Marx et le travail, au futur

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Marx et le travail, au futur

« Travail, pourquoi Marx avait raison », le nouveau hors-série de la revue Travailler au futur, se penche sur la pensée du philosophe allemand. Dans ce numéro, les lecteurs pourront découvrir les textes de l’auteur du Capital présentés et analysés par des philosophes, sociologues, économistes et historiens.

Chargés de coordonner le hors-série que la revue Travailler au futur (TAF) consacre à Karl Marx, les philosophes Jean Quétier et Saliha Boussedra en éclairent les thèmes et idées-forces. Entretien.

Il s'agit du traitement de la question du travail chez Marx sous la forme d’un ensemble de textes commentés par des auteurs issus d’horizons disciplinaires différents. Quel a été votre fil directeur ?

JEAN QUÉTIER : L’objectif de ce numéro est avant tout de faire découvrir les différentes facettes de la réflexion de Marx au sujet du travail. Pour y parvenir, nous avons notamment souhaité donner à voir la grande variété de ses champs d’application. En effet, parce qu’elle se situe toujours au croisement de problématiques multiples, elle fournit matière à penser pour les philosophes, mais aussi pour les sociologues, les économistes ou encore les historiens.

Nous avions à cœur de le montrer textes à l’appui, raison pour laquelle nous avons demandé aux contributeurs de choisir des extraits qui leur semblaient particulièrement significatifs, pour que le lecteur puisse s’y confronter directement, en s’aidant de leurs explications. Grâce à ces textes commentés, nous espérons, entre autres, rendre plus accessibles les différentes distinctions conceptuelles qui traversent l’œuvre de Marx.

En quoi la question du travail, dans son concept et sa réalité, est-elle une question centrale à la fois sur le plan théorique et sur le plan pratique pour Marx ?

JEAN QUÉTIER : La mise en évidence du caractère central du travail dans les sociétés humaines constitue sans doute un des apports principaux de l’œuvre de Marx. Le hors-série entend d’ailleurs insister fortement sur ce point. Marx est loin d’être le premier philosophe à s’intéresser à la question, d’autres grands auteurs l’ont fait plusieurs siècles avant lui.

S’il est pionnier en la matière, c’est plutôt parce qu’il confère au travail une fonction cardinale dans l’explication des phénomènes historiques en général. Autrement dit, si l’on ne prête pas attention à ce qui se passe dans la sphère de la production matérielle, on se prive des moyens de comprendre tout le reste.

Par ailleurs, ce qui fait l’intérêt des analyses de Marx, c’est qu’elles donnent également à cette centralité du travail une dimension pratique en l’inscrivant dans une visée politique. Dans les sociétés de classe, et singulièrement sous le mode de production capitaliste, la centralité du travail est une centralité occultée, qui n’est pas reconnue comme telle. Et c’est bien cela qu’il s’agit de changer. Dans un texte rédigé en 1875, Marx résume très bien les choses en disant que « la société ne trouvera son équilibre que du jour où elle tournera autour du travail, son soleil ».

Dans quelle mesure l’approche marxienne du travail, élaborée entre 1840 et 1880, depuis les Manuscrits de 1844 jusqu’au Capital et au-delà, est-elle toujours d’actualité ?

SALIHA BOUSSEDRA : L’analyse marxienne du travail est criante d’actualité. Le concept d’exploitation, par exemple, permet de mettre en lumière l’universalisation de la condition prolétarienne dans le monde, que ce soit en Chine, au Brésil ou en Afrique dans les mines d’extraction de minerais.

En outre, son analyse du travail permet d’opérer des distinctions entre l’activité des femmes au foyer et leur travail salarié et de mettre en lumière ce qu’on appelle aujourd’hui la double journée de travail. La centralité qu’il confère au travail éclaire également sur le phénomène du chômage et des salariés précaires. La force de travail est toujours une marchandise : les salariés doivent toujours se battre pour accéder à l’emploi et ils ne sont pas garantis de le garder.

Mais l’analyse de Marx met aussi en lumière toute l’importance du salaire et de son augmentation à l’heure où le niveau du salaire fabrique des travailleurs pauvres, en particulier du côté des femmes et de la jeunesse populaire, et ne permet pas l’entretien minimum de la vie.

La question du travail est abordée particulièrement dans ce hors-série de Travailler au futur sous l’angle des questions du communisme et de l’émancipation. Pourquoi ?

SALIHA BOUSSEDRA : L’analyse de Marx ne donne aucune recette clés en main pour l’émancipation. En revanche, elle donne lieu à une analyse critique et dialectique d’une formation sociale et ouvre, par cette voie, des chemins pour la voie communiste. Ce numéro revient sur l’enjeu que représente la division du travail. Remettre en cause la division sociale du travail ouvre des chemins de sortie d’une production anarchique vouée seulement à vendre au lieu de produire en fonction des besoins sociaux.

De même, le numéro revient sur le concept de « travail productif ». Des lectures nouvelles de Marx entreprises par Bernard Friot notamment permettent de réévaluer l’apport historique des luttes ouvrières dans les définitions nouvelles du travail productif mais aussi du salaire. En comprenant la centralité du travail, on peut mieux orienter la lutte politique par rapport à toutes celles et ceux qui sont précaires, et donc en difficulté pour se syndiquer, pour créer des liens durables de solidarité dans les lieux de travail.

Les luttes autour du salaire, féministes, écologiques, contre la précarité sont liées entre elles par le monde du travail et en même temps divisées entre elles par la violente fragmentation du monde du travail. L’enjeu d’une lutte communiste est de mettre en lumière ces liens et de participer avec la lutte syndicale, politique et associative, à surmonter ces divisions et à créer des liens durables de solidarité dans le cadre de luttes organisées.

Pour enrichir ce hors-série « Travail. Pourquoi Marx avait raison », Travailler au futur a proposé une carte blanche à neuf jeunes photographes. Romain Bassenne, Marc Casabianca, Lucile Casanova, Claire Gaby, Alice Kaïo, Ava du Parc, Clément Savel, Kévin Theard et Valentina Vannelli y ont répondu, pour proposer un regard personnel sur le thème du travail.

Jérôme Kalski  Entretien publié dans l'Humanité

https://www.humanite.fr/revue-marx-et-le-travail-au-futur-713608

 

 

 

Publié dans PCF, Marxisme

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