Intervention de Frédérc Boccara au CN du PCF du 14 mai

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Intervention de Frédérc Boccara au CN du PCF du 14 mai

La crise est très profonde et s’approfondit de jour en jour, aussi bien économique, qu’écologique, sociale, sociétale, politique et de civilisation. En avons-nous vraiment pris la mesure ? La mesure de sa profondeur, la mesure des changements nécessaires et, en même temps, de la nouveauté du monde ?

Le fait est, en tout cas, qu’il a été décidé « d’enjamber » en quelque sorte la crise, ses exigences de résistance et de combat et de sauter directement à des « jours heureux » au lieu d’alerter notre peuple sur le débat central : « comment y répondre voire la conjurer ? » ; ceci malgré nos textes adoptés en commun insistant sur la crise et ses développements à venir, malgré les alertes dans les différentes instances, malgré les débats, malgré la réalité des mobilisations et cris d’interpellation populaires.

Maintenant, que va-t-il en être ? Va-t-on enfin prendre ces questions à bras le corps ?

1 La volonté de changement à gauche s’exprime plus fort et une certaine dynamique existe avec la NUPES, avec ses limites qui sont avant tout la faiblesse numérique et idéologique des idées de gauche. Tout cela est très contradictoire car, en même temps que se manifestent ces exigences, que les gens ont envie de jouer un rôle il y a aussi une grande tendance délégataire. Et cela peut nourrir les illusions.

Il me semble que notre rôle principal est de faire percevoir les leviers à saisir et le besoin d’intervention pour qu’il y ait un « vrai changement », dans le sens des exigences populaires exprimées à gauche.

Cela concerne 4 domaines : l’emploi, la nationalisation des banques pour un tout autre crédit, les entreprises (qui loin de n’être qu’un enjeu « monde du travail »), les libertés avec le nouveau régime politique qui se met en place (fait d’hyper-présidence, de fédéralisme européen et d’un rôle renforcé de la BCE).

2 Alors, nous avons un mauvais accord. Un accord qui, dans l’esprit de LFI, vise l’intégration, voire la soumission là où nous voulons y voir la coalition. Pourquoi est-il mauvais ? Tout d’abord parce que le programme est inconnu ! ou tout du moins les mesures principales. Nous savons même que la nationalisation des banques est mise en cause à l’occasion de l’inclusion du PS et de EELV mais aussi en conformité avec la stratégie de flou de Jean-Luc Mélenchon (qu’il associe à son gauchisme de posture pour apparaître « fréquentable »). Ensuite le nom, NUPES, nous exclut totalement. Enfin, le parlement de l’Union populaire, devenu parlement de la NUPES est conçu pour durer au-delà de la campagne malgré les dénégations de nos partenaires.

C’est pourquoi après avoir voté contre l’accord lorsqu’il nous avait été soumis tant en CEN qu’au CN, je ne prendrai pas part au vote d’aujourd’hui sur les candidatures.

Je comprends les camarades qui ont voté pour l’accord en le concevant comme une coalition qui permet de garder le contact avec les gens et de porter le drapeau de l’unité, mais je pense que nous pouvions nous y prendre autrement, même si je n’ai pas le temps ici de développer.

3 Mais bien sûr, cet accord va vivre. Quelles sont « nos tâches » alors, dans ce contexte ? Il ne s’agit pas de faire la grimace et la fine bouche. Il s’agit de pousser notre apport autonome. Notre apport pour avancer. D’autant qu’il existe un débat, à gauche. UN débat, et un sacré défi si on veut réussir !

Le sens de notre intervention pourrait être « se donner les moyens et les pouvoirs d’un changement réussi ». Ce combat qui, malgré les efforts de nombreux militants et organisations du parti, a tant fait défaut durant la campagne, il est grand temps de le mener ! C’est même indispensable. Je prendrai cinq points :

- Pouvoir d’achat. Faut-il mettre en avant une revendication de niveau des salaires ? Je pense qu’il faut plutôt insister : pour améliorer durablement le pouvoir d’achat et les conditions de vie, on ne peut pas se contenter de « chèques cadeaux » ou d’augmentations ponctuelles. Il faut changer profondément les choses : changer la logique des entreprises, en y faisant reculer la logique du capital en mettant de toutes autres conditions aux aides publiques et au crédit aux entreprises, et créer tout de suite beaucoup d’emplois. C’est très différent d’une énième pétition pour réclamer une augmentation de X euros du SMIC. C’est porter la bataille sur les moyens et pouvoirs. Tirons les leçons de la réussite de la pétition « des milliards pour l’hôpital » par rapport à la pétition pour une allocation Covid, lancée quasi en même temps mais qui a rassemblé 10 fois moins de signatures.

- Retraites. Appuyons-nous sur les avancées d’idées engrangées durant la bataille de 2019, notamment sur le financement : l’enjeu c’est de développer l’emploi de qualité et la masse salariale, le problème c’est le capital. Pour cela nous voulons faire contribuer les revenus financiers des entreprises, par une cotisation sociale additionnelle, et moduler à la hausse, par une sur-cotisation, les cotisations des entreprises qui taillent dans l’emploi et la masse salariale. Une initiative du parti est à réfléchir très vite.

- Nationalisation des banques pour un tout autre crédit aux entreprises, en créant un pôle public bancaire et financier, avec des pouvoirs démocratiques dessus. Un même jour national d’initiative par le parti serait-il possible là-dessus dans toute la France ?

- L’emploi à l’hôpital et dans les services publics. Ne pourrions-nous pas aller à la rencontre de la jeunesse des cités populaires, en s’appuyant sur les éléments de dynamique de la NUPES, pour engager avec elles et eux une bataille pour la pré-embauche de jeunes ? (rencontre jeunes des cités et des lycées/salariés de l’hôpital voisin, pétitions, voire bureaux d’embauche, délégation au conseil régional ou à l’ARS ?)

- Europe. Nous devons cesser de refouler cette question. L’UE va organiser l’austérité sociale, la hausse des taux de la BCE et la BCE va appuyer les dépenses pour l’armement. Nous devons mettre sur le devant de la scène publique notre revendication d’un Fonds européen solidaire pour les services publics et l’emploi, alimenté à 0% par la BCE. Ce Fonds s’oppose point pour point au Fonds « de résilience » pour acheter des armes porté par E. Macron.

4 Il faut donc des initiatives nationales durant la campagne des législatives (notamment des journées communes dans toute la France, comme nous avions su le faire au tout début de la campagne emploi)

Un tract dont le contenu pourrait être travaillé autour de : « pour résister à Macron et se donner les moyens et pouvoirs de réussir un changement de politique : développons les luttes et portons des candidats qui se battront pour ces moyens et pouvoirs ».

Publié dans Législative 2022, PCF

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