires pour les législatives. On a vu ce dont ils sont capables dans les Hauts-de-France !
La période exige beaucoup de ténacité, de rigueur, de cohérence sur nos idées novatrices, c’est-à-dire celles de notre dernier congrès.
C’est vrai, par exemple, pour ce qui concerne la dette publique. Pourquoi reprendre, à l’Assemblée nationale, l’idée d’économistes sociaux-démocrates préconisant d’annuler celle détenue par la BCE, solution magique et illusoire que s’est empressé d’approuver Mélenchon accréditant ainsi que rien de nous différencierait de lui, alors même que notre secrétaire national, à bon droit, a affirmé le contraire dans le JDD ?
C’est là tomber dans un piège tendu par les libéraux pour, surtout, ne plus avoir à parler de dépenses, donc à l’opposé de notre idée qu’il va falloir encore beaucoup les augmenter pour les services publics. Donc accroître cette fameuse dette dont on cherche à nous faire horreur. Pour nous, elle devrait être financée par un Fonds européen démocratique alimenté par les milliers de milliards d’euros que la BCE dilapide aujourd’hui dans le soutien des marchés financiers. Cela permettrait de répondre aux besoins populaires et d’amorcer un nouveau type de croissance et de développement durable capable d’absorber la dette, ce qui n’exclut pas des restructurations. Tout de suite, on peut agir en ce sens en France à partir d’une réorientation fondamentale des missions de la Caisse des Dépôts et Consignation et en nationalisant grandes banques et assurances pour constituer un pôle financier public.
Quand la houle est si forte, la barre doit être tenue fermement vers le cap choisi, celui de notre congrès. Cela signifie qu’il faut, pour la présidentielle, porter haut l’originalité de notre projet et de sa déclinaison en propositions concrètes, à l’appui des luttes et de leur convergence, et non pas se contenter de leur simple invocation.