Présidentielle 2022 et législatives, intervention de Frédéric Boccara au CN du PCF du 14 avril
Je veux saluer la belle campagne menée par les communistes et adresser mes remerciements personnels à Fabien pour son engagement et son dynamisme.
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Pour le pays, le résultat des élections présidentielles est très inquiétant. Il montre les fractures profondes de notre pays et les élargit. Il peut être porteur de graves régressions. Marine Le Pen a une vraie possibilité d’être élue. Domine la protestation … mais pour des candidats qui ne s’attaquent pas au capital. Et le candidat du capital, du grand capital financier, a siphonné la droite tout en gardant les libéraux du centre et des ex-PS socio-libéraux. Le vote utile a joué pour lui aussi, donnant l’impression qu’E. Macron se renforce alors qu’il est plus rejeté que jamais.
Nous n’avons pas réussi à ancrer un certain nombre d’idées dans la société, domine l’idée que Jean-Luc Mélenchon a le même programme que nous et que la différence serait surtout sociétale.
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Pour ce qui nous concerne, nos résultats sont décevants, même si on sentait venir des choses à la fois récemment, avec le vote utile, ou dès le début de la pandémie avec le refus par le CEN de porter la pétition « Des milliards pour l’hôpital pas pour le capital », que j’avais initiée avec de nombreux syndicalistes, pour lancer le parti dans une pétition pour une sorte d’allocation Covid qui a fait long feu.
Mais aussi, grâce à la candidature de Fabien, le PCF est revenu dans le paysage politique, il a recommencé à exister nationalement, il y a un intérêt pour ce que nous disons, ou pourrions dire. Enfin, les 800.000 électeurs qui ont voté communistes à la présidentielle représentent une force non négligeable pour laquelle il nous faut trouver les formes pour nous adresser et la mettre en mouvement.
Dans le même temps, on ne peut pas en quelques mois inverser 15 ans d’absence du PCF à l’élection présidentielle, 20 voire 25 ans de dérive Robert Hue. Il y a pour une part un cycle qui va jusqu’au bout. Quel est ce bout ?
Fait aussi partie de ce cycle un Jean-Luc Mélenchon qui a installé, depuis 2012, l’idée « Cela se finira entre elle (Marine Le Pen) et moi », et donc, dans une démarche de « politique du pire », personne d’autre ne compterait, puis en instillant un « ni droite, ni gauche » en 2017.
Quant au vote utile, c’est quelque chose que nous connaissons. Depuis au moins 1981 ! Il nous faut voir aussi que nous ne sommes peut-être pas apparus suffisamment contestataires, et cela c’est plus problématique. Ce n’est pas faute d’avoir tiré la sonnte d’alarme.
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Avons-nous bien pris la mesure du moment politique et de notre utilité dans ce moment ? Ne sous-estimons pas la gravité de la crise dans laquelle est le pays, crise notamment économique mais aussi de sens et de civilisation, et les défis politiques et enjeux qu’elle pose.
C’est alerter sur ces enjeux et cette gravité qu’attendent les gens de la part d’un parti politique utile, ainsi que les voies et chemin de réponse. Loin de prétendre que la gauche est « aux portes du pouvoir », il faut voir cependant les appuis, les ressources du corps social.
4. Nous concernant, il nous faut conjurer à la fois la tendance à la dilution-fusion et la tendance au passéisme, faite de symboles et de conservation.
L’enjeu, c’est la novation communiste, articulant contestation et idées nouvelles. Ce serait une erreur de résumer nos décisions, tant de la conférence nationale que du 38ème congrès, à « candidature communiste ou pas ».
Notre décision est celle de toute une réorientation pour désigner des enjeux, un projet, pour une pédagogie des leviers à saisir par le mouvement populaire afin de changer les choses et pour engager nous-mêmes des luttes populaires. C’est à cette aune qu’il nous faudra analyser notre campagne et notre activité : ni simplement tourner la page et passer à la suite, comme nous l’avons fait pour les européennes, ni entrer dans un déchirement entre communistes et un pré-congrès permanent, mais oser se critiquer de façon constructive, marxiste et communiste, pour avancer.
5. Dans le même temps, l’action populaire ne peut pas attendre : une bataille dans la durée n’est-elle pas possible et nécessaire pour des pré-recrutements dans la santé et dans l’enseignement ?
De même des milliers de syndicalistes ont signé des appels à voter Fabien Roussel. Réunissons-les, entendons-les, voyons avec elles et eux ce qu’il y a à faire, à penser. Voyons aussi la fracture accrue entre couches populaires et couches moyennes, c’est pour nous une question plus essentielle que jamais.
Nous sommes à présent face à une contradiction : le progrès de la gauche par rapport à la présidentielle précédente est un point d’appui, mais nous sommes en risque de coupure avec une partie de celles et ceux qui luttent, notamment les plus jeunes. Raison de plus pour avancer sur les luttes pratiques.
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Concernant les enjeux immédiats : le second tour et les législatives.
Je partage totalement l’appel à utiliser le bulletin E. Macron pour empêcher l’arrivée de M. Le Pen au pouvoir.
Et il nous faut taper sur le programme prétendument social de M. Le Pen : il est faux, par exemple, de prétendre qu’elle propose la retraite à 60 ans. C’est une néo-libérale comme Macron, avec en plus le racisme et l’attisement du tous contre tous. Bien sûr, il est hors de question pour nous d’entrer dans une quelconque « union sacrée » avec E. Macron, ni maintenant, ni après !
Concernant les législatives, nous devons avoir une position très unitaire et très ouverte, pour une union pluraliste de toutes les forces de gauche, sans exclusive, et nous devons travailler au plus vite sur les engagements communs que nous proposons.
Nous devons axer la bataille des élections législatives sur l’idée de députés pour résister à E. Macron (ou à M. Le Pen), pour appuyer le mouvement populaire et pour contribuer à construire une alternative.