Les 10 milliards d'austérité sont anti-écologiques et antisociaux

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

En annonçant 10 milliards supplémentaires d'austérité, le gouvernement menace la transition écologique et retarde nombre d’investissements indispensables pour l’avenir du pays. C'est le choix d'un nouvel affaiblissement des services publics.

 

Alors qu'il racontait que la France aurait un croissance de 1,4 % en 2024, Bruno Le Maire a du se rendre à l'évidence, elle ne sera que de 1% ! Prétexte aussitôt saisi pour réduire la dépense publique de 10 milliards avec des conséquences terribles et premier lieu pour les services publics.

 

Le budget 2024 voté au forceps (49/3), était construit sur 1,4% de croissance. Mais, quelques points en moins, ce sont des milliards qui ne seront pas collectés via la TVA, l’impôt sur les sociétés ou sur le revenu. De fait le trou va s'agrandir ! Comme le gouvernement s’accroche à ses objectifs de réduction du déficit : de 4,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2023, il doit passer à 4,4 % en 2024 puis 3,7 % en 2025 et enfin, passer sous la barre des 3 % en 2027. Il veut donc boucher le trou quoiqu'il en coûte au pays !

 

Affaiblissement des services publics

 

Pour faire passer la pilule Bruno Le Maire refait le coup du ménage : il gagne 100 €, il ne peut donc dépenser que 100 € ! Sauf qu'un ménage ne peut pas décider d'une augmentation de ses revenus, alors que l’Etat a la maîtrise de ses recettes en jouant sur la fiscalité. Mais comme Macron refuse, depuis sept ans, d’utiliser le levier fiscal – et « nous ne dévierons pas de cette ligne », a affirmé Le Maire – il ne reste alors qu’une solution : couper dans les dépenses publiques et les amputer de 10 milliards d’€, soit 1,5 % des dépenses de l’Etat !

 

Sur ces 10 milliards, 5 milliards d’économies sont demandés aux ministères sur leur budget de fonctionnement, à hauteur de ce qu’ils représentent dans le budget national. Mais déjà bien affaiblis par des années d'austérité, il va leur être difficile de faire encore des économies.8 000 postes seraient supprimés dans l’enseignement scolaire, 7 500 dans la recherche, 300 dans la justice, et … 0 dans la police, estime Alternatives économiques sur la base du décret publié, qui spécifie le détail des coupes.

 

Les 5 autres milliards d’économies seront réalisés en réduisant les fonds alloués aux opérateurs de l’Etat (parmi lesquels Business France ou France compétences). Et surtout en réduisant les enveloppes des politiques publiques.

 

 

L'écologie et le travail ciblés par le pouvoir

 

Le dispositif d’aide à la rénovation énergétique, intitulé « MaPrimeRénov’ », sera durement touché. Son budget, qui devait augmenter de 1,6 milliard d’€ en 2024, ne progressera finalement que de 600 millions, pour atteindre 4 milliards d’euros. Le chantier de la rénovation des passoires thermiques, et du reste du parc immobilier, est pourtant un enjeu écologique et social majeur. La France a relevé ses objectifs, sans que les moyens ne suivent. Au total, l’écologie est la grande perdante et aura 2,1 milliards d’€ en moins.

 

Côté emploi, le gouvernement va réduire la prise en charge des coûts des contrats d’apprentissage (- 200 millions d’euros), sabrer dans les crédits du plan d’investissement dans les compétences (- 150 millions d’euros) et instaurer un reste à charge forfaitaire de 10 % sur les formations que les actifs voudront suivre grâce à leur compte personnel de formation (CPF). De quoi économiser là encore 200 millions, dont la charge sera transférée aux salariés concernés.

 

D’autres mesures suivront car le décret fait état d’une réduction d’un peu plus de 850 millions d’euros pour la mission « accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ». Soit davantage que la somme des mesures déjà connues.

 

Bruno le Maire a tenté de convaincre que ces coupes budgétaires seraient indolores pour les Français. Mais dans les faits, les ménages subiront ces réductions, soit directement en raison du repli de la voilure de différentes politiques publiques dont ils auraient pu bénéficier, soit indirectement au travers des conséquences qu’une telle austérité budgétaire aura sur l’économie.

 

Recul de l'aide publique au développement

 

La baisse prévue (800 millions d’euros) de l’aide publique au développement des pays pauvres va également léser les plus vulnérables de la planète, et ce alors qu’un sommet, initié par Macron et tenu en juin à Paris, a insisté sur la nécessité… d’augmenter les financements à destination des pays les plus pauvres, en première ligne face au réchauffement climatique.

Les collectivités locales seront également touchées de plein fouet par la réduction (400 millions d’euros) des dotations du fonds vert, qui finance la transition écologique des territoires, par exemple la rénovation des écoles ou la mise en place de mobilités durables.

 

« L’État met en péril la capacité d’investissement local, pourtant l’un des leviers les plus efficaces pour la transition écologique, a averti le Réseau action climat. Comment demander d’une part aux collectivités d’investir toujours plus dans la transition écologique, tout en ne leur permettant pas d’avoir confiance dans les ressources accordées par l’Etat, qui une fois votées en décembre, peuvent être retirées en février ? »

 

L’absence de cohérence saute aux yeux. « Les commentateurs se sont amusés récemment du nombre de fois où Gabriel Attal a placé une thématique, changeante, en première priorité de son action. C’est ce qui se produit lorsque la communication de l’instant prend le pas sur la politique, abusant du marketing de l’urgence », analyse Olivier Passet, directeur des synthèses économiques chez Xerfi.

 

Pas de débat parlementaire, tout par décret !

 

La méthode du gouvernement pose question. Lors du débat budgétaire, les oppositions de gauche comme de droite avaient déjà demandé au gouvernement d’aligner ses prévisions de croissance sur celles, plus faibles, fournies à l’époque par différents instituts de prévision économique. Et donc de corriger un budget qu’ils savaient déjà plus déficitaire que prévu. Les premiers proposaient alors de rehausser la fiscalité, notamment sur les plus riches, à travers une taxe sur les dividendes ou sur les transactions financières. Les autres plaidaient déjà pour des coupes dans les dépenses que le gouvernement n’avait pas alors retenues.

 

Le fait que cette révision intervienne après l’adoption du budget permet de procéder par voie réglementaire et d’éviter le débat parlementaire. « La décision de faire passer des modifications d’une telle ampleur par la voie réglementaire est un déni démocratique », tance Eric Coquerel, qui réclame le passage par une loi de finances rectificative : « Ce ne devrait pas être une possibilité, mais une obligation ».

 

En l’occurrence, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) ne prévoit cette obligation que pour les gels de crédits supérieurs à 1,5 %. Les 10 milliards n’ont donc pas été choisis au hasard.

 

D’autres arbitrages futurs pourraient cependant prendre la route du Palais Bourbon et de celui du Luxembourg. « Nous n’écartons pas le fait qu’on aura peut-être, si nécessaire, un budget rectificatif à l’été ou à la mi-année », a averti Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics.

 

Le serrage de ceinture ne fait a priori que commencer. D’une part car des dépenses nouvelles non inscrites dans le budget ont déjà été consenties par l’exécutif, pour les agriculteurs (400 millions d’euros) ou pour aider militairement l’Ukraine (jusque 3 milliards d’€). D’autre part car la prévision de 1 % reste ambitieuse au vu des données de la Commission européenne ou l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) qui, début février, prévoyaient plutôt une croissance française 2024 de l’ordre de 0,8 %, voire 0,6 %.

 

Par ailleurs, les règles budgétaires européennes entrent de nouveau en vigueur en 2024 avec ses deux principaux totems (rester sous la barre de 3 % de déficit public et de 60 % de dette). En 2023, plus de flexibilité a été laissée aux Etats pour fixer, chacun, leur propre trajectoire de réduction des finances publiques en fonction de leurs contraintes nationales. Mais l’Allemagne, soutenue par un certain nombre de pays favorables à une austérité renforcée, a obtenu la réintégration de critères pour un désendettement plus rapide. « Le résultat est un cauchemar... », fustige l’économiste Jean Pisani Ferry.

 

Pour tenir ses objectifs, Bercy a déjà prévenu que 12 milliards d’€ d’économies seront nécessaires en 2025. La vague gagne toute l’Europe puisque l’Allemagne, l’Italie ou la Belgique sont également engagés dans ce genre d’arbitrages mortifères.

 

Le coeur du problème, ce sont les recettes de l'Etat

 

Il est possible d'augmenter les recettes de l’Etat. Un prélèvement temporaire sur le patrimoine financier des plus aisés rapporterait par exemple 5 milliards par an, comme préconisé dans dans un récent rapport publié par l’économiste Jean-Pisani Ferry et l’inspectrice générale des finances Selma Mahfouz. Revenir sur la baisse des impôts de production, cadeau fait aux entreprises, rapporterait de son côté 10 milliards. On peut aussi taxer les superprofits ou encore réformer le système d’imposition sur les successions, a rappelé Oxfam cette semaine.

 

Le refus du gouvernement de jouer sur le levier fiscal va conduire à une impasse. D’une part car l’impact des réformes, et notamment celles de l’assurance chômage et des retraites, sur le taux d’emploi est à relativiser selon le Haut conseil des finances publique. Et, d’autre part, parce qu’il est illusoire d’espérer pouvoir croître suffisamment pour répondre à l’ampleur des besoins qui augmentent considérablement.

 

Rien que pour atteindre les objectifs climatiques, il faudrait doubler les dépenses au niveau européen, estime l’institut d’économie du climat I4CE. Sur ce sujet, comme sur la santé, l’éducation ou les dépenses militaires, même la constance des moyens n’est pas un point de référence satisfaisant, insiste Olivier Passet. C’est dire les risques que font courir des coupes budgétaires aussi drastiques.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article