Les mesures fortes de Lula pour réparer le Brésil et aller de l'avant...
Luiz Inácio Lula da Silva a pris ses fonctions dimanche 1er janvier. À la grande surprise des fans de Lula, qui s’attendaient à une délégation de poids de la France, Macron s’est contenté d’envoyer sur place l'obscur ministre délégué au Commerce extérieur. La France a une nouvelle fois boudé l'Amérique du Sud alors que ce rendez-vous brésilien était historique. Tel est devenue la politique étrangère de la France !
Il y avait du beau monde pour assister à l’investiture de Lula, nouveau président d’un Brésil qui bouge – à l’instar de tout le continent sud-américain. Si son prédécesseur, Jair Bolsonaro, avait choisi d'être absent après s’être réfugié aux États-Unis, par précaution, d'autres présidents étaient présents notamment le Chilien Gabriel Boric, l’Argentin Alberto Fernández, le Colombien Gustavo Petro et l’ex-président uruguayen José « Pepe » Mujica, ainsi que les chefs d’État allemand, portugais, angolais, ou encore le roi d’Espagne, Felipe VI. La Chine était représentée par son vice-président, Wang Qishan, proche du président Xi Jinpin.
Lula s’est entouré de citoyens pour annoncer des mesures sociales et environnementales fortes.
Il y a vingt ans, le tourneur mécanicien était déjà ému aux larmes. Pour la première fois de sa vie, il recevait un diplôme, celui de président de la République. Ce 1er janvier 2023, à l’occasion de sa troisième investiture, Luiz Inácio Lula da Silva, pourtant rompu à l’exercice, n’a pu contenir son émotion. En l’absence de son prédécesseur d’extrême droite, Jair Bolsonaro, l’écharpe présidentielle a symboliquement été remise par des citoyens, dont le défenseur emblématique de la forêt amazonienne Raoni Metuktire, un métallurgiste, un influenceur atteint de handicap, un enfant et un professeur.
Autre rupture dans le protocole : Lula a signé les documents d’investiture grâce à un stylo offert en 1989 par un citoyen lors d’un rassemblement dans un État déshérité du Nordeste. « Il m’a demandé de l’utiliser pour signer si je gagnais les élections en 1989. Je n’ai pas gagné les élections en 1989, je n’ai pas gagné en 1994, je n’ai pas gagné en 1998. En 2002, j’ai gagné ; mais quand je suis arrivé ici, j’avais oublié le stylo et signé avec un stylo de sénateur. En 2006, j’ai signé avec le stylo du Sénat, et maintenant j’ai retrouvé le stylo, et je le fais en l’honneur du peuple de l’État de Piaui », a-t-il expliqué dans un clin d’œil à ces terres modestes où le soutien à l’enfant du pays n’a jamais failli.
L’égalité femmes-hommes, un combat
C’est en évoquant la hausse de l’extrême pauvreté et le retour de la faim (30 % de la population se retrouvent en insécurité alimentaire modérée ou grave) que le nouveau chef de l’État brésilien a fondu en sanglots. « La faim est fille de l’inégalité. (…) L’inégalité diminue notre pays aux dimensions continentales en le divisant en parties qui ne se reconnaissent plus. D’un côté une portion qui a tout, de l’autre une foule qui manque de tout, et une classe moyenne qui s’appauvrit année après année du fait des injustices du gouvernement », a-t-il expliqué aux milliers de Brésiliens massés sur la place des Trois-Pouvoirs, à Brasilia.
La pacification du pays fait partie des missions que Lula s’est fixées. Après avoir évoqué les cinq cent quatre-vingts jours passés en prison au terme d’un procès vicié – « Ils ont essayé de m’enterrer vivant et me voici ! », a-t-il clamé –, il a invité les 215 millions de Brésiliens à surmonter les clivages politiques et à se tourner « vers notre brillant avenir commun, et non vers le rétroviseur d’un passé conflictuel et sectaire », en référence aux bolsonaristes qui dénoncent – en dépit des faits – le trucage des résultats et tentent désespérément de provoquer une réaction des forces armées. « Personne ne s’intéresse à un pays éternellement en guerre. Il est temps de renouer avec les amis et la famille, brisés par les discours de haine et la propagation de tant de mensonges », a poursuivi le président.
Pour ce faire, Lula entend s’appuyer sur les femmes. Une stratégie validée par une enquête de l’institut Datafolha, menée avant la présidentielle, démontrant que l’électorat féminin se prononçait largement en faveur de Luiz Inácio Lula da Silva (46 %), loin devant son rival d’extrême droite (29 %) : « Il est inadmissible que (les femmes) continuent à percevoir des salaires inférieurs à ceux des hommes lorsqu’elles exercent la même fonction. Elles doivent gagner de plus en plus de place dans les instances décisionnelles de ce pays. »
La parité reste toutefois un combat : sur 37 ministères, 11 sont confiés à des femmes (contre deux lors de la précédente mandature). La majorité des portefeuilles sont occupés par des caciques du Parti des travailleurs (PT). Un rééquilibrage qui fait suite aux critiques qui avaient émané de la formation face à la part trop importante occupée par les libéraux durant la transition.
Un décret pour sauvegarder le Fonds Amazonie
Autre rupture : l’entrée de plusieurs personnalités afro-descendantes, dont Marina Silva de retour à l’Écologie, un poste clé qui suscite de nombreuses attentes à l’international après les dévastations subies ces dernières années par l’Amazonie et le Sertão. Déjà titulaire du poste lors des deux premiers mandats de Lula, l’évangélique avait démissionné en 2008, estimant ne pas disposer des moyens nécessaires à l’action, avant d’être candidate à trois reprises.
Un ministère des Peuples indigènes a également été créé et confié à la militante autochtone Sonia Guajajara. « (En prison, Lula) a compris que différents sujets politiques étaient apparus sur le devant de la scène. Cela l’a amené à un nouveau type de réflexion (et à porter) cette diversité raciale, sociale et politique », croit savoir Tarso Genro, ex-ministre de l’Éducation et de la Justice de Lula. Concrètement, un décret destiné à sauvegarder le Fonds Amazonie a été promulgué. Il consacre l’utilisation de 3,3 milliards de reais (584 millions d’euros) à la lutte contre la criminalité environnementale. Par ailleurs la mesure qui encourageait l’exploitation minière illégale a été révoquée.
Le désarmement de la société premier pas vers la pacification
Le président Lula a également placé le contrôle des armes à feu parmi les urgences. En quatre ans, Jair Bolsonaro a multiplié les décrets visant à faciliter leur acquisition. Selon l’« Atlas de la violence » publié par l’Institut de recherche économique appliquée, la possession d’armes a augmenté de 57 % lors de la précédente mandature. Dès sa prise de fonction, le nouveau président a ainsi révoqué l’ensemble de ces textes. Un groupe de travail spécifique dispose par ailleurs de soixante jours pour proposer une nouvelle réglementation en faveur du désarmement. Un premier pas vers la pacification.
Sources Marianne et l'Humanité