Le décryptage point par point du débat entre Macron et Le Pen

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Le décryptage point par point du débat entre Macron et Le Pen

Le débat de l'entre-deux tours de la présidentielle entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron a eu lieu mercredi soir. À quatre jours du second tour, les deux candidats se sont affrontés sur différents sujets, notamment leur vision économique, l'éducation, l'immigration ou encore le conflit ukrainien.

Le social et l'économie au bonheur des patrons.

Difficile de se démarquer quand on partage le même penchant pour le libéralisme. A l’heure où toutes les droites représentées dans ces élections ont prônée un retour à l’austérité et ont assumé des mesures antisociales, de l’extrême-droite à l’extrême centre de la majorité sortante, les deux candidats en lice au second tour misent sur le bon vouloir des entreprises pour leurs projets économiques.

« J’enlève les charges et les impôts », assume à plusieurs reprises Emmanuel Macron lors du débat. « Gel des cotisations patronales », répond Marine Le Pen.

Quand le premier revendique ses Ordonnances de 2017 cassant méthodiquement les protections des travailleurs contenues dans le droit du travail, la seconde déplore la méthode usée pour les imposer, sans répondre si elle reviendra sur toutes ces mesures en cas d’accession au pouvoir. « Je ferai une grande conférence sociale pour dialoguer avec les partenaires sociaux », assure la porte drapeau du Rassemblement national. « C’est ce que j’ai fait durant la crise Covid et c’est ce que je ferai aussi », reprend en coeur le Marcheur.

Dans ce point consacré à "l’attractivité économique", escamoté par les deux débatteurs, les silences  pèsent lourd. Pas de proposition en ce qui concerne la réindustrialisation du pays. Peu d’intérêt pour le niveau d’emploi, mis à part une algarade sur les statistiques du chômage. Rien sur la fonction publique ou sur les secteurs à investir prioritairement.

Seul point d’achoppement : quand Marine Le Pen appelle à de nouveaux grands projets menés au niveau des nations, sans préciser dans quels secteurs surgiraient ces nouveaux Airbus ou Ariane, Emmanuel Macron s’en remet au grand marché européen et aux règles édictées à Bruxelles pour développer de futures grandes entreprises tricolores.

Sécurité et immigration un lien révélateur 

Après un quinquennat marqué par une surenchère avec en point d’orgue la loi dite de « Sécurité globale » qualifiée de « nouvelle étape de la dérive sécuritaire en France » par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ainsi que des violences policières, la question de la sécurité constitue pour Marine Le Pen une « priorité » en cas d’élection.

Avec une fuite en avant et un tour de vis autoritaire : « La situation est vraiment très mauvaise, nous sommes confrontés à un ensauvagement et une barbarie », a-t-elle posé en préambule. Avant de lister larcins et faits divers, « vols d’essence ou même d’engrais ».

Ses solutions : « régler le problème de l’immigration anarchique et massive » (sans surprise, la candidate ne s'embarrasse pas de la lutte contre les préjugés), mais également « réarmer les policiers moralement » et par la notion juridique de « présomption de légitime défense ». Le tout accompagné d’une politique répressive et d’une « certitude de la peine » qui ne sera possible « que si on construit 25000 places de prison ».

Marine Le Pen a également pointé « le laxisme total, par manque de moyens bien souvent » de la Justice, promettant une grande loi et 7,7 milliards d’euros supplémentaires pour ce budget sur le quinquennat. 

Le président-candidat, de son côté, s’est là encore appuyé sur son bilan de « 10000 postes de policiers et de gendarmes créés » et « une augmentation du budget de la Justice, de 30 % ces deux dernières années ».

Emmanuel Macron a voulu mettre en avant sa lutte – pourtant largement insuffisante – contre les violences faites aux femmes et notamment les féminicides. Autre mesure proposée : des brigades d’intervention pour la sécurité du quotidien.

Le débat a dérapé, encore un peu plus, quand le chef de l’Etat s’est félicitée de la lutte contre le terrorisme, et que Marine Le Pen a répondu en liant alors ces questions de sécurité avec son projet de loi contre « les idéologies islamistes » puis son référendum contre l’immigration, et enfin le voile – qu’elle veut interdire dans l’espace public.

L’occasion pour Emmanuel de l’accuser de vouloir « créer la guerre civile », et le début d’une passe d’armes de plus de cinq minutes sur le lien entre voile et islamisme.

L’échange s’est poursuivi sur le thème de l’immigration, comme si le triptyque sécurité-islam-immigration allait de soi. C'est sur ce sujet, traditionnel cheval de bataille de l’extrême droite, que Marine Le Pen a avancé son obsessions de la « submersion migratoire » (sic).

Mais c’est aussi sur ce thème que le quinquennat d’Emmanuel Macron marque une rupture, avec un durcissement en actes et en discours qui témoigne d’une droitisation de l’exécutif, symbolisée par la loi Collomb pour une « immigration maîtrisée » de 2018.

Toutefois, le projet de Marine Le Pen constituerait une rupture sans précédent, avec l’introduction dans la Constitution via son « projet de référendum » de « la préférence nationale en matière d’emploi, de logements et d’aides sociales », ainsi que la maîtrise de l’immigration. « On ne renvoie jamais personne », s’est plaint Marine Le Pen. « Il y aura la suppression du droit du sol, car la nationalité ça s’hérite ou ça se mérite », a-t-elle lancé, reprenant une des formules traditionnelles de son père Jean-Marie Le Pen. « L’immigration est un problème qui fait dépenser beaucoup d’énergie à notre société », a résumé la cheffe du RN contre les faits. Nombre d'études, n'en déplaise à la candidate de l'extrême droite, démontrent que l'immigration coûte moins qu'elle ne rapporte.

Macron et Le Pen s'affrontent sur la constitution

Face à la crise démocratique et institutionnelle, les deux candidats mettent en avant leurs propositions. Défendant les « innovations » du grand débat et de la Convention citoyenne, Emmanuel Macron prône un « changement de pratique du pouvoir ».

Une passe d’armes oppose les deux rivaux sur l’article 11 de la Constitution que veut utiliser Marine Le Pen pour réformer la loi suprême sans passer par les parlementaires, alors que l’article en question ne prévoit pas ça. « Comme la Constitution est la loi suprême du peuple, seul le peuple peut la changer », a justifié Le Pen. « Etre élu par le peuple ne donne pas le droit de changer la Constitution sans respecter les règles prévues par la Constitution », a taclé Macron.

Le président sortant, qui s’y connaît en mépris du pouvoir parlementaire, accuse sa rivale de vouloir court-circuiter les députés par l’article 11 et plus généralement via le référendum d’initiative citoyenne (500 000 citoyens pourront déclencher un référendum). 

Marine Le Pen ne s'embarrasse pas, en effet, de l'état de droit et le piétine tout en prétendant vouloir « revivifier nos institutions et notre fonctionnement démocratique ».

"J'ai échoué à faire la réforme démocratique, je n'ai pas pu obtenir d'accord" reconnait le président de la République qui assure vouloir instaurer la proportionnelles. De son coté la candidate d'extrême-droite affirme vouloir aussi une part de proportionnelle.

L'école prise en étau entre le projet libéral de Macron et le projet réactionnaire de Le Pen

Pris en étau entre le débat sur l’industrie et le financement des projets des prétendants, le thème de l’éducation et de la formation a vu les deux finalistes se livrer à un dialogue de sourd. Ainsi, Emmanuel Macron a bien eu du mal à défendre le bilan de son ministre Jean-Michel Blanquer.

Non pas que les arguments de Marine Le Pen aient été pertinents, mais les conséquences de la casse méticuleuse de l’Éducation nationale lors des trois derniers quinquennats apparaissent au grand jour.

A la remarque de Gilles Bouleau sur le déclassement de la France au classement Pisa, passé de la 12e à la 26e place en vingt ans, le président candidat a annoncé « revenir sur la réforme que nous avons faite », en réintroduisant les mathématiques jusqu’au bac.

Emmanuel Macron plaide aussi pour le « dédoublement des classes de 6e et de seconde », après avoir appliqué cette mesure pour les classes de CP en zone d’éducation prioritaire.

Un point qu’a contesté Marine Le Pen, regrattant de ne pas la voir appliquée sur l’ensemble du territoire. S’en est suivie d’une réponse cinglante du président sortant : « Un peu de sérieux, vous ne pouvez pas le faire en France entière. Je vous invite à regarder dans nos ruralités, le nombre d’enfants par classe y est le plus faible ».

Emmanuel Macron a eu beau se dire « attaché à l’école de la république car j’ai été élevé par des enseignants et des enseignantes », son projet n’en n'est pas moins la poursuite de la casse de ce service public, bien mis à mal  sous ce mandat.

Une recette libérale qui prévoit entre autres d’instaurer une concurrence à tous les étages, avec l’autonomie des écoles et des établissements, la publication des résultats des évaluations permettant de comparer les écoles entre-elles ou encore la fin du cadre national des diplômes à travers un « outil de gestion des compétences ».

Sur ce point, Marine Le Pen a dénoncé les « diplômes dévalorisés » des années Covid, mais qui le sont « de manière générale ». La candidate du RN entend réintroduire les bac S, ES et L, supprimés sous le quinquennat.

Une des seules mesures positives d’un programme éducatif profondément réactionnaire, qui prévoit notamment d’ouvrir la formation professionnelle dès la 5e et l’apprentissage dès 14 ans, loin des objectifs d’une classe d’âge au niveau du bac.

La candidate d’extrême droite a aussi déploré les « classes entières qui sont persécutés par quelques individus », proposant la mise au ban des perturbateurs, en ouvrant des internats pour les « enfants qui ont des problèmes de délinquances, mais qui ne doivent pas empêcher les autres de réussir ».

Devant les téléspectateurs, Marine Le Pen ne s'est pas étendue sur les mesures rétrogrades et conservatrices de son projet, comme celle d’instaurer un uniforme obligatoire en primaire et au collège ou encore de soumettre au parlement les programmes scolaires.

Enfin, la question de la revalorisation des salaires des enseignants a donné lieu à l’une des passes d'armes de la soirée.  « La réforme que vous proposez consiste à payer les professeurs en fonction de leurs résultats et de leurs élèves. Sans doute est-ce McKinsey qui vous l’a conseillé », assène Marine Le Pen, faisant ainsi allusion au scandale des cabinets de conseils.

Emmanuel Macron avait en effet, lors de la présentation de son programme, annoncé débloquer une enveloppe de 6 milliards d’euros, « pour augmenter leur rémunération, mais avec de nouvelles missions ».

Macron repeint en vert, Le Pen plutôt verdâtre mais aucun à la hauteur des défis

Au premier tour, la génération climat s’est moins déplacée que le reste de la population. La campagne présidentielle a évité le sujet de l’écologie. Il est peu probable que le débat de l’entre-deux-tours donne envie à la jeunesse de se ruer aux urnes dimanche.

Car, ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron ne sont les champions de la planète, bien que l’une soit pire que l’autre. L’échange sur la question entre les deux candidats, dont les programmes ne répondent en rien au défi environnemental selon les ONG du mouvement climat, l’a prouvé.

Il s’est limité à un échange d'invectives sans réelle remise en cause du système de production et de consommation. « J’ai lu votre projet : vous êtes climato-sceptique », pique Emmanuel Macron. Et Marine Le Pen de renvoyer : « Je ne suis absolument pas climato-sceptique. Et vous, vous êtes climato-hypocrite. Vous êtes le pire de l’écologie punitive. » Balle au centre mais la planète est loin d’être sauvée.

D’emblée, Marine Le Pen semble vouloir s’adresser aux perdants de la mondialisation, pastichant un discours censé séduire les électeurs de Jean-Luc Mélenchon. « J’arrête l’hypocrisie. Le libre-échange est responsable d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre », dit-elle, à deux doigts d’enfiler un t-shirt du Che ou la moustache de José Bové.

Une façon de vendre le « localisme » si cher à son cœur. Celui qui est censé répondre à tous les maux : « Je veux qu’on puisse consommer au plus près. » Elle veut « faire en sorte que l’Etat s’engage, non pas à acheter bio parce qu’il vient parfois de l’étranger mais, français dans les cantines » au nom d’un « patriotisme économique », qui en revanche ne dit rien d’une éventuelle remise en cause du modèle de production

L’agriculture intensive n’est pas son sujet. Le réchauffement climatique non plus. Très vite, le vernis craque : Marine Le Pen ne compte pas respecter le rythme de réduction des gaz à effet de serre que préconisent les scientifiques. Le Giec, elle s'en fiche : Marine Le Pen veut faire ce qu’elle veut, quitte à nous faire régresser.

Emmanuel Macron, lui, sait qu’il peut marquer des points puisqu’il se repeint en vert. Il emprunte d’ailleurs à Jean-Luc Mélenchon le concept de « planification écologique », dont il redit vouloir donner la charge au futur premier ministre. « Planification énergétique » et « planification territoriale », voilà les deux jambes de son action écologique.

Le président-sortant sait que son bilan est famélique. Il ne le dit pas mais promet d’aller « deux fois plus vite ». Pour cela, la rénovation énergétique de 700 000 logements, des aides pour acquérir des véhicules plus propres et un accompagnement de « la transition industrielle et agricole, non pas par injonction mais par investissement » (sic) sont au programme. Pas suffisant et trop flou, jugent les spécialistes. Mais c’est moins pire que l’extrême droite, disent-ils.

Tous deux veulent faire du nucléaire le pilier de la transition. Mais la place des énergies renouvelables les différencie clairement. Emmanuel Macron veut des parcs éoliens en mer, un peu moins sur terre quand la candidate RN veut démanteler toutes les pâles car « ça pollue nos paysages », juge-t-elle, cherchant à surfer sur les vagues de colère qui ont pu se développer localement face à ces moulins à vent géants. « Démanteler, ça coûte un argent fou. L’argent du contribuable pourrait être mieux utilisé », répond Macron.

Elle préfère avoir recours à l’hydroélectricité. « On ne peut plus en faire beaucoup », rétorque, à raison, le chef de l’Etat. Et d’ajouter : « Votre stratégie du tout nucléaire n’est pas possible. Car le nucléaire qu’on décide aujourd’hui entrera en service en 2035. Or, il faut faire les deux (du nucléaire et du renouvelable, ndlr). Si vous stoppez le renouvelable, on va produire moins d’électricité. Comment on va faire alors ? » La réponse se fait toujours attendre bien que la candidate affirme vouloir un mix-énergétique.

En conclusion

En deux minutes Emmanuel Macron fait du 24 avril un référendum entre son projet et celui de Marine Le Pen.

De son coté la candidate RN exhorte les Français à choisir le " bon sens " de son projet.

Une synthèse du débat réalisé par les journalistes de l'Humanité

En résumé, un Macron arrogant et suffisant et une Le Pen peu convaincante et dangereuse !

 

 

 

Publié dans Présidentielle 2022

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