Intervention de Denis Durand au CN du PCF des 2 et 3 juillet 2022

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Intervention de Denis Durand au CN du PCF des 2 et 3 juillet 2022

Après quarante ans de montée constante de l’extrême-droite, nous sommes entrés dans une situation nouvelle, bien plus dangereuse, et nous ne devons pas nous laisser surprendre par ce qui va suivre.

42 % des voix pour Marine Le Pen au deuxième tour de l’élection présidentielle, c’est 5 points de plus qu’Hitler au deuxième tour de l’élection présidentielle de 1932. Qu’on puisse juger exagérée cette référence historique, n’est-ce pas précisément là un signe de banalisation du fascisme ?

Avec 13 millions d’électeurs, un groupe parlementaire et des vice-présidences, un parti organisé qui a éliminé les dissidences, l’extrême-droite est idéalement placée pour exploiter les colères et les désarrois que les prochains mois ne vont pas manquer d’exacerber. Exploiter le sentiment de vivre dans un pays en déclin, qui s’appauvrit, qui connaît un déclassement sur la scène internationale.

Or nous sommes à nouveau en temps de guerre, et les peuples européens redoutent les chemins où les impérialismes qui s’affrontent, y compris l’impérialisme américain, le plus puissant, veulent les entraîner. On reparle de rationner l’énergie, et pourquoi pas, demain, des bons d'alimentation ? Mais dès avant la guerre en Ukraine, la crise économique est repartie.

Depuis trente ans, les banques centrales ont maintenu à bout de bras la rentabilité du capital en déversant des milliers de milliards de dollars sur les marchés financiers et sur les banques mais aujourd’hui la situation leur échappe. L’inflation, longtemps concentrée sur les prix des actifs financiers et immobiliers, contamine maintenant de façon explosive les prix à la consommation : cette inflation-là, ils vont vouloir la maîtriser en matraquant l’emploi. Au passage, l’énorme effort de formation, d’embauches, d’investissement qu’exige la révolution écologique est vite oublié.

Face à ces crises, la gauche dans son ensemble est aujourd’hui très mal placée pour mener la résistance. Malgré un léger progrès par rapport à 2017, auquel la candidature de Fabien Roussel n’est sans doute pas étrangère, elle se situe toujours à un niveau électoral historiquement faible. Elle est touchée au premier chef par la perte de crédibilité de tous les projets politiques en présence, dominée qu’elle est par une croyance surannée : l’État aurait la capacité de corriger les excès du capitalisme sans qu’il soit nécessaire de contester la gestion de l’économie par le capital. Cette croyance inspire de part en part le programme de Jean-Luc Mélenchon repris pour l’essentiel par la NUPES. C’est pourtant elle qui a conduit l’expérience Mitterrand à finir dans la déception après 1983, l’expérience Jospin à finir dans la colère en 2002, et l’expérience Hollande à finir dans la honte en 2017.

L’originalité du programme de Fabien Roussel est d’être porteur d’une autre cohérence, celle du 38ème congrès du PCF.

En effet, remédier aux causes de la marche à l’abîme, y compris en réussissant une révolution écologique, exige de s’attaquer au capital pour imposer une autre logique. D'abord, viser non pas l’accumulation de profits mais des objectifs sociaux, écologiques, féministes tels que ceux qui figurent dans la plupart des programmes de gauche et dans celui de la NUPES. Mais en plus, ce que nous apportons, c’est une cohérence entre ces objectifs et la conquête de pouvoirs de décision contre le capital. Ce pouvoir qui consiste essentiellement à décider de l’utilisation de l’argent (profits des entreprises, crédits bancaires, dépenses publiques) et qu’il faut conquérir afin, précisément, de mobiliser les moyens financiers, mais aussi matériels et juridiques, de réaliser ces objectifs.

Non pas « désobéir » mais obliger les entreprises, les banques, la BCE, le FMI à « obéir » aux exigences populaires : priorité à l’emploi, à la formation, aux services publics, et non à la rentabilité pour les actionnaires et les marchés financiers.

On va nous répondre par un sourire ou un haussement d’épaules : c’est une révolution que vous voulez ! Il me semble que le mot ne devrait pas nous faire peur, et la chose non plus. Les communistes ne sont pas des gens qui se sont dit un jour « j’ai terriblement envie que Jean-Luc Mélenchon (ou un autre) devienne Premier ministre, j’adhère au PCF ». Ils sont membres du PCF parce qu’ils sentent que la société a besoin de changements fondamentaux, pas en paroles mais dans l’action. C’est un programme de résistance, et un projet de société qui peut rassembler vraiment la gauche et tous ceux qui veulent rendre vraiment possibles des « jours heureux ».

Nous avons des moyens de mener le combat pour ce programme, d’agir face à la crise politique, économique, écologique, morale, face à la politique de Macron et face à l’offensive fasciste.

Nous avons sauvé un groupe parlementaire, nous sommes redevenus visibles grâce à la campagne de Fabien. Nous avons des idées, nous avons un programme et un projet de société. Et surtout, nous avons ce corps militant communiste qui est sans équivalent à gauche.

Il y a urgence à lui donner le moyen de repartir au combat, en lui proposant de préparer dès à présent des initiatives unitaires de mobilisation populaire et d’ampleur nationale, pour l’emploi, le pouvoir d’achat, les services publics.

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