Débat public à Pierre-Bénite sur la santé N° 3, intervention de Marc Auray.
Avec la sécu l'après-guerre fut l'occasion de grandes avancées sociales et sanitaires en psychiatrie. L'instauration de la Sécu amène une solidarité nationale qui petit à petit sort la psychiatrie de son carcan. La sécu libère les énergies et pour l'hôpital psychiatrique c'est vital.
Au début des années soixante l'hôpital psychiatrique cesse d'être un lieu de ségrégation et devient un véritable au lieu de soins.
Les années 60-70 sont des années d’expériences et bouillonnantes avec la mise en place du secteur et de la politique de secteur en psychiatrie. Pour chaque secteur géographique déterminée il doit y avoir un CMP (centre médico-psychologique) de manière à garder le lien entre le patient et ses proches, son lieu de vie et son environnement social et professionnel.
Le secteur, c'est environ 100 000 habitants aujourd'hui nous en sommes à 300 000. La sectorisation c'est aussi la création d'unités d'hospitalisations d'entrées et de soins.
Une véritable organisation par secteur se fait jour et ouvre des jours nouveaux... proximité, suivi... humanisme dans la prise en charge deviennent un but. Une vraie évolution de notre société !
Les professionnels sont le cœur même de cette évolution autour d'un diplôme d'infirmier en soins psychiatriques rémunéré pendant les études par un véritable salaire... les étudiants sont considérés dès leur entrée comme de véritables salariés.
Au tournant des années 80 cette évolution prend du plomb dans l'aile. Depuis 83 malheureusement c'est des plans d'austérité tout azimut.
Néolibéralisme, mondialisation, réduction des coûts, compétitif, concurrentiel, logique de marché, privatisation, autant de mots de logiques qui s'imposent... l’état au service du marché et non des citoyens.... pour entrer en compétition avec » les valides » la psy déjà parent pauvre de la médecine en subit toutes les conséquences, c'est la grande involution qui se poursuit depuis quatre décennies.... L'hôpital et la politique de secteur est attaquée, malaxée, rognée, démantelée, fusionnée, c'est tout un tissu sanitaire qui disparaît petit à petit.
En 1992 c'est la disparition du diplôme d'infirmier de secteur psychiatrique il est mis en cadre d'extinction, il ne reste à ce jour presque plus d'infirmier psychiatrique. En 1992 on a tué le métier et la spécificité.
De ce fait les dysfonctionnements de la psy liés au manque de moyens, de personnels, de penser le métier et la prise en charge on un impact considérable sur le Médico-social, les EHPAD mais aussi la médecine générale, la médecine de ville.
L'internat en psy devient de moins en moins attractif. Sur 44 spécialités il arrive en 40e position juste devant la gériatrie.... Le manque de psychiatre aujourd'hui en est la conséquence.
Petit à petit, c'est le règne de la gouvernance qui s'impose, terme venu de l'entreprise privée... bien loin de la démarche sanitaire au service et des besoins d'une population et des revendications des professionnels.
L'État prend le contrôle de la sécurité sociale plan Juppé 95, disparition des représentants de la CPAM dans les conseils d’administrations des hôpitaux... C'est aussi le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale en 1996 on l'appelle le PLFSS que le gouvernement impose en fixant les règles de financement pour l'hôpital.
Mise en place de l’ARH (agence régionale de l'hospitalisation) en septembre 96...tuilage avec les DDASS et les DRASS jusqu'à la création le 1er avril 2010 des ARS (agence régionale de la santé)... qui remplace les DDASS, les DRASS, l'ARH.
Les prérogatives de l'ARS sont d'imposer aux directions d'établissements une politique nationale définie par le ministère... ce sont des lignes politiques contraintes qui ne tiennent plus compte de la réflexion des équipes.
Quid de la compétence des équipes.
Quid des projets d'équipe de terrain liés à une observation des besoins sur un territoire donné.
Quid de la volonté de répondre aux besoins de la population des patients.
En 2007, c'est la disparition des services au profit des pôles pour produire des économies. Même si d’importantes résistances sont à noter c'est une politique du rouleau compresseur qui s'applique. On pense à notre place, on pense pour notre bien, on nous infantilise.
La politique de secteur est malmené détruite petit à petit...Le sens même du secteur disparait pour de nombreux professionnel qui ne possède pas l’histoire.
Il faut réduire la voilure toujours plus, fusionner, rentabiliser, 65 000 lits fermés et en 15 ans dont 17 500 depuis 2013 dont 13 681 dans le public. Tout cela bien sûr au titre de la sécurité des patients nous dit-on.
Le parcours de soins s'impose le patient cours d'un soin à un autre d'une structure à une autre d'un soignant à un autre au détriment d'une relation stable, construite, d'équipe. Petit à petit les soignants, les professionnels de santé, les psychologues et toutes les autres professions deviennent et vont devenir des intervenants des prestataires de services.
Le soin en psychiatrie et les praticiens de terrain deviennent de simples exécutants interchangeables tout le contraire de ce que la psychiatrie avait développé petit à petit avec beaucoup de peine depuis la guerre avec le travail l'investissement des équipes pluridisciplinaire.
La réflexion et la pensée du personnel médical soignant mais aussi de tous les autres est bâillonnée les personnels sont dépossédés de leur métier.
Sur la base de tout cela dans nos établissements c'est la galère quelques exemples à côté de chez nous, de chez vous...mais il faut savoir que pas un établissement n'échappe à cette situation.
Hôpital Saint Jean de Dieu
Plan blanc depuis 1 ans pour manque de personnel, 4 suicides de patients en 4 mois, un meurtre d'une patiente, le suicide d'une infirmière (certes chez elle), fermeture de l'hôpital de jour de Tassin pour manque d'effectif, unités intra-hospitalières qui fonctionne avec des effectifs réduits au minimum, manque d'infirmiers de médecins de professionnels en général, rumeurs affirmées de fermeture d'unité de pédopsychiatrie en septembre, mise en place de mesures dérogatoires pour faire travailler plus des soignants... c'est votre secteur ici à Pierre-Bénite qui dépend Saint-Jean de Dieu.
Au CHS Vinatier mon établissement, fermeture de 52 lits depuis le début de l'année 2022 avec fermeture d’une unité de l’UHSA (unité hospitalière spécialement aménagée) liquidation de l'unité 6 /13 ans, 121 postes manquant à ce jour (104 infirmiers, 17 aide-soignant) dont 98 en intra , division du personnel à travers les primes, on divise les personnels en fonction du lieu d'exercice de l'activité, La formation incendie se fait maintenant en virtuel pour éviter que le personnel quitte les services car manque d'effectif.
Je terminerai par ceci la psychiatrie qui s'adresse à une population très vulnérable a toujours été le miroir de notre société (ce n’est pas de moi) de son évolution... aujourd'hui ce qui se reflète dans ce miroir n'est pas beau et pose des questions essentiels...
Quelle psychiatrie voulons-nous, de quelle société voulons-nous ?
Le programme des jours heureux peut-être une réponse mais elle ne pourra être la seule... c'est à nous tous de prendre en main les choses, de se réapproprier la sécurité sociale à travers une gestion faite par les salariés pour la population avec un objectif :
Une sécurité sociale intégrale prenant en compte les nouveaux besoins et surtout pas "la grande sécu" sortie du chapeau par Macron, un projet néfaste fondée sur le panier de soins.
Aujourd'hui on paye la crise du capital comme jamais, nous sommes dans une guerre de classe que nous devons mener autour de la sécurité sociale colonne vertébrale de notre société et qui est la base même de la répartition des richesses.
Nous devons rétablir les règles... oui le projet d'une sécu intégrale a du sens et elle concerne tous les salariés, toute la population.
Vive la lutte, vive notre engagement !