Austérité : peut-on éviter un nouveau tour de vis ? par Jean Marc Durand
L’austérité est évitable. La BCE peut financer les services publics et une nouvelle industrialisation. Une réforme fiscale est nécessaire.
Avec l’annonce gouvernementale d’une réduction supplémentaire de 10 milliards d’euros de la dépense publique, nous sommes au cœur du cercle vicieux des politiques conduites ces dernières années et particulièrement depuis le Covid. La crise sanitaire intervenue au moment où l’économie donnait de sérieux signes d’essoufflement a finalement masqué une récession naissante mais pour mieux rebondir.
La période du Covid a permis de transgresser les règles budgétaires en vigueur. Sur le plan européen, plus question de pacte de stabilité, oubliés les 3 %. En France, c’était le « quoi qu’il en coûte ». Des milliards ont ainsi été déversés par la Banque centrale européenne (BCE) pour racheter des titres de dette publique sur les marchés et soutenir les entreprises…
Le Covid passé, retour aux règles des traités, en clair, à l’austérité budgétaire. Cette bifurcation, ajoutée à la rupture des chaînes de production à flux tendu de l’avant-Covid et à la confiscation pour l’accumulation capitaliste de l’argent distribué au lieu qu’il serve l’économie réelle, a conduit à la poussée inflationniste qu’on connaît. Conséquences : la demande est en berne, l’offre est paralysée et la croissance est atone.
Comment, dans ces conditions, désendetter, comme le souhaite le ministre des Finances, autrement qu’en taillant dans la dépense publique ? Et revoilà le cercle vicieux régressif ! Car, ces coupes répétées dans la dépense publique sont autant de potentiels de développement anéantis qui ne permettront pas de produire la richesse nécessaire pour rétablir les comptes.
Pire, l’augmentation des taux directeurs des banques centrales pour juguler l’inflation à la mode capitaliste fait augmenter les dépenses inutiles de l’État. Il déboursera, en 2024, quelque 50 milliards d’euros en charge d’intérêts de sa dette, soit plus que le budget du primaire et du secondaire de l’éducation nationale. En même temps, l’emploi et le pouvoir d’achat reculent.
Dans ces conditions, il est urgent de changer de paradigme pour conjurer la crise. Il faut créer une richesse nouvelle en priorisant les dépenses humaines avec des critères écologiques et sociaux. Cela permettra « d’avaler » la dette et de dégager des marges d’intervention. L’enjeu, c’est l’utilisation de l’argent. Celui de la BCE avec sa création monétaire par un fonds financé à taux zéro pour les services publics et une nouvelle industrialisation.
L’article 123.2 du traité de Lisbonne le permet. Il s’agit aussi de conditionner autrement les aides publiques aux entreprises (200 milliards d’euros) à des critères de salaire et d’emploi, plutôt que d’en faire une trappe à bas salaires qui mine les qualifications et ruine la productivité.
Enfin, une réforme d’ampleur de la fiscalité des entreprises est nécessaire. Leur argent doit aller à des investissements favorisant l’emploi et les productions écologiques, au lieu de verser 300 milliards d’euros de dividendes, soit les trois quarts de leur excédent. Que leur reste-t-il pour des investissements réels ?
Jean Marc Durand
Économiste, membre de la commission économique du PCF