Afghanistan : la leçon est que le capitalisme est incapable de construire une société démocratique, libre, souveraine et de progrès
Après 20 ans de guerre faite au nom de la vengeance aux attentats du 11 septembre et de la fameuse "guerre de civilisation" de Busch, après des milliers de victimes militaires et civiles dont pour l'armée française 90 tués et 700 blessés, après que des centaines de milliards de dollars aient été dilapidés pour tenter de construire un État et une armée qui aura reçu à elle seule 88 milliards de dollars… il n'aura fallu quelques heures pour que les Talibans reprennent le pouvoir.
La seule surprise c’est la vitesse avec laquelle s’est effondré le régime fantoche et corrompu mis en place par les USA, avec une armée qui s'est évaporée en quelques heures alors que le président fuyait à l'étranger abandonnant les afghanes et les afghans à un sort dramatique.
Du jour où les Etats Unis avaient négocié et signé un accord avec les Talibans, en février 2020 à Doha, qui offrait le pouvoir aux talibans après que l'armée US ait abandonné le pays, il n'est pas étonnant que les talibans très rapidement pris possession des villes Afghanes et de sa capitale Kaboul.
Fin 2000, les experts américains donnaient deux ans au régime pour céder face aux Talibans après le départ des troupes US. En définitive, cela n'était que parole en l'air, histoire de rassurer les états naïfs et craintifs du revirement de Trump pressé de fuir le marasme dans lequel les USA se sont eux-mêmes plongés avec ses alliés dont la France. Biden ne fait que poursuivre la politique de son prédécesseur notamment au plan international !
Les Talibans ont repris le pouvoir avant même le retrait total des troupes US. C’est un terrible fiasco pour l’Empire US, une nouvelle défaite similaire à celle du Viet Nam en 1975.
Aujourd’hui les États-Unis abandonnent cyniquement l’Afghanistan aux Talibans, organisant le chaos dans toute cette région, au mépris des conséquences que cette attitude ne manquera pas d’avoir sur la sécurité et la paix du monde.
Cette nouvelle défaite illustre l'incapacité du capitalisme à créer les conditions de solutions politiques durables, en Afghanistan comme ailleurs dans le monde comme en Libye, en Palestine, au Yemen ou au Mali.
Une nouvelle fois, le capitalisme fait la démonstration qu'il ne craint pas de faire la guerre, de tuer des milliers d'êtres humains et souvent des civils, de jeter dans la misère les peuples, de détruire massivement et à grande échelle au point de priver les habitants de tout, pour assurer ses dominations sur le monde et protéger ses intérêts, c'est à dire piller les richesses des états occupés et obliger à accepter la sur-exploitation imposée par les multinationales qui dominent.
Ce système est en bout de course, il n'a pas l'avenir de nos sociétés. Il est urgent de construire une alternative radicale qui fasse le choix de l'humain, de la planète et de la paix qui doit s'accompagner d'une politique économique, sociale et démocratique ancrée sur les lieux de travail avec de nouveaux pouvoirs dans la gestion pour en changer les critères actuels imposés par le capital et avec des transformations institutionnelles incontournables pour donner de vrais pouvoirs aux peuple, pour coopérer, se solidariser et partager.
Et la France dans tout ça? Cela vaut pour elle, cette réponse est tout aussi urgente à construire.
Les propos de Macron sont pitoyables. Là où Merkel, pour l’Allemagne, annonce sa volonté de rapatrier 10 000 Afghans menacés, là où le Canada annonce vouloir en accueillir 20 000, Macron nous livre un discours d’un rare cynisme.
L’heure n’est pas aux discours convenus, aux promesses de circonstances, aux exercices d’autosatisfaction.
Quelles ont été, et quelles seront, les initiatives diplomatiques de la France pour empêcher la violence revancharde des Talibans de se déployer ?
Quelles actions notre pays compte-t-il proposer pour isoler un régime aux prétentions tyranniques de la communauté internationale, en s’attaquant notamment à ses sources de financement et à ses trafics ? Comment, au-delà des déclarations d’intention, seront appuyées les forces démocratiques afghanes ? Quelle attitude, et quelles sanctions, notre diplomatie compte-t-elle proposer vis-à-vis du Pakistan et des États soutenant de près ou de loin les Talibans ?
C'est avec l'ONU, son Conseil de sécurité et son Assemblée générale, son Comité des droits de l'homme, son Haut commissariat aux réfugiés, que toutes ces questions doivent être traitées sans plus tarder en présence de représentant-e-s des forces démocratiques et de la société civile afghanes.
Macron assure le peuple afghan, notamment les femmes, du soutien de la France, mais il se garde bien d'énoncer des actes concrets. Pire, il précise que l’effort de la France portera sur des «dizaines de personnes encore sur place» et prévient qu'il traitera tout flux migratoire en assurant la mise en place «de collaboration avec les pays de transit et d'accueil».
Nouvelle illustration de son cynisme et de son hypocrisie, aujourd’hui les pays qui vont devoir accueillir une nouvelle vague de réfugiés sont ceux là même qui en accueillent déjà, comme le Pakistan (1,4 million) où l’Iran (780 000).
Il y a urgence. La seule chose à faire dans les heures qui viennent, c’est de ne pas faillir, c’est de créer les conditions pour rapatrier les femmes et les hommes qui veulent fuir cet enfer et qui peuvent encore le faire.
En ces heures sombres pour le peuple afghan, ne plongeons pas notre pays dans la honte en abandonnant sur place les Afghans qui ont travaillé pour la France ou les ONG, et le peuple Afghan dont l'avenir et la vie sont menacés par l’arrivée des Talibans au pouvoir que les USA leur a offert !
Retour par le passé, pour connaitre comment en est-on arrivé là (Sources blog Histoire et société)
L’Afghanistan, l’un des pays les plus pauvres du monde, était organisé jusqu'au début des années 70 selon un système féodal avec 75 % des terres appartenant à 3 % de la population rurale. Une exploitation féroce et la pauvreté de la population étaient les dominantes. Il y avait aussi souvent de la résistance. Et dans les années 60, les forces opposées à ce régime féodal (gouverné par une monarchie) créent le Parti démocratique populaire (PDP) qui va diriger la résistance et renverser la monarchie en 1973. Elle est remplacée par un gouvernement inefficace, corrompu, autocratique et impopulaire. Le PDP avait eu la force d’exiger la destitution et l’abdication du roi, mais n’avait pas eu assez de force pour changer le régime.
L’impopularité du régime atteint un tel niveau qu’en 1978, de grandes mobilisations populaires réussissent à imposer la démission du gouvernement. Une partie de l’armée rejoint la mobilisation et permet la mise en place du premier gouvernement populaire dirigé par le PDP notamment par le poète et romancier national, Noor Mohammed Taraki (le Garcia Marquez d’Afghanistan).
Un grand nombre de réformes sont lancées dont la légalisation des syndicats, l’établissement d’un salaire minimum, une fiscalité progressive, une campagne d’alphabétisation, et des réformes dans les domaines de la santé publique qui ont facilité l’accès de la population à ces services. Dans les zones rurales, la création de coopératives agricoles est facilitée. Une réforme a eu un impact énorme, c'est la libération des femmes, en ouvrant l’éducation publique aux filles et en facilitant leur intégration sur le marché du travail et à l’université.
Comme l’écrivait le San Francisco Chronicle (17 novembre 2001), « sous le gouvernement PDP, les femmes ont étudié l’agriculture, l’ingénierie et le commerce à l’université. Certaines femmes ont été élues au gouvernement et sept d’entre elles ont été élues au Parlement. Les femmes conduisaient des voitures, voyageaient librement et représentaient 57 % des étudiants universitaires. »
Le professeur John Ryan de l’Université de Winnipeg, expert en économie agricole et connaisseur de l’Afghanistan, a indiqué que la réforme agraire initiée par ce gouvernement avait un impact énorme sur le bien-être des populations rurales. Ce gouvernement a éliminé la culture de l’opium (l’Afghanistan produisait 70% de l’opium consommé pour la production d’héroïne).
Or, ces réformes ont rencontré d’énormes résistances des groupes dont les intérêts étaient remis en cause. Trois groupes animaient l’opposition. L’un était les propriétaires fonciers propriétaires de grandes exploitations agricoles, le second était les chefs religieux, qui s’opposaient à l’émancipation des femmes, enfin le troisième regroupait les trafiquants d’opium.
L’Arabie saoudite, État fondamentaliste apporte son aide aux fondamentalistes islamiques, de même l’armée pakistanaise, craignant que les réformes afghanes ne contaminent les classes populaires Pakistanaises et le gouvernement fédéral américain.
Pourquoi les USA torpille les reformes afghanes ?
Même la CIA avait reconnu le caractère populaire et autonome du PDP et n’avait jamais (pendant la période où une telle force politique a combattu le régime féodal) qualifié le PDP d’«agent de Moscou ». Elle était pleinement consciente qu’une telle force politique répondait à une demande populaire, elle avait sa propre indépendance et autonomie.
Malgré cela, et bien avant l’intervention de l’Union soviétique, le gouvernement américain finançait les forces extrémistes et fondamentalistes afghanes qui tentaient de saboter les réformes que le gouvernement PDP (y compris les écoles publiques dans les zones rurales qui éduquaient les filles).
Brzezinski, membre du Conseil national de sécurité du président Carter, a admis que le gouvernement américain avait financé des guérilleros extrémistes qui avaient commis de tels actes de sabotage, brûlant, par exemple, des écoles publiques. Qui plus est, le gouvernement fédéral américain a encouragé un coup d’État militaire (1979) contre le gouvernement PDP et qui a assassiné Taraki et des milliers de dirigeants du PDP avant que des militaires proches du PDP ne reprennent le pouvoir.
L’hostilité des USA à l’égard des réformes du gouvernement PDP reposait en partie sur son opposition à la nationalisation des terres et sur d’autres réformes qui entrent en conflit avec l'orientation des américains car elles bénéficiaient des conseils de techniciens de l’Union soviétique. Le gouvernement américain s’inquiétait de l’expansion potentielle de l’influence soviétique. Derrière, se trouvait un anticommunisme fondamentaliste, porté par Brzezinski (un Polonais anticommuniste fondamentaliste), qui estimait que l’objectif fondamental de la politique étrangère des États-Unis devrait être d’éliminer l’influence de l’Union soviétique dans le monde, y compris en soutenant des forces les plus rétrogrades et réactionnaires comme les fondamentalistes musulmans afghans.
L’alliance entre les États-Unis, l’Arabie saoudite et le Pakistan était très puissante et menaçait la politique du gouvernement du PDP.
C’est pourquoi le gouvernement a demandé l’aide de l’Union soviétique, aide qui a été rejetée à plusieurs reprises, jusqu’à ce que l’URSS accepte d’envoyer des forces armées en aide à l’armée afghane (loyale au PDP) qui était contre la guérilla fondamentaliste de Moudjahidines soutenue par les États-Unis, l'Arabie saoudite et le Pakistan.
L’intervention militaire soviétique en Afghanistan
En 1979, l’Union soviétique accepte la demande du gouvernement PDP d’envoyer des troupes pour aider l’armée afghane à faire face à la mobilisation de forces internationales qui remettaient en cause sa stabilité et sa viabilité. Aussitôt le gouvernement fédéral américain se mobilise, prétextant "cette invasion" pour mobiliser le monde musulman contre le soutien de l’URSS à un gouvernement progressiste et désireux de moderniser le pays.
Les États-Unis et l’Arabie saoudite, sources de la réaction, ont dépensé 40 billions de dollars pour soutenir et armer les Moudjahidines, rejoints par 100 000 musulmans fondamentalistes du Pakistan, d’Arabie saoudite (dont Ben Laden), d’Iran et d’Algérie, armés et conseillés par la CIA.
Dix ans plus tard, les troupes soviétiques quittent l’Afghanistan. La guerre, cependant, va se poursuivre pendant trois ans, période au cours de laquelle le gouvernement PDP est resté populaire, et ce malgré les énormes destructions des infrastructures du pays, résultat de l'hostilité de l’alliance réactionnaire.
Après le départ des troupes soviétiques, la guerre civile
Même après l’effondrement de l’URSS, le gouvernement continue de gouverner pendant une autre année, bien qu’il n’ait reçu aucune arme qu’il pourrait utiliser pour repousser les forces extrémistes soutenues par les gouvernements des États-Unis, de l’Arabie saoudite et du Pakistan.
Ce manque d’armes a été la cause de la fin de ce conflit, le début d’un gouvernement des Moudjahidines qui a lancé une énorme répression, pillé, avec des exécutions massives, fermé les écoles publiques, opprimé les femmes dans des campagnes de viol systématique, détruit les zones urbaines. Dans un rapport d’Amnesty International de 2001, elle a accusé les Moudjahidines de « violer systématiquement les femmes pour terroriser les femmes et la population et pour récompenser les troupes ». Ce gouvernement a repris le commerce de l’opium, avec l’aide des services de renseignement pakistanais et de la CIA (qui ont travaillé ensemble, en soutien aux moudjahidines), faisant de l’Afghanistan le plus grand producteur mondial d’héroïne. Plusieurs des forces militaires Moudjahidines ont quitté l’Afghanistan et sont allées combattre en Algérie, en Tchétchénie, au Kosovo et au Cachemire, la défense du fondamentalisme musulman étant auréolées par cette victoire a été ainsi relancée.
Des milliers de communistes et de progressistes afghans sont assassinés. Il faudra certainement plusieurs générations pour reconstruire une force progressiste et démocratique en capacité de porter une alternative radicale et des changements profonds. Ce sont aussi ces forces qui manquent aujourd'hui pour combattre les talibans et les empêcher de nuire.
Une partie des Moudjahidines étaient les talibans, le groupe le plus fondamentaliste d’une l'alliance, qui, par leur fanatisme, leur discipline et leur cruauté, se sont imposés en prenant la tête de vastes régions du pays et ont enfin pris le pouvoir.
Ils ont interdit la musique, les écoles, l’éducation , les bibliothèques et tout signe de modernisation. Ils ont établi l’ordre, exécutant tous ceux qui ont créé le désordre des opposants politiques aux voleurs communs. Ils ont imposé les Burkas comme vêtements aux femmes et interdit aux hommes de se raser. Les femmes ont été privées de leurs droits, y compris celui de l’éducation, et celles qui étaient considérées comme immorales étaient lapidées et brûlées vives. Par ailleurs, les viols des femmes par les Moudjahidines ainsi que la production d’opium ont pris fin.
Les talibans au pouvoir ont le soutien des USA jusqu'au 11 septembre
Ce gouvernement taliban a reçu le soutien des USA et du président Clinton. Selon Ted Rall (« il s’agit d’huile ». Chronique de San Francisco. Nov.2, 2001), le gouvernement américain a payé jusqu’en 1999 le salaire des responsables talibans et ce n’est qu’en 2001, à la suite de l’attaque des tours jumelles, que le président Bush – afin de mobiliser le soutien de la population américaine aux bombardements en Afghanistan – a dénoncé le traitement des femmes en Afghanistan. Plus tard, même Mme Laura Bush est devenue féministe et a dénoncé de tels abus.
Le 11 septembre a marqué la fin de l’alliance talibane-américaine et la chute du gouvernement taliban remplacé en décembre 2001 par une autre faction pro-américaine des Moudjahidines qui a lancé la lutte contre les talibans. La production d’opium est réapparue.
Des questions lourdes ?
- Comment les États-Unis pourraient soutenir le gouvernement taliban, sachant leur soutien à Ben Laden et au groupe de terroristes (qui était financé à la source par les États-Unis)?
- Comment se fait-il que le gouvernement taliban n’ait jamais été déclaré « un gouvernement qui soutenait le terrorisme »?
L’une des raisons est que si cela avait été fait, cela aurait signifié que les compagnies prétolifiques américaines n’auraient pas pu signer un accord avec le gouvernement taliban pour construire un oléoduc qui permettrait le transport du pétrole du Kazakhstan et du Turkménistan vers l’océan Indien.
En réalité, le soutien aurait continué à ne pas avoir lieu après le 11 septembre. Et depuis lors, l’histoire est bien connue.
Tout au long de ce processus, ne pas oublier que si le gouvernement PDP avait été laissé libre de faire les réformes dont le pays avait besoin, il n’y aurait pas eu d’«invasion » soviétique de l’Afghanistan, il n’y aurait pas eu de guerre en Afghanistan, il n’y aurait pas eu Ben Laden et Al Quaeda et il n’y aurait pas eu de 11 septembre.
Les USA au coeur du conflit
Et c’est précisément la vérité cachée. L’histoire aurait suivi d’autres défaites. Al Quaeda aurait probablement émergé, mais le lieu et le format auraient été différents. Au cœur du conflit Afghan se trouvent la résistance du gouvernement fédéral américain (et de ses alliés et en particulier l’Arabie saoudite) et son opposition aux réformes progressistes et laïques.
Il ne faut pas dire qu’il n'existe pas d’autres causes de l’existence du terrorisme islamique. Mais cette résistance aux réformes nécessaires et urgentes menées par des groupes laïcs et progressistes est l’une des causes les plus importantes. L’opposition à l’énorme exploitation qui existe dans le monde musulman a été canalisée par des forces extrêmement réactionnaires dans lesquelles le fondamentalisme religieux a été promu pour arrêter les mobilisations populaires laïques qui auraient réduit et éliminé une telle exploitation et ouvert des alternatives progressistes.