Emmanuel Macron, président des riches : les experts sont formels
Le comité chargé d’évaluer les réformes de la fiscalité du capital d’Emmanuel Macron a rendu son rapport final. Verdict : presque aucun effet sur l’économie, mais une hausse significative des inégalités.
Le comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital mises en œuvre par le président Macron au moment de son arrivée au pouvoir vient de remettre son rapport final. Les experts mobilisés au cours des nombreuses études engagées ces dernières années ont cherché à mesurer rien de moins qu’une demi-douzaine d’effets de la baisse de la taxation des revenus du capital, afin d’explorer tous les chemins possibles par lesquels la mesure pourrait trouver un sens.
Leurs résultats indiquent des impacts quasi nuls de la baisse de cette taxation sur la santé de l’économie française. Seule conséquence tangible : une hausse de l’enrichissement des très aisés.
Passer de l’ISF à l’IFI, de l’impôt sur la fortune à celui sur le seul patrimoine immobilier, devait permettre d’encourager la réorientation des placements vers l’économie réelle. Premier résultat des experts : « on n’observe pas, sur les foyers anciennement assujettis à l’ISF, de réorientation de leur patrimoine en défaveur de l’immobilier ».
La conclusion est nette. Le seul résultat de la mesure a été de perdre des recettes fiscales.
Alors que Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, demande aux parlementaires de trouver un milliard de dépenses publiques en moins pour compléter son budget 2024, le rapport indique qu’il s’est privé en 2022 de 4,5 milliards de recettes fiscales du fait du passage de l’ISF à l’IFI.
Est-ce que la baisse de la fiscalité du capital a incité des riches à rester en France ou bien à y revenir ? Oui : « depuis 2018, le nombre de retours de foyers taxables à l’IFI dépasse ainsi chaque année le nombre de départs » avec une baisse des départs et une hausse des retours. Mais cela ne représente pas une grande victoire : « cette évolution porte toutefois sur de petits effectifs, de l’ordre de quelques centaines, à comparer avec les quelque 150 000 contribuables assujettis à l’IFI ».
Il y a toujours eu des contribuables aisés pour quitter la France mais, d’une part, leurs motivations ne sont pas forcément fiscales et, d’autre part, cela a toujours été le résultat de choix individuels tant le nombre de personnes concernées est très faible. Et les experts sont prudents, peu d’années sont passées depuis 2018, « l’effet causal ne peut donc être rigoureusement démontré ».
Hausse des dividendes
Par contre, il semble bien qu’une conséquence de la plus faible taxation des revenus du capital, avec son abaissement à 30 % par le prélèvement forfaitaire unique (PFU), ait eu une conséquence claire :
« Il a été démontré que le PFU a provoqué une augmentation significative des dividendes à partir de 2018. Les plus-values mobilières ont également augmenté fortement en 2018, ce qui est vraisemblablement lié au PFU. »
Quand on taxe moins les revenus du capital, les propriétaires des titres financiers tendent à en réclamer plus. Qui sont-ils ? Selon le rapport, « en ce qui concerne les dividendes, 1 % des foyers fiscaux (400 000 foyers sur 40 millions en 2021) concentrent 96 % des montants totaux déclarés », une proportion supérieure de 5 à 10 points par rapport au niveau d’avant 2017.
Et la concentration des plus-values sur les actifs financiers est encore plus forte : 70 % des montants sont déclarés par 0,01 % des foyers fiscaux (4 000 foyers) précisent les experts, en hausse de 10 points par rapport aux années 2015-2017.
En résumé : une petite fraction de gens très aisés a bénéficié de plus de revenus du capital moins taxés. Un magnifique soutien à la hausse des inégalités en France.
Pour autant, on ne peut en rester à ce constat. En effet, si ces personnes aisées se servent de cet argent supplémentaire pour financer le développement de l’économie, le pays peut en ressortir gagnant. Qu’en est-il ?
Allons d’abord au plus positif en se préoccupant des créations d’entreprises. Les experts ont classé les différents secteurs de l’économie pour déterminer ceux pour lesquels un actionnaire bénéficierait le plus des trois mesures de baisse de la fiscalité du capital (transformation de l’ISF en IFI, PFU et baisse de l’impôt sur les sociétés). Les secteurs les plus favorisés sont ceux des activités financières et d’assurance et immobilières. Malheureusement, les déterminants des créations d’entreprises y sont tellement divers que les experts les ont retirés de l’étude.
Pour les secteurs qui restent, ils trouvent un impact positif de la baisse de la fiscalité du capital sur la création d’entreprise et l’emploi : à chaque fois que les entrepreneurs potentiels dans un secteur voient leur exposition à la taxation du capital augmenter d’un point, cela accroît leur envie de créer une entreprise, ce qui suscite un surcroît de création de 0,75 % du stock existant et de 0,075 % d’emplois en plus. Bref, des effets limités et calculés de manière toute théorique.
Pas d’effet sur les investissements
Et pour ceux qui sont déjà des investisseurs ? Pour l’entreprise dont ils sont actionnaires, « aucun effet n’a été détecté sur l’investissement et les salaires parmi les entreprises possédées davantage par des personnes physiques suite à l’instauration du PFU ». Qui plus est, « chez ces entreprises, l’augmentation des dividendes aurait été intégralement financée par une baisse de l’épargne nette » c’est-à-dire que la hausse de la distribution de dividendes a été financée par une baisse de la capacité d’autofinancement, joli résultat !
Dernière chance : peut-être que ces heureux bénéficiaires d’un surplus de revenus financiers ont investi dans d’autres entreprises que les leurs ? Hormis un dispositif fiscal spécifique qui oblige à réinvestir dans les deux ans pour bénéficier d’un différé d’imposition, « pour les plus-values (ou dividendes) de plus de 100 000 euros réalisées en dehors de ce dispositif, il semble que ces sommes n’aient pas été réinvesties sous forme de participation significative (supérieure à 10 % du capital) dans une société non détenue préalablement ».
Donc, non, l’argent supplémentaire gagné grâce à la baisse de la fiscalité n’a pas été réinvesti de manière significative pour permettre le développement d’autres entreprises.
Saluons l’effort d’évaluation précise de la politique publique mise en œuvre en 2018. Elle montre que la baisse de la taxation du capital et de ses revenus soit n’a pas eu d’effets positifs sur l’économie française, soit des effets marginaux. Le seul impact clair a été un accroissement des revenus du capital en faveur d’un groupe très restreint de personnes très aisées. On n’est plus dans la polémique politique mais dans le résultat de l’expertise : Emmanuel Macron est bien un président au service des plus riches.