SNCF : rassemblement le 18 juin à 11h à Vénissieux pour la défense du Fret Ferroviaire
Ci-dessous reprise de la lettre envoyée aux élus-es du Conseil Régional, du conseil départemental et de a Métropole de Lyon sur le Fret ferroviaire par le secteur fédéral des cheminots CGT de la Région de Lyon le 24 mai 2024.
Mesdames, Messieurs les élu·es,
Comme vous en avez certainement pris connaissance, la Commission européenne a ouvert, le 18 janvier 2023, une procédure formelle d'examen contre l'État français relative au soutien financier dont Fret SNCF aurait bénéficié sur la période 2007-2019. Alors que la Commission européenne laisse trois ans à la France pour répondre à son alerte, le gouvernement a immédiatement négocié avec Bruxelles, et sans en informer les organisations syndicales, un plan de « discontinuité ». Dénoncée par l'ensemble des organisations syndicales représentatives de la SNCF, cette décision de liquidation de l’outil public constitue une véritable déflagration chez les cheminots, entraînant de la colère et une très forte souffrance au travail.
Ce que nous qualifions à la CGT de scandale d'État est documenté dans le rapport adopté le 13 décembre 2023, issu des travaux de la commission d’enquête parlementaire sur « la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l’avenir ». Le fret ferroviaire fait l'objet de promesses depuis plus de 20 ans. Les plans de restructuration se sont succedès (2003, 2007, 2009, 2011, 2016, 2021), tous fondés sur une politique publique libérale de dérégulation et de baisse des coûts largement inspirée du mode routier.
À chaque fois, les plans de réduction du déficit se sont appuyés sur les mêmes recettes d'attrition des moyens de production. En vingt ans, les fermetures de triages et de dessertes, accompagnées de réductions de personnel ont affaibli les capacités productives de Fret SNCF et dégradé les conditions sociales, de vie et de travail des cheminots.
Tout opérateur confondu, la part modale du transport ferroviaire sur l'ensemble des marchandises transportées en France est passée de 14,6 % en 2009 à 10,7 % en 2021. Fret SNCF assure 50 % de ce total tout en ayant perdu plus de 10 000 emplois sur la même période.
Après plus de 20 ans de libéralisation du fret ferroviaire, nous pensons qu'il est temps, à minima, de procéder à une réelle évaluation de l'ouverture à la concurrence dans le transport ferré de marchandises et surtout de procéder à une réorientation radicale pour permettre à Fret SNCF de reprendre sa place stratégique dans le développement du fret ferroviaire dans notre pays.
L'affaiblissement du service public de transport ferroviaire de marchandises n'a manifestement pas été compensé par le marché et n'a pas été utile à la collectivité. Pire, l’Union européenne s’apprête à porter un coup supplémentaire à tous les opérateurs de fret ferroviaire en autorisant la circulation de camions de 60 tonnes (les mégatrucks). Cette décision est incompréhensible tant en matière environnementale que sécuritaire, et elle risque d’entraîner un report modal inversé.
Par ailleurs, l'État français a aussi pris des engagements dans le cadre de la loi climat en prévoyant un doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici 2030. Pour la CGT, la liquidation annoncée de Fret SNCF prive de fait l'État d'un outil public indispensable pour tenir ses engagements. Loin des discours de façade et des bonnes intentions affichées lors des sommets internationaux, comme récemment à l'occasion de la COP28, cette procédure de discontinuité pourrait conduire à une faillite du transport ferroviaire de marchandises en France, en portant un coup fatal à l'opérateur public.
La politique des transports est constitutive d’une politique d’aménagement du territoire, de développement économique, de cohésion sociale et environnementale. Nous pensons donc, que le futur de Fret SNCF, entreprise de service public, doit faire l'objet d'un véritable débat de société, au regard de l'extrême nécessité d'opérer un report du transport de marchandises de la route vers le rail. Le choix d’utiliser le rail et particulièrement Fret SNCF pour transporter des marchandises dans l’ensemble du pays permet le développement du tissu économique qu’il soit agricole, industriel ou de services, avec l’implantation d’activités mieux réparties sur l’ensemble du territoire.
L’efficacité de Fret SNCF pour le transport de masse, à l’appui de différentes techniques de production complémentaires qui ont fait leurs preuves (trains dédiés, combinés, wagons isolés) est un atout indispensable à l’approvisionnement des sites industriels, comme à la mise à disposition des produits finis, de matériaux, de produits agricoles ou forestiers. Grâce à son caractère public, Fret SNCF peut exercer des activités qui ne sont pas rentables par elle-même, mais qui peuvent influer positivement sur le coût des externalités économiques et environnementales qui s’élèvent à 115 milliards d’euros par an pour la France (congestion routière, hospitalisation dues aux maladies respiratoires, accidentologie…).
En instaurant une offre multimodale alliant les modes de transports fluviaux et maritimes, Fret SNCF est un maillon indispensable de la chaîne logistique sur l'ensemble du territoire. Par ailleurs, les objectifs de réindustrialisation que se fixe l'État ainsi que le transport de matières premières servant à la production de nos industries ne pourront être réalisés sans un outil public au maillage et à l'implantation nationale. Seul Fret SNCF en dispose et peut y répondre.
Le transport de marchandises exercé par Fret SNCF, notamment en proximité, au plus près des besoins des chargeurs est un facteur de cohésion et de désenclavement territorial. En ce sens, la maîtrise et le développement du mode de transport des marchandises par la technique dite, du wagon isolé, sont de véritables réponses pour des entreprises dont l'activité ne permet pas de réaliser des trains entiers.
Développer cette offre de transport, sous maîtrise publique, permet le report de la route vers le rail et répond aux engagements de décarbonation des transports. Le transport ferroviaire public peut et doit jouer un rôle majeur pour l’ambitieuse et nécessaire relance industrielle et agricole décarbonée en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, en conformité avec les objectifs du GIEC.
La CGT propose un objectif de 25 % de part modale pour le ferroviaire en 2050, en se basant sur les perspectives de hausse du trafic des marchandises projetées par le gouvernement. Nous considérons que nous ne pouvons pas une nouvelle fois, voir les objectifs repoussés de 10 ou 20 ans, compte tenu des enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés.
Enfin, le gouvernement, par l'intermédiaire de son ancienne Première ministre, a annoncé en mars 2023 un plan de 100 milliards d'euros dédiés aux infrastructures ferroviaires. Pourtant, aucun élément concret ne matérialise le fléchage de cette somme.
Pour atteindre les objectifs de doublement de la part modale annoncés par l’État français, il est impératif d'adopter une loi de programmation budgétaire pluriannuelle dans le ferroviaire.
Nous appelons les élus de la nation à intervenir le plus rapidement possible auprès du gouvernement pour que le plan de discontinuité qui voudrait nous êtes imposé ne voit pas le jour et que nous puissions ouvrir un grand débat public organisé à tous les niveaux, territorial et national, pour que Fret SNCF soit déclaré d’utilité public au service des besoins de la nation.
La CGT souhaite une suspension immédiate du plan de discontinuité et la réouverture de la négociation avec la Commission européenne sur d'autres bases.
La CGT demande l’application de la recommandation nº 27 du rapport parlementaire qui préconise de fixer un moratoire sur le plan de discontinuité proposé par le gouvernement français afin de réviser le processus de démantèlement de Fret SNCF à la lumière des travaux de la commission d’enquête.
Ceci permettrait d’explorer les autres solutions qui assurent la préservation et le développement de Fret SNCF.
Sur le périmètre régional, les possibilités sont importantes, et surtout indispensable. Nous vous joignons en substance, quelques propositions CGT permettant le développement du FRET ferroviaire public.
√ Les ports :
La région compte cinq ports fluviaux (Portes-lès-Valence, Salaise-sur-Sanne, Lyon Édouard-Herriot, Villefranche-sur-Saône et Loire-sur-Rhône) où près de 15 millions de tonnes de marchandises y transitent chaque année. Ils sont tous interconnectés avec le rail, et pourtant, le transport routier s’accapare la quasi totalité du volume, le rail représente moins de 10% du volume total . Un report vers le rail est possible mais surtout nécessaire.
√ Les granulats et produits de carrières
Cinq carrières (Le Pouzin 07, Peyraud 07, Saint-Sixte 42, Parigny 42 et Courzieu 69) pourraient être embranchées au rail de manière très simple, avec un potentiel proche du 1 000 000 tonnes/an. Pour rappel, un million de tonnes représentent environ 37 000 poids lourds.
√ Les plateformes logistiques, industrielles et zones commerciales
De nombreuses zones essaiment la région et sont proches d’une infrastructure ferroviaire. Mais là encore, le rail est délaissé au profit du tout routier. Citons ces quelques exemples :
• STEEL commercial à Saint-Étienne, est situé à quelques mètres d’une infrastructure ferroviaire (Pont-de-l’Âne). Ce centre commercial dispose de 50 000m2 de stockage, exclusivement approvisionné par poids lourds. L’engorgement routier de l’axe Lyon-Saint-Étienne n’est plus à démontrer. Un report vers le rail aurait toute sa pertinence.
• L’Est de l’agglomération lyonnaise (Meyzieu, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Décines, etc.), de nombreuses plateformes logistiques et industries sont implantées, sans raccordement au rail.
• Le marché de gros de Lyon-Corbas : 300 000 tonnes/an transitent sur le site, uniquement par camion. Les rails sont pourtant à moins d’un kilomètre !
• La plateforme logistique de Saint-Quentin-Fallavier avec une surface de près de 2 500 000 m2 (classée parmi les trois plus importantes d’Europe) permettrait un report massif vers le rail. Seule une entreprise utilise le rail aujourd’hui !
√ Transports des organes et matières premières ferroviaires
Aujourd’hui, bogies, appareils de voie, supports caténaires, pièces mécaniques et ballast sont acheminés par camions sur les sites ferroviaires, raccordés par nature au rail.
Ainsi les Technicentres TER de Lyon Vaise, Lyon Guillotière, Vénissieux, L’arbresle et le futur Technicentre à Saint Etienne, les différents sites d’infrastructures réseaux pourraient tout à fait être livrés par le rail. La CGT revendique la ré-internalisation de ces transports qui saturent les centres villes.
√ La ligne Sain-Bel – Courzieu
La fermeture récente de cette ligne pousse 9 000 camions sur les routes. Pourtant, la circulation routière est déjà extrêmement dense sur ce territoire (ex. N89). Près de 70 000 T/an circulent dorénavant par camions !
Nous proposons la réouverture de la ligne, sur l’ensemble de son linéaire, c’est-à-dire jusqu’à Sainte-Foy-l’Argentière, avec son électrification, l’équipement en signalisation moderne et l’aménagement de points d’arrêt permettant de prolonger le tram-train au- delà de Sain-Bel. Ces mesures permettraient d’une part le retour de la desserte de la carrière de la Patte mais aussi des autres sites de la vallée, et d’autre part offrir à la population locale une alternative à la voiture grâce à l’extension du tram-train.
√ La ligne Saint-Rambert-d’Albon – Beaurepaire
Cette ligne fermée depuis 2015 permettait le transport par le rail de près de 50 000 t/an de céréales. Cette fermeture pénalise l’économie locale et rejette environ 2 000 camions/an sur les routes entre Beaurepaire et Salaise-sur-Sanne. Le trafic pourrait être bien plus important en desservant d’autres silos sur le parcours et en assurant le transport d’autres produits à l’arrivée comme les engrais.
√ Ligne Sathonay – Trévoux
Début décembre 2022, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et SNCF Réseau ont signé l’acte de transfert de propriété de l’ancienne voie de chemin de fer Lyon-Trévoux pour la transformer en voie de bus. Cette conversion d’une voie ferrée en couloir routier pour un BHNS (bus à haut niveau de service) est un non-sens et une erreur historique. Le développement économique et démographique du bassin irrigué par cette ligne milite en faveur du maintien du rail.
Cette fermeture de ligne pénalise les approvisionnements de la plateforme de Neuville- sur-Saône (ZI Lyon Nord), qui possède plus de 7 500 m2 de stockage. Les installations industrielles et chimiques de cette zone, mais aussi sur la partie nord de la ligne, se voient privées de tout lien avec le réseau ferroviaire principal. Tout comme la ligne de Sain-Bel – Sainte-Foy-l’Argentière, la CGT propose une modernisation profonde de l’infrastructure qui permettrait à la fois le retour des trains de fret tout en offrant aux populations locales une desserte ferroviaire moderne de type tram-train connectée au cœur de Lyon.
√ Liaison Lyon – Turin
C’est un projet utile à la société, une nécessité pour l’environnement. Il s’agit de transférer vers le rail environ 50 millions de tonnes/an actuellement acheminées par des poids-lourds dans les vallées alpines. Ce tracé libèrera la ligne historique (inadaptée à une augmentation du flux fret) pour le trafic voyageur et sera le seul tunnel de base orienté est-ouest en lien avec l’Italie, le 3e partenaire commercial de l’hexagone ; il sera aussi plus largement un maillon essentiel dans les flux entre la France, la péninsule ibérique, l’ouest de l’Europe avec les pays de l’ex-Yougoslavie, l’Autriche, la Hongrie, la Slovaquie, etc.
C’est un projet global qui vise aussi à une modernisation profonde des accès ferroviaires alpins. Il permettra d’effacer efficacement l’écueil montagneux qui constitue aujourd’hui un frein dans le report modal vers le rail des trafics routiers de transit européens de longue distance.
√ Développer le ferroutage
Le ferroutage existe sur notre région, mais essentiellement en transit. Pourtant les entreprises locales génèrent de nombreux flux poids-lourds dans toutes les directions. Notre région doit être dotée de bases de chargement/déchargement de « l’autoroute roulante ». Elles seraient idéalement situées aux abords de l’agglomération lyonnaise ainsi que dans la vallée du Rhône, à Portes-lès-Valence notamment. Elles seraient connectées aux liaisons existantes vers Le Boulou (66), Barcelone, Calais, Bettembourg (Luxembourg) et Orbassano (Turin) ainsi qu’à l’agglomération parisienne.
Des infrastructures inutilisées qui ne demandent qu’à être remises en service Les ITE (installations terminales embranchées) qui permettent aux entreprises d’être directement desservies par le rail sont aujourd’hui insuffisamment utilisées voire ne le sont plus du tout. De nombreuses autres ont tout simplement été rayées de la carte, ce qui fait que de nombreuses zones industrielles, entrepôts, bases logistiques ne sont plus reliés au rail alors qu’une voie ferrée passe à proximité. Des gares de triages sont aujourd’hui tombé en désuétude sans pour autant avoir été rayées de la carte. En les réactivant, c’est donner au trafic fret ferroviaire des moyens traiter les tonnages au plus près des sources de trafics. Nous pointons pour le département du Rhône celles de Vénissieux, Saint-Germain-au-Mont-d’Or, Badan (Givors), Terrenoire (Saint-Étienne), Roanne, Portes-lès-Valence (26).
Dans bien d’autres pays européens, la part modale du rail est bien plus élevée qu’en France où elle tourne autour de 10% alors qu’elle est singulièrement plus importante dans d’autres pays (Suisse, 33%, Suède, 30%, Allemagne, 18%). C’est bien la preuve qu’avec un peu de volonté politique et de moyens, les équilibres peuvent s’inverser.
Notre territoire est l’un des plus dynamique économiquement mais aussi l’un des plus touché en ce qui concerne les nuisances liées aux transports. Ces deux faits qui s’imposent à nous sont la preuve de la nécessité d’agir, pour deux causes parallèles :
• Mettre à disposition de l’industrie régionale un moyen de transport économique, fiable et écologique.
• Offrir les moyens d’un report modal vers le rail pour diminuer les émissions et nuisances générées par le transport routier.
Pour toutes suites utiles, vous trouverez les propositions de la fédération CGT des cheminots qui démontrent que d’autres choix sont possibles.
Nous profitons de ce courrier pour vous inviter au rassemblement pour la défense du FRET FERROVIAIRE PUBLIC le 18 juin à 11h à Vénissieux, route du Beaujolais, 69800 Saint-Priest.
Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les élu·es, l’expression de mes salutations distinguées.
Laurent Saint-Leger
Secrétaire général du secteur des cheminots CGT de la Région de Lyon