Pollution PFAS à Pierre-Bénite, une réunion publique pas rassurante et qui provoque de la colère !
Ce lundi 24 octobre, à l'initiative du maire (LR) de la ville s'est tenue une réunion publique ayant pour objectif de faire le point des démarches engagées par les institutions : mairie, Métropole, DREAL, ARS. Après les exposés, longs et chargés de chiffres, la parole fut donnée au public. Cela permit à Jean Chambon, Roger Tarrago, Thierry Mounib et d'autres d'intervenir.
Dans leurs interventions, il a été montré qu'il s'agissait d'une pollution à ne surtout pas banaliser car la santé de chacune et de chacun est directement menacée par les PFAS dont il est reconnu qu'ils sont très dangereux comme cela est confirmé par divers études et la lettre de l'Observatoire Régional de la Santé Aura.
Aux interpellations du public concernant la santé, les réponses de la représentante de l'ARS ne furent pas convaincantes car visant à minimiser l'impact des PFAS sur la santé en abreuvant le public de chiffres dont bon nombre assorti du "à ce niveau, il n'y a pas de risque!". Cela l'a conduit à se satisfaire des résultats des prélèvements qui durent depuis 5,5 mois et à refuser une étude épidiémologique des populations concernées demandée par plusieurs associations et partis politiques.
Si l'ARS n'est pas compétente pour lancer, construire et conduire un telle étude, le Ministère de la santé lui, en a la compétence et les moyens. Il s'agit donc bien d'une question politique !
Bien que défendue par le maire de la ville, les réponses de l'ARS eurent pour effet d'aviver la colère d'un certain nombre de personnes qui l'ont exprimée à leur manière tant dans le débat qu'à l'issue de celui-ci et notamment les salariés d'Arkema présents.
L'article du Progrès du jour montre que la banalisation est en cours. "Pollution aux perfluorés : des analyses moins alarmantes" et en titre de l'article, Le Progrès enfonce le clou : "Pollution aux perfluorés : la mairie se veut rassurante!". L'opération semble avoir prise au Progrès, en est-il de même parmi le public ? A entendre les commentaires à la sortie, on en doute.
Pourquoi les instituions cherchent-elles à amoindrir l'ampleur des dégâts possibles sur la santé causés par les PFAS ? Comme à chaque pollution grave (Métaleurope, Amiante etc) nous trouvons toujours les mêmes méthodes : d'abord nier et ensuite minimiser, décrédibiliser les études scientifiques ou journalistiques, les faire refaire pour gagner du temps, faute de normes en France ouvrir un faux débat construit sur l'idée qu'en dessous d'une certaine norme, il n'y aurait pas de risque pour la santé. Le tout, afin d'éviter d'interdire les productions polluantes, de limiter les investissements des pollueurs dans la sécurité, la protection des riverains, les réparations et la dépollution.
Il est vrai que pour Arkema produire avec des PFAS, ce n'est pas du tout pareil que produire sans PFAS.
Il faut savoir que la production de KYNAR avec l'apport de PFAS est de 2200 kg alors que sans PFAS elle est de 1300 kg. On le voit bien, la productivité gagnée grâce à la technologie PFAS chute ! Mais est-ce que cette donnée économique réelle doit avoir la primauté sur la sécurité et la santé des salariés et des riverains ? Notre réponse est sans ambigüité, c'est NON ! Et nous ne sommes pas les seuls !
C'est bien pourquoi la législation permet d'avoir des expertises de l'impact sur la santé humaine quand il y a une évolution technologique afin de dégager des préconisations visant à la protéger.
Aujourd'hui, la question de la norme (taux de PFAS dans l'eau, les sols, l'air) n'est pas le bon point de départ d'une analyse critique sérieuse, le seul point de départ plausible en l'état des connaissances est de considérer que la seule présence de PFAS quel qu'il soit et quel qu'en soit le taux de concentration est dangereux pour la santé ! C'est cette logique qui a conduit l'Union Européenne à prévoir des mesures de restriction voire l'interdiction de l'utilisation des PFAS !
La réponse du Ministre de la santé au député communiste André Chassaigne confirme de son côté. Extraits :
"De plus, les Pays Bas et l'Allemagne avec le soutien de la Norvège, du Danemark et de la Suède, préparent une proposition de restriction visant à interdire toute la famille des PFAS, qui devrait être transmise à l'ECHA (Agence Européenne des Produits Chimiques) dès janvier 2023. La France soutient bien évidement cette démarche."
Autre extrait important de la lettre du Ministre : " Les PFAS font l'objet d'une attention particulière et l'Etat est déterminée à poursuivre toutes les études visant à améliorer les connaissances sur les expositions et les impacts sur la santé et l'environnement de ces substances"
Il est donc reconnu officiellement que les PFAS sont dangereux pour la santé et qu'il est nécessaire de restreindre leurs utilisations dans un premier temps, pour très rapidement en interdire l'utilisation.
Il est vraiment regrettable que cette réunion publique ait finalement accouché d'une souris et une certaine banalisation de cette pollution et de ses dégâts. De quoi satisfaire les groupes Arkema et Daïkin les deux pollueurs existants sur la plateforme industrielle de Pierre-Bénite. Tout va dépendre maintenant, comme toujours, de la mobilisation citoyenne et des salariés dans leur entreprise.
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Interventions de Jean Chambon et de Roger Tarrago portées à la connaissance de nos lecteurs :
Intervention de Jean CHAMBON :
La révélation de la pollution par Martin Boudot a maintenant 5 mois et demi ! Depuis un important travail a été réalisé par la ville et par la DREAL. Au final, quel que soit le taux de PFAS trouvé, il y a une certitude qui se dégage, la ville et celles environnantes sont polluées ! la seconde certitude c'est que la santé est en danger. je dirais que nous avons affaire à un grave problème de santé publique.
Cela fait débat, il est même des personnes qui pensent que ces produits n'ont pas d'impact sur leur santé, parce qu'elles n'ont jamais été atteintes par une des pathologies qu'ils génèrent. Je veux simplement leur dire que selon les personnes exposées, certaines seront atteintes dans les 4 à 5 ans, d'autres dans les 10 ans, enfin certaines dans les 25 à 30 ans et d'autres jamais. Quand la maladie arrive 20 à 25 ans après l'exposition à des produits dangereux, il est souvent difficile d'établir la relation entre la pathologie et le moment de l'exposition. D'où le besoin de faire une étude épidiémologique sérieuse afin d'évaluer sur la population pierre-bénitaine et celle des villes environnantes l'impact des PFAS sur la santé avec en priorité les salariés et les ex-salariés d'Arkema qui utilise ces produits depuis plus de 40 ans.
Cette grave situation oblige maintenant les services de l'Etat et l'Etat lui-même a prendre des dispositions concrètes pour tarir les sources de cette pollution. Nous savons où elles sont : les pollueurs sont connus, il s'agit d'Arkema et de Daïkin qui utilisent des PFAS pour leurs productions. Je constate que dans les interventions qui ont présenté les résultats des campagnes de prélèvements, les noms d'Arkema et de DaÏkin n'ait été que très peu de fois prononcés. Etrange !
Ce qui est très regrettable et inadmissible c'est que ces deux entreprises continuent d'utiliser les PFAS dans leurs productions et continuent de les rejeter. Elles continuent donc de polluer. Et Arkema pourrait encore le faire jusqu'en 2024 qui est l'échéance fixée par le préfet. C'est inacceptable. Nous proposons donc que l'interdiction des PFAS soit immédiate pour Arkema et Daïkin.
Notre demande est légitime, car c'est de notre santé à tous, et celle des générations futures qui est en cause, légitime aussi car l'entreprise Arkema avoue dans le journal local avoir mis au point un procédé de fabrication pouvant remplacer les PFAS dans ses fabrications. L'inverse aurait été surprenant quand on sait que ce groupe mondial est le moteur du Pôle de compétitivité Axelera qui perçoit des millions d'€ de fonds publics pour ses recherches.
Je suggère donc trois étapes, la première est donc l'interdiction immédiate des PFAS par Arkema et Daïkin et le lancement immédiat de l'étude épidiémologique et enfin une troisième, celle de la dépollution, question difficile certes mais Arkema et le Pôle de compétitivité ont les ressources humaines et techniques pour rechercher et fabriquer dépolluants.
Certes cela ne sera pas producteur de rentabilité financière mais ne dit-on pas que les pollueurs doivent être les payeurs. Notre santé n'a pas de prix ! La nappe phréatique devrait être la priorité de la dépollution.
Intervention de Roger Tarrago
La pollution est là. La toxicité des PFAS sur la santé est décrite depuis des décennies par les scientifiques, les toxicologues du monde entier. Souvenons nous des poëles Téfal qu'il ne fallait plus utiliser. Il eut été plus judicieux de ne pas nous les vendre !! A qui profite le crime ?
Arkéma rejette dans l'atmosphère, dans l'eau et dans les sols des PFAS depuis les années 1960. Arkéma est leader dans la chimie du fluor. L'entreprise maitrise parfaitement cette chaine de production. Le directeur de l'usine s'est exprimé en déclarant qu'il n'existe pas de règlementation en France concernant les rejets de PFAS, donc nous respectons la réglementation ! Ce n'est pas une posture responsable, ni même respectable. Tant qu'on ne nous interdit pas de polluer, polluons !!
Quid des instances comme le CLIC (Comité Local d'Information et de Concertation) puis du CSS (Comité de Suivi de Site) qui prônent la transparence de l'information entre l'entreprise et la population. Egalement la Lettre d'Information d'Arkéma sur papier glacé distribuée dans les boites aux lettres pierrebénitains-nes. Dormez tranquilles braves gens, on veille.
Le Centre de Recherche Arkéma de Pierre-Bénite, l'un des plus important de la multinationale, apporte depuis des dizaines d'années son expertise au service des polymères fluorés, améliorant les qualités, créant de nouvelles molécules, diversifiant les utilisations. Il est donc capable de trouver des substituts aux PFAS. Peut-être d'ailleurs existent-il déjà au fond des cartons pour au cas ou ça pourrait servir. Pour cela le Centre de Recherche a les moyens humains, techniques, financiers.
Arkéma a bénéficié de centaines de millions d'euros d'argent public au titre de réduction d'impôts du CIR (Crédit d'Impôt Recherche) ou du CICE (Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi) depuis que ces dispositifs gouvernementaux ont été mis en œuvre dans les années 2000 et 2010. Mais aussi le Pôle de Compétitivité Axéléra où Arkéma est moteur pour la mise en commun des moyens de recherche, publique, universitaire et privé avec là aussi, injection d'argent public.
Il est donc urgent, et surtout possible d'interdire tout de suite tout rejet de PFAS dans la nature. L'Etat via la DREAL a le pouvoir règlementaire de contraindre l'Entreprise, sans attendre. Le ministère de la santé via l'ARS à la responsabilité de protéger la santé des populations,
Le nouveau ministère de la transition écologique se doit de s'emparer de ce cas d'école, si l'on peut dire, pour mettre en avant son efficacité.
Enfin, la population des territoires concernés, les riverains, le milieu associatif, les collectivités territoriales doivent se mobiliser comme l'a fait le Maire de Pierre-Bénite en déposant plainte. Cela n'éliminera pas les dégâts causés et il faudra également exiger la dépollution.
Les salariés avec leurs représentants, premiers exposés, doivent utiliser le Code du Travail qui oblige l'employeur a assurer la protection de leur santé.
Concernant le véritable impact de cette pollution sur la santé humaine une étude épidémiologique est plus que nécessaire en prenant en compte un large panel de la population. Cette étude doit utiliser toutes les données existantes y compris celles de la médecine du travail. Même si cette procédure demande du temps, le résultat sera à même d'évaluer de manière précise les méfaits de cet événement et d'en exiger la réparation.
Mobilisons nous pour reconstruire à Pierre-Bénite et ailleurs une industrie chimique propre et sure au service des citoyens.
Pour terminer, je voudrais rappeler que l'étude de Martin Boudot a montré que le lait maternel était aussi pllué par les PFAS. Or aucun des intervenants n'traitait de cette question très sensible dans les familles. Que prévoit l'ARS pour suivre cette question et la traiter avec le concours des femmes enceintes et des mamans.
Je vous remercie.