Les syndicats CGT de Soitec et de ST Microelectronics écrivent à Le Maire à propos de la relance des composants électroniques

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Les syndicats CGT de Soitec et de ST Microelectronics écrivent à Le Maire à propos de la relance des composants électroniques

Nous publions sur ce blog cette adresse de la CGT au ministre de l'économie Le Maire concernant le besoin d'une relance européenne de la fabrication des composants nécessaires à l'industrie microélectronique.

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Monsieur le Ministre,

Tout le monde admet maintenant le caractère « stratégique » de la microélectronique, c'est à dire une industrie à la base des technologies modernes, et tout le monde constate le retard considérable de l’Europe ; la démarche du commissaire européen Thierry Breton de relancer les semi-conducteurs en Europe est donc justifiée sur le fond.

Le retard européen apparait clairement avec la pénurie des composants dans l’industrie automobile, et ce retard est en réalité bien plus grave si on considère la perte de souveraineté technologique en Europe et plus encore en France dans toutes les industries numériques avec la désindustrialisation des microprocesseurs aux serveurs en passant par les mémoires, des écrans plats aux téléphones portables en passant par les circuits imprimés.

Alors que la recherche européenne reste de niveau mondial, les entreprises européennes ont délaissé les usines, avec un transfert de la fabrication chez les fondeurs asiatiques que ce soit dans les technologies les plus avancées FinFET ou dans les technologies intermédiaires des microcontrôleurs (qui font défaut aux fabricants automobiles) et de l'IoT (internet des objets) ; aucune usine ni fonderie européenne ne se compare en taille aux usines taïwanaises, coréennes et américaines.

Cependant il faut tenir compte de la situation concrète des entreprises présentes en Europe, qui se sont positionnées sur des créneaux - vastes niches - éloignés des technologies de pointe hormis quelques domaines spécifiques. Ce retard européen et ce positionnement sur des niches rentables des entreprises restantes ne se seraient pas produits si on avait écouté la CGT au début des années 2000.

Dans ces années, l'Europe et notamment STMicroelectronics, étaient partie prenante de l’Alliance Crolles dans la recherche technologique avancée et les fabrications les plus en pointe, et il aurait fallu à ce moment là investir pour surmonter les difficultés. Le choix inverse a été fait par les Etats européens et les dirigeants des entreprises.

Aujourd'hui il semble y avoir deux démarches parallèles :

Des discussions au niveau des gouvernements, Thierry Breton, Intel, TSMC, Samsung pour les technologies FinFET les plus avancées;
• Et des entreprises qui comme ST Micro, Infineon, font comme si de rien n’était (alors qu’elles auront à l'avenir besoin de ces dernières technologies) ; plus exactement qui acceptent d'intégrer les nouveaux projets européens mais sans remettre en question leurs stratégies « fablite » (capacités de production limitées + appels aux fondeurs hors Europe). 

Ceci risque d'aboutir à ce que les projets européens se concentrent de fait sur un programme majeur unique FinFET, à priori limité à l’Allemagne (à confirmer).

Il faudrait au contraire de gros investissements publics coordonnés répartis en Europe (France, Italie, Allemagne, Belgique ...) dans toute la gamme de fabrication des semi-conducteurs, et lier ces investissements (R&D et fabrication) avec l'état actuel des entreprises. Pour que ces entreprises investissent aussi de façon ambitieuse.

Il apparait nécessaire de créer une agence des semi-conducteurs européenne pour concrétiser le plan d’investissement de 30 Mrd€ :

• pour une meilleure coopération entre les entreprises, par exemple sur les nouveaux composants de puissance SiC et GaN, ou sur le procédé microcontrôleur à basse consommation FDSOI
• et pour le développement de moyens en commun avec la possibilité de créer une fonderie européenne sur le modèle d'Airbus ou de Galileo, équivalent à un « TSMC européen », répondant aux besoins des filières aval.

Le budget de relance européen de 30 Mrd€ pourrait se décliner ainsi en 2 parties :

1. Un aspect fonderie FinFET de dernière génération :

• mais pas une usine comme celle d'Intel en Irlande qui est restée sur une technologie moins avancée et n’a pas profité aux autres états membres ;
• avec un développement R&D propre à l'Europe : coopération entre les laboratoires comme le CEA-Leti, l’IMEC et entre les équipementiers comme, par exemple, ASML ;
• en cherchant un réel bon accord avec un des fabricants plus avancés (Samsung, TSMC, Intel...) et en définissant le ou les lieux d’implantation les plus adéquats ; notamment avec Samsung avec qui des coopérations existent déjà, et qui présente
plusieurs avantages.

2. Des aides majeures pour relancer les autres technologies du semi-conducteur en R&D et surtout en fabrication :

• Pas de subventions non conditionnées / non contrôlées qui ne feraient qu'augmenter les résultats des entreprises du secteur ST, Infineon ou Soitec...
Mais une réelle accélération des investissements et de l'emploi sur les sites et les usines existantes. Pour ce qui concerne la France : - volume 12 pouces FDSOI à ST Crolles, et « roadmap » de 18 nanos à 10 nanos (en collaboration avec les laboratoires), - passage de 8 à 12 pouces des usines d’ancienne génération à ST (Rousset) ; renforcement des investissements à Tours (notamment puissance, GAN) 

Des investissements du même type devraient avoir lieu à notre avis dans les autres pays européens, en considérant les propositions de nos collègues des syndicats de ces pays.

Plusieurs conditions devraient être ainsi réunies pour lancer le projet de relance des semi- conducteurs :

• un contrôle public des investissements européens;
• une répartition équilibrée entre pays de ces investissements;
• un plan global intégrant les nouveaux investissements - type Thierry Breton - et ceux assurant l'avenir et le développement de tous les sites existants en Europe (cf. ci-dessus);
• un lien avec le redéveloppement de l'industrie électronique aval (automobile,
médical, domotique...) 

Nous souhaitons un rendez-vous rapide pour discuter de la situation de la micro-électronique et des propositions faites.

Veuillez recevoir nos meilleures salutations,

Pour la CGT SOITEC, Fabrice Lallement, délégué syndical, représentant CGT au CSF Electronique

Pour la CGT ST Micro France, Marc Leroux, délégué syndical central

Publié dans Industries, syndicats

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