Pétrole : le prix du baril de Brent plonge, l’Arabie saoudite peine à convaincre l'Opep+

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Plusieurs membres de l'Opep+ ont annoncé de nouvelles coupes de production de pétrole pour 2024. L'objectif est d'enrayer la chute des cours.

 

Une nouvelle fois, les efforts sont essentiellement supportés par les deux piliers de l'alliance des pays exportateurs d'or noir, l'Arabie saoudite et la Russie. A l'issue d'une réunion des ministres du groupe, Ryad a annoncé l'extension de sa mesure de réduction d'un million de barils par jour (bpj) jusqu'à «la fin du premier trimestre 2024». Moscou va abaisser sur la même période ses exportations de brut et de produits pétroliers de 500 000 barils quotidiens.

 

Parmi les 23 membres, d'autres pays, comme les Emirats arabes unis, l'Irak, le Koweit, le Kazakhstan, l'Algérie ou Oman vont également procéder à des diminutions de moindre ampleur, a précisé l'alliance.

 

Les marchés ont réagi avec déception devant l'absence d'accord collectif de l'Opep+, le WTI américain fléchissant temporairement de 3%. «Il s'agit d'une victoire au goût amer pour les Saoudiens qui n'ont pu convaincre que sept membres», estime Jorge Leon, analyste chez Rystad Energy.

 

Réticences africaines

 

Initialement prévue dimanche à Vienne, la réunion avait été repoussée sur fond de discorde. L'Arabie saoudite, désireuse de partager le fardeau, s'est en effet heurtée aux réticences des pays africains. Parmi les réfractaires, l'Angola et le Nigeria voulaient «augmenter leurs quotas» afin d'accroître leur manne pétrolière, source de précieuses devises étrangères, d'après une source proche des discussions. Ces deux pays n'ont pas digéré les conclusions de la réunion de juin, qui actaient une baisse de leurs objectifs de production, après des années de sous-investissement. Les différends n'ont pas été complètement réglés, Luanda rejetant son nouveau volume de production attribué par le groupe, a rapporté l'agence Bloomberg.

 

Après les coupes claires de la pandémie, l'alliance avait rouvert les vannes en janvier 2021 avant de les resserrer de nouveau fin 2022 sur fond d'incertitude économique. Elle garde actuellement sous terre environ 5 millions de barils par jour, jouant sur la raréfaction de l'offre pour tenter de faire remonter les cours.

 

Au total, les réductions supplémentaires annoncées ce jeudi s'élèvent à près de 900.000 barils par jour.

 

Le Brésil convié

 

Mais cette stratégie peine à porter ses fruits. Les deux références du brut ont dévissé au cours des semaines passées, tout en restant au-dessus de la moyenne des cinq dernières années.

 

Les prix évoluent désormais autour de la barre symbolique des 80 dollars le baril, après une éphémère envolée du Brent à près de 100 dollars fin septembre et loin des 140 dollars atteints à la suite de l'invasion russe de l'Ukraine.

 

La demande apparaît fragile, entre préoccupations autour de l'économie de la Chine, premier importateur de brut au monde dont la reprise post-Covid-19 s'avère beaucoup plus poussive que prévu, et signaux mitigés venant de l'Europe et des Etats-Unis. Côté offre, la production de brut des Etats-Unis et du Brésil a atteint des niveaux records, provoquant un changement des rapports de force.

 

L'Opep+, qui compte pour environ la moitié de la production mondiale, «n'a plus la mainmise sur le marché qu'elle avait autrefois», souligne Neil Wilson, analyste chez Finalto.

 

L'alliance, née en 2016 en réaction aux défis posés par la concurrence américaine, espère toutefois être rejointe par le Brésil dès janvier 2024. «C'est un moment historique pour le Brésil, qui ouvre un nouveau chapitre du dialogue et de la coopération internationale sur l'énergie», a salué le ministre Alexandre Silveira, présent à la réunion. Mais le ministère de l'Energie a tempéré cette annonce, précisant dans un communiqué transmis à l'AFP qu'il «analysait la question».

 

Surprise, le Pentagone achète du pétrole russe interdit

 

L’armée américaine a importé à son insu une grande quantité de pétrole d’origine russe auprès d’une raffinerie grecque. Cette dernière a profité d’un stratagème entre Moscou, les Émirats arabes unis et la Turquie pour dissimuler l’origine russe de ses produits.

 

C’est qu’a révélé une enquête du Washington Post. Cette dernière montre comment le département d’État à la Défense viole - à priori sans le savoir - les sanctions imposées par l’administration Biden à la Russie pour acheter du pétrole russe. Plus précisément, c’est la raffinerie grecque Motor Oil Hellas, un fournisseur clef du Pentagone, qui livre en grande quantité des produits pétroliers russes à l’armée américaine. C’est une affaire juteuse pour cette entreprise qui a finalisé un contrat de 910 millions d’euros avec Washington.

 

Officiellement, Motor Oil Hellas applique bien les sanctions imposées à Moscou. Cependant pour contourner cet embargo sans trop d’efforts, la raffinerie a mis en place un nouvel itinéraire d'exportation par lequel le pétrole russe transite par bateaux sur la mer Noire puis par la Méditerranée pour arriver dans la ville turque de Dörtyol.

 

Les registres de suivi des navires et les données commerciales ont révélé que depuis l'entrée en vigueur des sanctions de l'Union européenne et du G7 sur les produits de Moscou, les livraisons russes à Dörtyol se sont élevées à 2,7 millions de barils, soit plus de 69% du fioul stocké dans cette ville.

 

Pendant leur trajet en bateau, les cargaisons russes sont achetées par une société basée aux Émirats arabes unis. Lorsque le fioul est acheminé en Turquie, il est acheté cette fois par la société pétrolière nationale d’Ankara. Ce n’est seulement qu’après toutes ces transactions que le pétrole est enfin importé par Motor Oil Hellas.

 

Toutes ces étapes permettent de dissimuler l’origine russe des produits car ils ont changé de mains plusieurs fois avant d’arriver sur le territoire grecque en mer Égée. La raffinerie revend ensuite ce pétrole non identifié à l’armée américaine. «La quantité exacte de mazout d'origine russe dans les ressources achetées par le Pentagone n'a pas pu être déterminée. Ces produits sont raffinés à l'aide de multiples ingrédients qui ne peuvent pas tous être suivis tout au long de la production», a encore précisé le Washington Post.

 

Un commerce très rentable pour la Turquie

 

Motor Oil Hellas a déclaré dans un communiqué que «la société n'achète pas, ne traite pas et ne commercialise pas de pétrole ou de produits russes. Toutes ses importations sont certifiées d'origine non sanctionnée». Cependant l'entreprise n'a pas voulu répondre aux questions du Washington Post pour montrer comment elle s’assure de l’exactitude des certifications données au pétrole qu’elle achète.

 

De son côté, la Turquie a acquis la réputation d'un pays où ces certificats ne risquent pas d'être contestés. «Les Turcs n’essaient pas activement d'empêcher ce type de combines. Ils n'ont aucune raison de le faire. Il s'agit d'un commerce très rentable qui rapporte de l'argent à Ankara, qui est en bons termes avec la Russie. Ils adoptent donc une approche réglementaire très légère, préférant se fier aux documents qui leur sont fournis sans poser de questions», a précisé au quotidien américain George Voloshin, un expert en criminalité financière auprès de l'Association of Certified Anti-Money Laundering Specialists (Association des spécialistes certifiés de la lutte contre le blanchiment d'argent).

 

Le Pentagone ne serait pas le seul acheteur involontaire de pétrole russe. Motor Oil Hellas a aussi vendu plus d’un million de barils à des acheteurs gouvernementaux et privés en Italie, en France, en Espagne et au Royaume-Uni, selon les registres de suivi des navires.

 

Sources : Capital

Publié dans Energie, International, Economie

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