Slovaquie, une élection inquiétante pour les slovaques et pour le jeu de l'UE...

Publié le par Les communistes de Pierre Bénite

Proche du premier ministre nationaliste et pro-russe Robert Fico, Peter Pellegrini a emporté la présidentielle en Slovaquie. Alors que le pays a déjà suspendu son aide militaire à l’Ukraine, son élection laisse entrevoir de futures obstructions dans le cadre du processus d’adhésion de Kiev à l’Union européenne. Retour sur les raisons du contentieux entre les deux pays.

 

Les Slovaques ont confirmé l’orientation stratégique née de l’élection du premier ministre Robert Fico en octobre dernier. En portant l’économiste Peter Pellegrini à la présidence, samedi 6 avril avec 53,2 % des voix, le pays complique un peu plus la donne pour l’Union européenne (UE) et l’Otan déjà aux prises avec la Hongrie de Viktor Orban ouvertement pro-russe.

 

Son opposant, l’ex-ministre des Affaires étrangères pro-européen, Ivan Korocok, qui s’incline avec 46,8 % des suffrages à l’issue de ce second tour, a immédiatement reconnu sa défaite.

 

Si le rôle du chef de l’État est essentiellement représentatif, il n’en nomme pas moins le premier ministre, contrôle les chefs des forces armées et désigne les juges de la cour constitutionnelle. Après la suspension de l’aide militaire à l’Ukraine fin octobre, la campagne a tourné autour du soutien au pays en guerre.

 

Bratislava déjà mis à l’écart des pourparlers entre Européens sur l’Ukraine

 

Le mois dernier, Bratislava avait été tenu à l’écart par la France d’une conférence de suivi des ministères des Affaires étrangères et de la Défense occidentaux autour du conflit. À l’issue de son élection, Peter Pellegrini a confirmé « veiller à ce que la Slovaquie reste du côté de la paix et non du côté de la guerre ». Ce dernier soutient des pourparlers de paix basés sur la concession de territoires par l’Ukraine.

 

« Il s’avère qu’il est possible de devenir président de la République slovaque en répandant la haine. La campagne peut également être gagnée en faisant de moi un candidat de guerre », a réagi son opposant Ivan Korocok qui, durant sa campagne, a comparé toute alliance avec Moscou à une résurgence du passé : « J’ai vu les troupes d’occupation du Pacte de Varsovie ici même, dans les bras de mon père, et cela a affecté le reste de ma vie », expliquait-il lors d’un meeting à Banska Bystrica (centre), en mars.

 

Premier ministre de 2018 à 2020, Peter Pellegrini a assuré que son pays continuerait à « être un membre fort de l’Union européenne et de l’OTAN » sans préciser dans quel sens il comptait peser.

 

Laver l’humiliation de 2009

 

Le positionnement de son allié Robert Fico s’explique notamment par la crise du gaz qui a secoué la Slovaquie lors de l’hiver 2009 après l’interruption des flux de gaz russe à travers l’Ukraine vers les pays de l’UE. La coupure avait coûté près de 100 millions d’euros par jour à l’économie slovaque du fait de la fermeture des usines.

 

Premier ministre de l’époque, Robert Fico avait tenté de convaincre Vladimir Poutine de rétablir l’approvisionnement avant de se rendre à une réunion à Kiev où les autorités l’avaient fait patienter trois heures avant de l’admettre, l’accusant – déjà — d’avoir pris le parti de Moscou. Stratèges, les Russes ont accueilli la délégation slovaque à bras ouverts.

 

C’est cette humiliation, doublée d’une grave crise pour la Slovaquie, que le chef du gouvernement est aujourd’hui déterminé à laver. Le président slovaque de l’époque, Ivan Gašparovič, avait lui aussi été douché par la promesse non tenue de son homologue ukrainien Viktor Iouchtchenko de voir la société nationale Naftogaz rétablir certains flux vers la Slovaquie jusqu’à ce que l’entreprise l’informe ne pas être en mesure de le faire le jour de l’accord.

 

Jusqu’à l’élection de Robert Fico, Bratislava était pourtant un soutien de poids à Kiev dans l’aide militaire : système de défense aérienne S-300, chasseurs à réaction MiG-29, armes et munitions… la Slovaquie n’a pas lésiné. Un soutien qui fait aujourd’hui défaut y compris pour les négociations d’adhésion de l’Ukraine à l’UE.

 

Pour l’heure, la Slovaquie n’a jamais fait obstruction à Bruxelles mais la consolidation des options de Robert Fico lors de la présidentielle pourrait ouvrir un nouveau chapitre.

 

Lina Sankari  Article publié dans l'Humanité

Publié dans Europe

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article