39ème congrès du PCF : contribution d'Alain Morin

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

 

Passer d’une visibilité nouvelle à une utilité nouvelle du PCF

 

A la veille du lancement du 39e congrès, revenons sur les objectifs que s’étaient fixés les communistes au précédent pour mesurer le chemin parcouru, tant les avancées prometteuses que les limites à dépasser.

 

La feuille de route du 38e congrès était claire : Conjurer le risque d’effacement « Avec notre 38econgrès, nous voulons donner de la force à cette ambition communiste qu’appelle notre époque; nous voulons donner un nouvel élan à notre organisation révolutionnaire... Nous voulons conjurer le risque d’effacement… »

 

Le pronostic vital était engagé. Et les communistes, en grande majorité, se sont mobilisés pour relever ce défi à l’occasion de l’élection présidentielle. Ils ont dû vaincre tous les obstacles, toutes les pressions internes comme extérieures, saisir cette occasion pour mettre en débat le projet communiste et ses idées à l’échelle du pays avec un candidat. Ainsi 72 % des adhérents votant ont soutenu le choix d’une candidature communiste et celle de Fabien Roussel par 82 % .

 

La campagne a permis de regagner une visibilité nationale, le mur des médias a pu être franchi, le PCF est revenu dans le jeu. Les communistes ont repris confiance et se sont mobilisés, avec Fabien Roussel, pour mener la campagne.

 

Certes, 15 ans sans candidat communiste, un vote «utile» très difficilement résistible et, peut-être aussi une dynamique difficile à maintenir en fin de campagne n’ont pas permis d’atteindre le score espéré. Mais, malgré sa déception sur le score réalisé, la très grande majorité des communistes n’exprime aucun regret sur le choix stratégique car ils ont le sentiment que l’effacement du PCF présenté comme fatal a été écarté : Confirmant la maxime de Nelson Mandela « Cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse ».

 

I) Une nouvelle phase de la crise

 

Mieux dans leurs bottes les communistes vont devoir affronter la situation dans un contexte nouveau, celle d’une aggravation de la crise du capitalisme - baisse de l’espérance de vie dans 2 pays sur 3 dans le monde suite à la pandémie et aux blocages pour y faire face, remontée de la pauvreté, risques de famine et régressions sociales, guerre en Europe, catastrophes climatiques…-.

 

Cela doit mettre à l’ordre du jour du 39 e congrès le défi de révolutionner une telle mondialisation, sa logique capitaliste pour faire reculer la domination des firmes multinationales et du dollar à leur service, avec une monnaie commune mondiale, pour avancer vers un monde de coopération, de partage et de développement des biens communs et publics, de l’emploi pour toute l’humanité. Une autre mondialisation se fera aussi dans les batailles sociétales, touchant aujourd’hui toute l’humanité, pour la préservation de la planète et de la paix ou pour l’émancipation de toutes les dominations. Les communistes devront veiller à la convergence de ces luttes au lieu de leurs cloisonnements mortifères.

 

De même, à 2 ans de l’élection européenne et alors que l’Union Européenne se déchire, les communistes et les forces progressistes du continent doivent ouvrir de nouvelles perspectives pour une refondation de l’Europe et de ses institutions, avec une BCE au service du développement humain. Les luttes actuelles sur les salaires, la précarité, le climat constituent un terreau favorable pour des initiatives du PCF en ce sens.

 

Redonner des repères.

 

En France, tous ces facteurs de tension extrême, les échecs des solutions libérales et social-libérales ont aussi conduit à une crise de régime. Ce contexte semble encourager les forces du capital à oser la politique du pire : une banalisation de l’extrême droite pour aller vers une révolution conservatrice.

 

Conjurer une telle perspective appelle à redonner des repères de classe face à une crise qui peut provoquer à tout moment un effondrement de civilisation.

 

Les divergences à gauche sur le travail et l’emploi, sur l’énergie, sur le rôle des entreprises ou celui de l’État montrent le besoin de débats approfondis et de la contribution du PCF à la reconstruction de tels repères et à une refondation de la gauche sur d’autres bases.

 

Le projet communiste propose un changement de priorité : viser non pas l’accumulation de profits mais des objectifs de progrès sociaux, écologiques, féministes et rechercher une cohérence entre ces objectifs, et la conquête de nouveaux pouvoirs de décision sur l’utilisation de l’argent (profits, crédits, et fonds publics) contre le capital. Un projet de société qui assure à chacune et chacun un emploi ou une formation, avec un bon revenu et des passages de l’un à l’autre maîtrisé par les intéressés et qui vise l’éradication du chômage. Un projet qui porte une ambition d’avancée fondamentale de civilisation en utilisant les progrès de la productivité générés par la révolution informationnelle pour réduire la durée de vie au travail et pour, avec l’essor de la formation et la conquête de nouveaux droits pour les salariés, en changer son contenu. Un projet pour assurer à tous les moments de la vie la promotion des activités sociales d’épanouissement et de créativité.

 

L’appropriation par les communistes et au-delà par notre peuple de cette cohérence va demander beaucoup d’efforts. Cela passera par de la formation militante. Un développement nouveau de l’activité vers les entreprises pour le soutien des luttes revendicatives, la conquête de nouveaux pouvoirs des salariés et des populations avec de nouvelles institutions décentralisées pour combattre la domination du capital. Ces batailles et ces expériences de terrain permettraient de ressourcer l’intervention politique et de faire reculer l’illusion sociale démocrate sur la capacité de l’État de corriger les maux du capitalisme sans remettre en cause ses fondements et sa logique.

 

Répondre à l’urgence

 

Pour répondre à l’urgence et conjurer l’épisode de crise aiguë et la récession violente qui vient, le PCF doit engager des campagnes qui se saisissent des grandes questions sociales et sociétales de la période (travail et emploi, salaires et profit, retraite, services publics, souveraineté énergétique et climat, et paix). Pour chacune d’elles, il s’agit d’avancer des propositions positives comme par exemple, pour les services publics de santé, celle de pré-recrutements de personnels, avec une formation rémunérée et un engagement dans la durée pour les hôpitaux, pour offrir un débouché concret aux mobilisations des personnels et des usagers.

 

Elles permettront de résister aux orientations dominantes, de renforcer l’unité politique du monde du travail et des catégories populaires. Elles feront progresser la conscience de classe. S’inscrivant dans une logique fondée sur le développement des capacités humaines par la réduction des coûts du capital elles permettront de rendre plus concrètes la radicalité et la cohérence du projet communiste.

 

Le congrès serait aussi l’occasion de revoir la conception et l’organisation de ces campagnes. Un va-et-vient serait nécessaire entre les luttes, les rassemblements et les expérimentations d'un côté et les avancées et les propositions sur les questions de fond, d'un autre côté, avec des moments d'évaluation périodiques, des bilans des luttes, des rassemblements, des élections, des propositions. Le niveau régional pourrait coordonner ces nouvelles pratiques à développer dans les entreprises et les services publics.

 

II) L’enjeu de nouveaux statuts

 

De telles ambitions impliquent de nouvelles pratiques, une nouvelle organisation, une culture nouvelle. Il faut armer les communistes et favoriser leur créativité.  Cela exige :

 

– une réévaluation des outils existants : publications communistes ( livres, Revues, journaux et autres nouveaux moyens de communication),

– un apport exigeant des secteurs de travail nationaux du Conseil National, des groupes de travail thématiques dans les départements, de l’éducation populaire, ..

– L'organisation d'un réseau de stages de formation dans tout le pays, de publications systématiques, de productions audiovisuelles

 

Il ne s'agit pas seulement de faire accéder les communistes à la culture marxiste et à ses développements récents, aux idées et propositions nouvelles pour les luttes, mais de leur permettre d'intervenir eux-mêmes sur l'élaboration des avancées et des propositions.

 

Alors que toute la société est minée par l’hyper-présidentialisme et la délégation de pouvoir, c'est d'abord dans le PCF qu'il faut favoriser les interventions et la démocratie participative à tous les niveaux jusqu'à chacune et chacun pour promouvoir un projet et une démarche autogestionnaires.

 

Les nouveaux statuts doivent aussi favoriser le renforcement de nos liens avec nos partenaires en Europe et dans le monde (Partis communistes, PGE, forces progressistes) pour de nouvelles relations entre l'Union européenne et les pays sous-développés et émergents.

 

Pour relever l'importance de la contribution du PCF aux exigences originales de la France et à son apport universel, il s’agit de passer de sa nouvelle visibilité à une utilité nouvelle.

Publié dans 39ème congrès

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