Les Brav-M sont violentes, intimidantes et imprévisibles. Il faut les dissousdre !

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

" Le port de la cagoule est interdit, c’est écrit noir sur blanc dans le schéma national du maintien de l’ordre", rappelle Lucas Lévy-Lajeunesse.

" Le port de la cagoule est interdit, c’est écrit noir sur blanc dans le schéma national du maintien de l’ordre", rappelle Lucas Lévy-Lajeunesse.

L’Observatoire parisien des libertés publiques, créé par la Ligue des droits de l’homme, dénonce le comportement des brigades d’intervention motorisées dans un rapport paru (1) début avril 2023. Explications de Lucas Lévy-Lajeunesse, coauteur du texte. ENTRETIEN

 

Des plaintes, des blessures, des traumatismes : les conséquences d’un recours accéléré à la Brav-M (brigade de répression de l’action violente motorisée) depuis quinze jours inquiètent observateurs et manifestants. Une pétition sur le site de l’Assemblée nationale a recueilli plus de 260 000 signatures pour sa dissolution, mais la commission des Lois a décidé de classer le texte.

 

Des signalements à l’Inspection générale de la police nationale et à Claire Hédon, la Défenseure des droits, des vidéos et des enregistrements réalisés lors de manifestations confirment des situations violentes.

 

Présent sur le terrain, l’Observatoire parisien des libertés publiques est sur le point de publier un rapport dénonçant l’opacité des informations publiques les concernant. Brigade motorisée à géométrie variable attisant la violence sans prôner la désescalade : les contours du portrait qu’en dresse Lucas Lévy-Lajeunesse font froid dans le dos. (1)

Pourquoi a-t-il paru nécessaire à la Ligue des droits de l’homme et à son Observatoire parisien des libertés publiques de s’intéresser à la Brav-M ?

LLL : La Brav-M concentre beaucoup de ce que l’on peut reprocher en ce moment à la police dans ses interventions, des choses symptomatiques ou paradigmatiques d’un fonctionnement général en maintien de l’ordre. On pouvait déjà observer de la violence au sein de la BAC (brigade anticriminalité), dans les compagnies d’intervention de la préfecture de police de Paris, les CRS et les gendarmes mobiles.

Mais avec la Brav-M, il semble qu’il y ait une volonté d’impressionner, ou peut-être même d’intimider. C’est comme si les autorités cherchaient à communiquer à travers la présence de cette unité en manifestation. Déjà Didier Lallement, l’ex-préfet de Paris qui a mis en place ces brigades en 2019, disait avoir choisi cet acronyme parce qu’il le trouvait signifiant.

En quoi la Brav-M cultive-t-elle un style particulier pour impressionner ?

LLL : Les Brav-M portent un uniforme noir où la qualité d’agent de police est assez peu visible. Leurs grosses motos noires sont banalisées et n’ont rien à voir avec celles des services motocyclistes habituels de la police.

Il est même écrit dans le magazine de la préfecture de police que les feux de signalisation (qui remplacent les gyrophares sur les motos) ont été dissimulés volontairement sous la carrosserie. Il n’y a plus rien qui laisse voir que ce sont des motos de police.

Leur uniforme est constitué de tenues de motard noires ou bleu foncé, avec des casques noirs ou blancs qui laissent peu apparaître les visages, voire pas du tout quand la visière est baissée. Les agents portent très souvent des cagoules.

Il y a là une dimension d’intimidation alors que le port de cagoule est interdit : c’est écrit noir sur blanc dans le schéma national du maintien de l’ordre. Ils portent très peu le RIO (référentiel des identités et de l’organisation), mais ce n’est pas spécifique aux Brav-M. Outre l’intimidation que cela peut susciter, l’absence d’identification possible des agents semble la preuve que les règles et la loi ne sont pas les principes guidant leurs actions.

 

Ces motards arrivent groupés, avec un effet sonore intimidant : on peut parfois plus les assimiler à une espèce de bande violente plutôt qu’à l’image classique d’agents de police. Leurs modalités d’intervention sont aussi particulières : ils interviennent de manière beaucoup moins organisée que les unités traditionnelles de maintien de l’ordre comme les CRS ou les gendarmes mobiles, qui avancent en ligne.

 

À quelle chaîne de commandement obéit la Brav-M ?

LLL : Je ne vais pas pouvoir vous donner une réponse très précise. Nous avons posé, par le biais de la Ligue des droits de l’homme, des questions à la préfecture de police de Paris, qui ne nous a pas répondu. Nous avons saisi la Cada (Commission d’accès aux documents administratifs), qui a donné un avis favorable à notre demande, mais la préfecture n’a toujours pas donné de réponse. Cette opacité pose un problème démocratique.

Ce qu’on peut tout de même comprendre, principalement à travers les discours de Didier Lallement auditionné au Parlement, c’est que le dispositif qu’il a créé donne « une autonomie d’initiative plus grande aux agents ».

Les Brav-M obéissent directement à la préfecture de police, mais ce sont parfois les responsables sur le terrain qui vont pouvoir prendre des décisions stratégiques en fonction de leur évaluation de la situation. Selon Didier Lallement toujours, il existe un canal radio dédié à toutes les compagnies d’intervention en dispositif Brav. Elles peuvent agir de leur propre chef sans forcément attendre un ordre qui vient de la salle de commandement.

 

Les Brav-M n’aiment pas être comparées à l’ancienne brigade des voltigeurs, dissoute en 1986. Y a-t-il une différence ?

La préfecture avait beaucoup communiqué là-dessus : ils seraient différents parce qu’ils n’interviennent pas depuis leur moto. Ils doivent en descendre pour intervenir. Les pilotes ne sont jamais censés être présents directement au contact. Mais ce qui a conduit à ce que les voltigeurs ne soient plus utilisés, ce n’est pas une intervention à moto. Quand ils ont tué Malik Oussekine, en décembre 1986, les voltigeurs étaient à pied…

Il existe beaucoup de vidéos qui sont assez connues et qui ont permis le parallèle. Celle du journaliste NnoMan, notamment, où l’on voyait des membres de la Brav-M matraquer quelqu’un au sol sous un porche, avant de repartir en courant.

On peut faire l’hypothèse que le fait qu’ils soient comparés aux voltigeurs les conduit peut-être eux-mêmes à performer un rôle.

Sur les réseaux sociaux, on peut voir des agents se mettre en scène dans des vidéos ou des photos avec les codes du film d’action, entièrement cagoulés, dans des postures assez virilistes. On peut imaginer que le fait de porter cet équipement, d’arriver à moto, de susciter de la crainte chez les manifestants les conduit à être plus ­violents lorsqu’ils sont dans ce dispositif.

 

Confirmez-vous un changement des comportements policiers, un tournant depuis le recours au 49.3 ?

LLL : Il y a eu une aggravation des pratiques de maintien de l’ordre à partir du 49.3. Depuis l’arrivée de Laurent Nunez à la préfecture de Paris, nous avons réfuté l’idée qu’il y avait eu un changement de doctrine. Nous avons observé des changements de pratiques.

Mais il y avait surtout une continuité avec la direction de Didier Lallement, dans l’emploi d’unités d’interpellation, même si la Brav-M était moins envoyée au contact. On la voyait encore en manifestation, mais elle était postée plus loin.

En revanche, nous avions aussi remarqué que des unités comme les CRS et les gendarmes mobiles étaient plus proches des manifestants et se mettaient parfois à adopter des modes d’action antérieurement caractéristiques de la Brav-M. Mais, effectivement, depuis quelques semaines, nous avons un vrai retour de la Brav-M en première ligne.

 

Allons-nous vers une généralisation de la Brav-M dans la police ?

LLL : Nous nous demandons si ce n’est pas quelque chose qui est voué à se répandre soit tel quel, soit par les modes d’intervention. Au départ, cette brigade était créée seulement pour les manifestations, avec des unités, des binômes constitués le jour même.

 

Mais depuis, on a pu voir sur les réseaux ­sociaux des interventions de la Brav-M pour faire respecter les règles de distanciation sanitaire durant le confinement, elles sont aussi intervenues quand des supporters fêtaient un match sur les Champs-Élysées.

Le problème, c’est que les Brav-M ont tendance à surréagir, à déplacer les points de tension, sans appréciation de la situation générale, sans chercher la désescalade. Les Brav-M sont violentes, intimidantes.

Mais à l’Observatoire, nous voulons aussi insister sur le fait que ces brigades sont loin d’être le seul problème, mais plutôt un révélateur.

Les stratégies de maintien de l’ordre posent problème avec le retour des nasses, des encerclements, etc. Les compagnies d’intervention, de la même manière que la Brav-M, sont très violentes et imprévisibles.

Justice le conseil d’état a tranché : les policiers resteront anonymes

LLL : Le Conseil d’État a refusé, le 5 avril, d’ordonner au ministère de l’Intérieur d’agir pour rendre effective l’obligation de port du RIO (référentiel des identités et de l’organisation) par les policiers en opération. Saisi par plusieurs organisations de défense des droits, il a reconnu que cette règle « n’a pas été respectée en différentes occasions par des agents de la police nationale dans l’exercice de leurs missions », mais a jugé suffisants les rappels à l’ordre de la hiérarchie.

La justice, par la voix du tribunal administratif, a en revanche confirmé à deux reprises l’illégalité des interdictions de manifester décrétées au dernier moment et sans publicité depuis le 23 mars par le préfet de Paris. Elle a précisé que « l’interdiction de porter des équipements de protection ne paraît pas davantage nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public ».

 

Kareen Janselme  Article publié dans l'Humanité

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