Services publics, retraites, assurance chômage : Bruno Le Maire promet le pire pour la dépense publique
Pour revenir au dogme des 3 % de déficit budgétaire public dès 2025, le ministre de l’Économie confirme des coupes claires dans les dépenses de l’État, des collectivités locales et même dans celles de la santé. Les réformes de retraites et de l’assurance chômage font bien partie du remède de cheval annoncé durant le quinquennat.
Bruno Le Maire a déjà oublié que Macron ne doit son élection qu'à la volonté des électeurs de faire barrage à Le Pen au second tour de la présidentielle. Ils n'ont donc pas voté pour son programme. Et dès fois que certains voudraient interpréter le sens de leur vote autrement que ce qu'il est, aux élections législatives, ils ont confirmé leur volonté en refusant de donner une majorité absolue de députés à l'Assemblée à Macron. Le programme de Macron n'est donc pas légitime !
Vouloir appliquer le programme de Macron, comme l'annonce Bruno La Maire est une forfaiture grave !
D'autant que sur cette question de la dette, Macron pendant sa campagne n'a pas été loquace, n'a pas fait preuve de clarté ni de transparence.
C'est déjà ce que nous dénoncions entre les deux tours de la présidentielle dans ce blog notamment le 18 avril après avoir visionné l'émission BFM Business dans laquelle Christian Chavagneux document à l'appui, a dénoncé le projet de Macron d'imposer pour les 5 années à venir, une cure d'austérité comme la France n'en a jamais connue.
Ce nous écrivions le 18 avril 2022 :
"Si pour les forces progressistes de notre pays l'appel à battre l'extrême droite va de soi, cela n'apparaît pas si évident pour les militants de la France Insoumise qui pourraient faire pencher la balance du mauvais côté.
Macron doit donc les convaincre, tout comme il doit convaincre les électeurs écologistes et les électeurs communistes dont certains s'interrogent encore malgré l'appel très clair de leur parti à battre l'extrême droite en utilisant le seul bulletin à leur disposition. Il doit également convaincre de nombreux jeunes qui se sont abstenus au 1er tour (40% des moins de 34 ans).
Macron a tenté depuis le résultat du 1er tour d'amadouer l'électorat populaire. Il a commencé à reculer sur la retraite mais ça ne fait pas le compte, il a reconnu avoir prononcé des mots méprisants à l'égard de certains citoyens, enfin samedi à Marseille devant un public réduit à 3000 personnes, il a essayé de corriger le tir sur l'écologie mais là encore de manière timide, pas à la hauteur des enjeux.
Il semble donc avoir pris la mesure que sa réélection n'est à l'heure actuelle pas du tout acquise, tout va se jouer à un poil ! D'autant plus, si beaucoup de téléspectateurs ont entendu les propos de l'économiste Christian Chavagneux invité de l'émission « Les Experts » diffusée sur BFM Business le 22 septembre 2021.
Christian Chavagneux dit :
« Moi, 2022, honnêtement, ne m'intéresse pas beaucoup. C'est une année électorale, donc le gouvernement crache un peu plus d'argent public, voilà. C'est un grand classique. Moi, ce qui m'intéresse et ce qui m'inquiète, pardon, c'est la suite, c'est l'éventuel prochain quinquennat d'Emmanuel Macron, parce que j'ai eu la curiosité d'aller regarder le programme de stabilité que la France a envoyé au début de l'été à la Commission européenne.
Et là, j'ai regardé 2023 et les cinq ans qui suivent. Et là, j'ai été, mais... sidéré. Généralement, on commente, comme on le fait tous,... le déficit budgétaire : les dépenses moins les recettes. Après, on peut regarder ce qu'on appelle le déficit primaire : les dépenses moins les recettes hors remboursement des paiements d'intérêts de la dette.
Mais, il y a un autre chiffre qu'on regarde, qui est intéressant, je trouve, dans le programme de stabilité de la France, c'est le déficit budgétaire primaire, donc hors paiement des intérêts de la dette, et hors effets de la conjoncture. »
Et Christian Chavagneux précise : « Là, vraiment, quand on sait vraiment les choix du gouvernement. Et là, je m'aperçois que quoi ? Qu'en 2022, ce déficit, il est à 3,6 % du PIB, et qu'à la fin, cinq ans plus tard, il est prévu par le gouvernement à 1 %. Une division par plus de trois, qui est absolument drastique. Comment est-ce qu'on fait ça ? Vous remontez deux pages plus loin, et là, vous voyez que, dans ce programme de stabilité budgétaire, pour l'éventuel prochain quinquennat d'Emmanuel Macron, vous avez une baisse des dépenses publiques de plus de trois points de PIB. J'ai regardé les stats de l'Insee, ils donnent ça depuis les années 1960... »
Cela fait 75 milliards d'euros ! Christian Chavagneux rajoute : « ... Jamais depuis 1960, où l'Insee n'a... jamais en France on n'a réussi à baisser de plus de trois points de PIB la dépense publique. »
Christian Chavagneux répond à quelques personnes présentes sur le plateau télé « Vous pensez ce que vous voulez, mais ça donne une orientation politique. Quelle est l'orientation politique de l'éventuel prochain ministre des Finances ? Pour la France, c'est une réduction drastique de plus de trois points de PIB des dépenses publiques. » et il conclut son propos: « Comment ils font ça ? 85 % de cette baisse, elle s'explique comment ?
Vous avez un petit bout qui concerne l'investissement public, qui, en pourcentage du PIB, va baisser. Alors quand le gouvernement nous dit : " On va faire sur la transition écologique, sur la transition numérique... ", déjà qui sont incompatibles entre elles, bon, passons. Mais qu'on va mettre beaucoup d'argent, non. En pourcentage du PIB, l'investissement public va croître moins vite que le PIB sur les cinq ans qui viennent.
Le deuxième, c'est la réduction du nombre de fonctionnaires.
Et le troisième, et c'est le plus gros, le plus gros, c'est la baisse des dépenses sociales. Donc la réforme des retraites et peut-être d'éventuelles encore réformes de l'assurance chômage pour ne pas donner de l'argent à tous ces feignants de chômeurs. Peut-être que ça aussi c'est en filigrane.
En tout cas, voilà le programme budgétaire post-2022 de l'austérité, mais comme on n'en a jamais connu et jamais réussi – vous avez raison de le dire tous les trois – en France depuis les années 1960, en tapant sur les fonctionnaires, sur l'investissement public et sur les dépenses sociales. Voilà ce qui m'inquiète.
A la connaissance de ces propos on peut aisément comprendre que des électeurs écologistes, de gauche et progressistes s'interrogent, hésitent et peuvent soit voter blanc ou s'abstenir. Certes donner les clés de la maison à Marine Le Pen qui fera de même voire pire que Macron n'est pas la meilleurs réponse à l'ultralibéralisme de Macron, mais cela devrait conduire ce dernier à dire clairement qu'il remettra en cause ses choix actuels, c'est une des conditions pour convaincre.
D'autant plus qu'il ne pourra pas affirmer que son programme est légitime, il n'a fait que 28% au 1er tour et s'il gagne sa réélection ça sera le résultat d'un vote par défaut, pour faire barrage à Marine Le Pen et non pas un vote d'adhésion à son programme. C'est la caractéristique de tout vote utile, cette mascarade de la 5ème République et des institutions actuelles.
Sa réponse, doit être de remettre en cause son programme jamais débattu, sans cela le risque est grand de voir le pire.
Ainsi 3 mois après, alors que les débats n’étaient pas encore achevés à l’Assemblée nationale concernant la loi pouvoir d’achat, Bruno Le Maire a annoncé le nouvel acte de la politique gouvernementale. Un acte qui devrait durer le reste du quinquennat et qui promet un tour de vis douloureux à l’encontre des comptes publics et des capacités de la puissance publique à investir en faveur de la transition écologique comme à répondre aux besoins de la population.
Du jamais vu depuis 20 ans
Conformément aux engagements de Macron (voir ci-dessus) vis à vis du gendarme européen, Bruno Le Maire annonce vouloir ramener le déficit sous les 3 % en 2027, il s’est engagé à contraindre comme jamais depuis vingt ans la dépense publique. « Nous réaffirmons le sérieux budgétaire de la France », avec « un redressement des comptes publics qui fait partie des priorités de notre majorité », a-t-il affirmé lors de sa présentation des perspectives économiques et financières de la France durant le quinquennat.
Ses deux ambitions consistent donc en la « baisse de la dette publique à compter de 2025 » et le retour « sous les 3 % de déficit en 2027 », contre 5 % attendu en 2022. Ce qui se traduit par un choc sur la dépense publique, contrainte en volume à +0,6 % par an en moyenne sur la durée du quinquennat, à l’heure où la seule inflation frôle les +6 % sur un an.
Il s’agit du « taux d’augmentation le plus faible depuis vingt ans », reconnaît Bruno Le Maire, puisque selon les chiffres de Bercy, la progression des dépenses publiques a atteint 2 % par an sur les vingt dernières années et 1,2 % par an sur les dix dernières.
La politique sociale, de l'emploi, d'investissements et à l'égard des Services Publics va être catastrophique alors que les attentes des citoyens sont énormes.
Conformément à la déclaration du PCF de ces derniers jours, plus que jamais la résistance des parlementaires communistes et de gauche devra s'accompagner de mobilisations sociales puissantes pour ne pas laisser faire et conquérir une autre politique.
Le ton est donné pour la rentrée et pour la préparation de la journée d'action nationale des syndicats pour le 29 septembre.